“On parle beaucoup, ces derniers jours, de guerre, de civilisation ou de civilisation qu'il faut défendre. Je ne suis pas sûr qu'on défende une civilisation en semant soi-même la barbarie. Je suis sûr d'une chose, c'est que la possibilité d'une civilisation se joue au Liban, c'est-à-dire la possibilité pour des femmes et des hommes dont les origines sont différentes, dont les religions sont différentes, de partager un même territoire et de vivre pour un même projet. C'est aussi pour cela que le Liban est important pour lui-même et est toujours plus grand que lui-même”.
Ces paroles prononcées par le président Macron à la conférence pour le Liban du 24 octobre dernier “ne viennent pas de lui” (Jean 11:49). C'est une version républicaine de la célèbre prophétie du pape Jean-Paul II: “L’Église désire manifester au monde que le Liban est plus qu’un pays, c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident” (Lettre à tous les évêques de l’Église catholique, octobre 1989). La partie de la déclaration qui parle de barbarie, on le devine, s’adresse à Israël.
Exemple pour l’Orient, c’est évident: le Liban est une démocratie pluraliste encerclée par des tyrannies, des théocraties, des royaumes. Face à un État qui insiste pour être “un État juif pour les Juifs”, et à “la barbarie” à laquelle le pays du Cèdre survivra, il reste une “terre de rencontre” qui en est l’antithèse.
Pour l’Occident, cela deviendra de plus en plus évident à mesure que se multiplieront les États multiethniques et multiculturels.
Dans ce Liban qui est “plus que lui-même”, l’Église maronite, sa marraine, doit, elle aussi, constamment s’élever au-dessus d’elle-même pour être à la hauteur du message qui lui est confié.
Comment? En s’efforçant inlassablement de s’élever de la lecture confessionnelle de la religion à sa lecture spirituelle, en résistant à la pesanteur sociologique qui tire l’Église vers l’étroite communion d’intérêts d’une communauté et en l’élevant vers sa mission spirituelle universelle.
Dans ce combat, par-delà la dévastation actuelle, le Liban doit garder les yeux fixés sur deux choses et une troisième: la démocratie, aussi pauvre qu’elle soit, le pluralisme, aussi anarchique qu’il puisse être. Et la providence, dans toute sa richesse.
Sur ce patron, il faut tailler un règlement qui soit autre chose que la victoire d’un camp sur l’autre, en renonçant aux liens d’allégeance qui inféodent certains à d’autres puissances. Il faut bâtir un Liban cohérent et entier. Un Liban dont seraient fiers nos pères fondateurs, nos ancêtres et nos enfants.
Il faut imaginer le Liban heureux.
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