La riposte israélienne contre l'Iran marque un revirement de situation. Au Liban comme à l'international, l'inquiétude d'une guerre régionale déclenchée par Israël s'est apaisée. Un accord, orchestré par les États-Unis entre Israël et l’Iran, semble avoir écarté le spectre de la guerre. Bien que les détails restent à clarifier, Israël a essentiellement cherché à sauver la face, tandis que l’Iran a choisi de ne pas répondre, en dépit de menaces répétées.
Cet accord, soutenu par Washington et accepté par les deux parties, pourrait entraîner une détente régionale et des effets positifs pour le Liban, sur les plans militaire, politique et diplomatique.
L'émissaire américain Amos Hochstein, qui navigue entre la France, le Liban et Israël, pourrait en être l'artisan principal. Ainsi, lors de sa sixième visite au Liban, il a remis au président Nabih Berry un dossier qui contient une nouvelle procédure de mise en œuvre de la résolution 1701 et des conditions israéliennes qui vont au-delà de ladite résolution.
Selon des sources diplomatiques occidentales, celles-ci incluent notamment “l'autorisation pour l'aviation israélienne de survoler le Liban afin d'empêcher le retour des éléments du Hezbollah à la frontière et la possibilité pour les forces israéliennes de pénétrer le territoire pour vérifier l'absence de bases, tunnels ou caches d'armes, comme ce fut le cas après la résolution 1701 en 2006, ainsi que la création d'une force internationale de maintien de la paix composée de nouvelles nationalités, incluant des Américains”.
Il n'en demeure pas moins que Berry ne s’est pas réjoui de cette visite, particulièrement après l'escalade israélienne visant à mettre la pression sur le Liban. Hochstein, qui a d’abord été reçu froidement, a tenté d’obtenir l’approbation de Berry, représentant du Hezbollah, pour le plan. Ce dernier a répondu que la situation avait évolué puisqu’Israël poursuit ses destructions, refuse le cessez-le-feu et transgresse toutes les garanties qui lui avaient été communiquées. Après moins de deux heures de réunion, Hochstein a laissé le dossier à Berry, qui a réaffirmé sa position: rejet des conditions israéliennes, refus de modifier la résolution 1701, demande de cessez-le-feu, élection d'un président consensuel, formation d'un gouvernement et application de la résolution 1701 dans son intégralité avec un déploiement de l'armée libanaise à la frontière.
Hochstein a ensuite mis le cap sur Paris, où il a mis la cellule libanaise de l'Élysée au courant des divergences entre les positions libanaise et israélienne.
En réalité, il pensait que l'assaut militaire israélien contre le Hezbollah encouragerait ce dernier à saisir l'opportunité pour négocier et accepter le projet présenté à Berry, qui détaillait les modalités d'application.
Selon un analyste politique arabe, l'échec temporaire de Hochstein s'explique par le timing qui coïncide avec l'approche des élections américaines et par le fait que le Hezbollah ne soit pas le décideur réel. En effet, la prise de décision revient à l'Iran, qui utilise la situation au Liban dans son propre agenda régional.
Le président français Emmanuel Macron a d'ailleurs récemment affirmé que “l'Iran a impliqué le Hezbollah dans la guerre contre Israël et doit stopper ses actions au-delà de la Ligne bleue”. On ne peut revenir à la situation d’avant le 7 octobre; il est essentiel de respecter et de mettre en œuvre la résolution 1701. Bien que l'Iran affirme ne pas vouloir la guerre, il maintient des fronts actifs pour les utiliser comme levier stratégique dans la région.
De son côté, Israël tire profit de l'absence de direction américaine ferme dans ce contexte pré-électoral pour garantir sa propre sécurité, considérée comme prioritaire. Israël cherche ainsi à mettre fin à la présence militaire du Hezbollah et à démanteler son organisation en ciblant ses infrastructures. Il demande le monopole des armes par l'État libanais et l'application des résolutions internationales, y compris le désarmement des milices libanaises et palestiniennes, ainsi que le retour des camps sous contrôle étatique, comme l'a souvent souligné le président palestinien Mahmoud Abbas.
Qu’arrivera-t-il après le 5 novembre? Un diplomate occidental estime que “le prochain occupant de la Maison Blanche définira la politique à suivre”. Il ajoute que la stratégie d'Israël est claire, peu importe le vainqueur de l'élection: les hostilités ne cesseront pas tant que l'influence iranienne au Liban ne sera pas éliminée.
Selon un responsable sécuritaire occidental, cela pourrait se concrétiser au printemps prochain, lorsque les stocks militaires du Hezbollah seront épuisés.
Quant à Téhéran, il entamera des négociations concernant ses branches militaires avec le nouveau président, mais privilégie actuellement la gestion de fronts actifs plutôt qu'une guerre ouverte. Cela dit, il préfère traiter avec un président démocrate, le précédent accord nucléaire de 2015 (prenant fin en 2025) ayant été signé sous l’administration Obama. L'éventuelle victoire de Donald Trump représenterait un choc pour Téhéran, car Washington refuse de le laisser accéder au nucléaire.
Par ailleurs, au Liban, une opportunité se présente entre les élections américaines du 5 novembre et la prise de fonction de la nouvelle administration le 20 janvier. Partant, l’on devrait saisir cette occasion pour obtenir un cessez-le-feu et élire un président.
Il faut savoir que, si l'Iran souhaite réellement préparer le terrain pour la future administration américaine, il pourrait alléger son emprise sur le dossier libanais. Dans ce cas, le Hezbollah pourrait “redevenir libanais” et un président respectant les critères du Quintette pourrait être élu, amorçant ainsi l’application du plan Hochstein.
Anticipant cette phase, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a demandé à l'émissaire Jean-Yves Le Drian de se rendre à Beyrouth pour relancer l'initiative du Quintette et paver la voie à l'élection rapide d'un président.
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