La fin des hostilités entre le Hezbollah et Israël soulève une question cruciale pour les Libanais: qui assumera la responsabilité financière de la reconstruction des villes et villages dévastés par le conflit? Dans un contexte où le Liban est déjà plongé dans une crise économique et politique sans précédent, les options disponibles sont limitées et complexes. Plusieurs acteurs pourraient jouer un rôle, mais chacun fait face à des obstacles majeurs.
Aujourd’hui, l’ampleur des destructions est estimée à quelque 3,4 milliards de dollars (selon un bilan de la Banque mondiale, datant du 14 novembre dernier). Avec les pertes économiques que le conflit a engendrées et qui sont de l’ordre de 5,1 milliards de dollars (toujours selon le même bilan), le coût total des dommages matériels et des pertes s’élèverait à environ 8,5 milliards de dollars. À l’heure actuelle, les derniers rapports font état d’environ 110.000 unités résidentielles ayant subi des dégâts, dont 50.000 complètement détruites et 60.000 qui le sont partiellement…
Au lendemain de la guerre de 2006 et sachant que moins de pertes avaient été engendrées, le Liban avait eu besoin de plusieurs années pour se remettre des dégâts, en dépit des efforts de reconstruction soutenus par la communauté internationale. En 2024, le niveau de destruction dépasserait celui de 2006, en raison principalement de la durée du conflit et de l'intensité des frappes israéliennes.
À qui incombe la responsabilité aujourd’hui? Quelle est la partie qui se chargera de la reconstruction du pays?
Le Hezbollah: une reconstruction sous pression?
Le Hezbollah aurait, selon une source, demandé aux habitants de la banlieue sud de Beyrouth largement affectés par les décombres de documenter les dégâts matériels causés à leurs biens meubles et immeubles, en attendant que le mécanisme de détection des dommages et les travaux d'entretien soient lancés. Selon cette même source, le Hezbollah aurait prévu que d’ici à quelques jours, la plupart des bâtiments résidentiels soient approvisionnés en eau et en électricité. Pour les habitants dont les appartements ont été démolis ou sont inhabitables, des informations relatives à une relocalisation provisoire leur seront communiquées, toujours selon la source susmentionnée.
Historiquement, après le conflit de 2006 avec Israël, le Hezbollah avait principalement pris en charge la reconstruction de nombreuses zones ravagées, grâce au soutien financier de l’Iran et à son réseau social et financier, notamment via Al-Qard al-Hassan, une institution financière clé du Hezbollah, et Jihad al-Bina, entreprise de construction et de développement rattachée au groupe pro-iranien. Aujourd’hui, cela ne semble plus possible. D’abord, parce que les branches de la banque milicienne ont été la cible de frappes israéliennes depuis l’intensification des attaques en septembre dernier et que plusieurs dépôts d’argent ont été dévastés. Ensuite, parce que l’Iran, principal parrain du Hezbollah, fait face à des sanctions économiques internationales qui réduisent sa capacité à financer de manière substantielle ses alliés régionaux. Les transferts financiers clandestins pourraient, certes, persister, mais leur volume sera probablement limité, ce qui pourrait entraver la capacité du Hezbollah à jouer un rôle aussi déterminant qu’en 2006, en matière de reconstruction. L’aide iranienne pourrait aussi se matérialiser sous forme d’envoi de matériaux de construction ou d’expertise technique, mais ces efforts risquent d’être entravés par l’embargo qui limite les importations vers le Liban et les capacités logistiques iraniennes.
Le gouvernement libanais, un acteur paralysé par la crise multidimensionnelle
Entraîné dans une guerre de laquelle il n’a pas voulu, le Liban sera-t-il soumis à cette responsabilité? Surtout que selon le quotidien Asharq al-Awsat, l’ancien député Ali Darwiche, proche du Premier ministre sortant, Najib Mikati, a proposé l’élaboration d’une feuille de route dans un délai d’une semaine. Celle-ci devrait “identifier les commissions chargées de documenter les dommages et les fonds destinés aux indemnisations et de préciser si le Conseil du Liban-Sud et le Haut Comité de secours seront impliqués dans ce dossier”.
Si tel est le cas, on se demande avec quelle marge le pays entreprendra-t-il cette manœuvre, lorsque l’on sait que le pays traverse une crise multidimensionnelle sans précédent, avec une monnaie dévaluée de plus de 90%, une dette publique dépassant 150% du PIB et des services publics en faillite. D’autant plus que l’absence de réformes structurelles et la crise politique qui persiste empêchent le Liban de bénéficier d’une aide internationale significative. Les bailleurs de fonds, tels que le Fonds monétaire international (FMI) et les pays donateurs, conditionnent leur soutien à des réformes que le système politique fragmenté peine à mettre en œuvre.
Le rôle de la communauté internationale: un soutien incertain
Dans d’autres contextes, la communauté internationale aurait pu jouer un rôle crucial dans la reconstruction. Toutefois, ce soutien au Liban est aujourd’hui limité par plusieurs facteurs. Le manque de confiance dû à la corruption endémique et les tensions persistantes entre le Hezbollah et Israël, quand bien même un cessez-le-feu a été décrété, sont tant d’éléments qui rendent les bailleurs de fonds prudents quant à un investissement à long terme.
En résumé, la reconstruction des villes et villages détruits au Liban risque de se heurter à de multiples obstacles financiers et politiques. Le Hezbollah pourrait tenter de maintenir son rôle de protecteur des populations chiites, mais ses moyens sont limités par l’affaiblissement de ses infrastructures financières et le contexte iranien. Le gouvernement libanais, quant à lui, est pratiquement paralysé, et le soutien international reste conditionné à des réformes improbables à court terme.
Ce contexte laisse entrevoir un futur incertain, où les Libanais devront peut-être compter sur des efforts fragmentés et une reconstruction partielle, faute d’un plan coordonné et de ressources suffisantes.
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