Le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture: un phare dans la nuit libanaise
Le Pavillon Nuhad Es-Saïd, nouveau joyau au cœur de Beyrouth, ouvre courageusement ses portes. ©The Nuhad Es-Said Pavilion for Culture-Photo by Caroline Tabet.

Le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture a ouvert ses portes aux côtés du Musée national de Beyrouth, offrant un nouvel espace dédié à l'art et au patrimoine. Son exposition inaugurale, Portes et passages, conçue par le Beirut Museum of Art (BeMA), invite à découvrir un panorama de l'art libanais moderne et contemporain.

En ces heures sombres où le patrimoine libanais est mis à genoux, où les joyaux millénaires de notre culture vacillent sous les frappes, notre cœur se serre pour Baalbeck, Tyr et tant d'autres lieux mythiques déjà meurtris, dont l'avenir est suspendu à un fil. Quand l'emblématique hôtel Palmyra à Baalbeck, témoin de tant d'époques, gît blessé par les bombes, c'est un peu de notre âme et de notre mémoire qui se brise en éclats dans le fracas des armes.

Mais au cœur de ce chaos, une lueur d'espoir vient de s'allumer. Un espace dédié à l'art et à la beauté a choisi d'ouvrir grand ses portes, comme un pied de nez à la folie guerrière, un acte de foi dans la force de la création. Le Pavillon Nuhad Es-Said pour la culture, nouveau fleuron accolé au Musée national de Beyrouth, a fait le pari audacieux de la vie et de la lumière, au moment même où le pays sombre dans la nuit. 

Malgré la guerre, ou peut-être plus que jamais à cause d'elle, le pavillon a fait le choix de la vie et de la création. En ouvrant ses portes au public en dépit d'une période particulièrement difficile, il affirme avec force et naturel la résilience de l'art et de l'esprit face aux ténèbres.

Un projet visionnaire au service du patrimoine libanais

Le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture, né de la collaboration entre la Fondation nationale du patrimoine, sous la direction de Mme Mouna Haraoui, et la famille Es-Saïd, mécène principal, marque un nouveau jalon dans l'engagement de la fondation envers le Musée national de Beyrouth. Véritable écrin du patrimoine, le musée abrite des trésors archéologiques inestimables, témoins de siècles d'histoire, tout en portant l'empreinte indélébile de la guerre civile libanaise. Durant ce conflit, Maurice Chehab, premier conservateur et directeur général des antiquités, s'est dévoué corps et âme à la sauvegarde du patrimoine culturel face à la destruction. Conçu par Raëd Abillama Architects dans le respect des archives et des matériaux d'origine, le pavillon offre un espace polyvalent en harmonie avec le bâtiment principal. Sa mission: célébrer et partager la richesse culturelle du Liban à travers des programmes novateurs, des expositions captivantes et un engagement communautaire fort. Le pavillon se veut une plateforme d'avant-garde, ancrage de l'identité nationale, éveil de la curiosité et catalyseur de créativité, tout en apportant un soutien financier au Musée national de Beyrouth grâce à l'organisation d'activités culturelles et sociales, ainsi qu'au Pavilion Café, sous la houlette du chef Hussein Hadid.

Un écrin contemporain en dialogue avec le passé

Tel un miroir moderne du Musée national de Beyrouth, monument phare du patrimoine national, le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture s'élève fièrement à ses côtés. Loin d'éclipser son majestueux voisin, il le sublime, lui insufflant une nouvelle jeunesse tout en soulignant sa grandeur intemporelle. Inspiré des plans originaux de 1928 qui prévoyaient deux ailes latérales, dont seule la gauche fut réalisée, l'architecte Raëd Abillama a conçu l'aile droite en épousant naturellement le bâtiment d'origine, tout en affirmant une identité résolument contemporaine. Volumes épurés et lumineux, propices à l'exposition d'art et à l'accueil d'événements, côtoient le Pavilion Café, oasis de paix, de culture et de verdure. Ce lieu invite à un voyage des sens, parenthèse enchantée en ces temps troublés. Espaces polyvalents accueillant conférences, ateliers et performances parachèvent ce pavillon vibrant et lumineux, pensé pour insuffler une nouvelle vie à un monument national résilient, ayant traversé guerres, destructions et crises. Un nouveau chapitre s'ouvre ainsi dans l'histoire du musée, reflet de celle de Beyrouth et du Liban, riche de sept décennies d'événements.

Portes et passages: une traversée poétique de l'art libanais

L'exposition inaugurale Portes et passages, une traversée du réel et de l'imaginaire, se déploie dans tous les espaces du pavillon. Conçue et organisée par l'équipe du BeMA, codirigée par Juliana Khalaf et Taline Boladian, et sous la direction artistique de Clémence Cottard Hachem, cette exposition réunit 33 œuvres – peintures, sculptures, installations, photographies et vidéos – autour de quatre thématiques: mémoire, mythes, perception et territoire. Le parcours débute par une installation immersive spécialement conçue par l'artiste Alfred Tarazi, véritable “hymne à l'amour” questionnant les notions de mémoire, de réalité et de fiction. 

Le parcours s’organise ensuite vers les quatre sections incluant des œuvres issues de la collection nationale du ministère de la Culture confiée au BeMA et de collections privées.

Autour de ces pièces maîtresses dialoguent des œuvres d'artistes modernes et contemporains, issues de collections publiques et privées et dont certaines sont exposées pour la première fois. Dans les différentes salles se côtoient ainsi les grands noms de l'art libanais comme Saliba Douaihy, Chafic Abboud, Saloua Raouda Choucair ou Aref el-Rayess. 

Le parcours se veut une invitation à une “traversée” sensible et poétique, où les œuvres résonnent entre elles par échos formels et thématiques, invitant à une réflexion sur le temps, la mémoire, les mythes fondateurs, les espaces réels et imaginaires. Une manière de souligner la permanence et l'universalité de certaines sources d'inspiration des artistes et de mettre en lumière la vitalité de la scène libanaise dans la diversité de ses expressions. 

Portée par une scénographie soignée, conjuguant espaces intimes et vues panoramiques, mettant en valeur les œuvres par un jeu de correspondances visuelles, cette exposition est une véritable célébration de l'art et des artistes du Liban. 

En nous ouvrant les “portes” de cet univers créatif, en nous invitant à emprunter ses “passages” symboliques, le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture et le BeMA offrent à tous, Libanais et visiteurs du monde entier, une bouffée de beauté et une source d'inspiration. Une promesse pour l'avenir, envers et malgré tout. 

Alors, à l'heure où le fracas des armes menace d'étouffer la voix de la beauté, courons vers le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture. Ce lieu incarne la résilience et nous offre un havre de lumière au cœur des ténèbres. Que ces portes grandes ouvertes sur l'art et l'émotion soient notre cri, notre révolte, notre invincible espoir, car le combat pour la culture n'a jamais eu tant de sens.

Contre l’inimaginable: "Le Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture, dont l’inauguration officielle devait se tenir le 18 septembre 2024, fait le choix d’ouvrir ses portes aux visiteurs et de rester accessible aux publics désirant découvrir ses espaces, son 'Pavilion Café' et son exposition inaugurale conçue et organisée par le Beirut Museum of Art (BeMA). Aux côtés du Musée national de Beyrouth, face à l’inimaginable violence de la destruction et les souffrances qui touchent notre pays dans ces heures les plus sombres, le pavillon se tient comme un espace de défense, de rayonnement et de continuité de la culture et de l’héritage. Il ouvre ses portes à tous ceux qui demandent à se retrouver, dans ce lieu dédié à l’art et à la pensée — un espace de respiration et de projection — aussi momentané et symbolique que cela puisse être. L’exposition inaugurale "Portes et passages, une traversée du réel et de l’imaginaire", conçue et organisée par le BeMA, incarne encore et toujours son objectif premier: celui d’ouvrir des portes et de créer des passages pour offrir aux publics une traversée, celle de la culture et de l’imagination. Aujourd’hui, elle représente également et plus que jamais un témoignage de la force, de la richesse et de la diversité des pratiques artistiques au Liban, insufflant à chaque visiteur un sentiment de fierté et une lueur d’espoir. Enfin et bien au-delà de ce que nous avions imaginé, cette exposition prend la forme d’un pont bienveillant et silencieux pour relier les gens entre eux et construire un rempart contre le temps. Si depuis mars 2024, nous nous sommes évertués à activer un espace pour lui donner un sens et une place et par la culture l’habiter, c’est pour, coûte que coûte et de tout temps l’offrir aux Libanais. Alors même que notre pays est quotidiennement bombardé, que la population souffre, que des familles entières sont déplacées et que la terre et la nature sont rasées, les portes de ce pavillon et celles du Musée national de Beyrouth restent ouvertes pour garantir la pérennité du patrimoine culturel du Liban. Rester ouvert est, aujourd’hui, une manière de défendre et de préserver les liens et les lieux qui nous unissent au présent et au futur, ainsi que toutes les pratiques culturelles et les professions qui leur sont liées. Car, rappelons-le, ce ne sont pas uniquement des objets qui sont en péril, mais les écosystèmes créatifs et culturels qui fondent la pensée, et toutes les personnes qui incarnent et nourrissent ces forces de persévérance et d’espoir. C’est pour eux également que nous gardons nos portes ouvertes, à leur demande et à celle du public." Les équipes du Pavillon Nuhad Es-Saïd pour la culture et du Beirut Museum of Art, octobre 2024.
Commentaires
  • Aucun commentaire