Depuis sa libération temporaire pour des raisons médicales, Narges Mohammadi, militante iranienne des droits humains et lauréate du prix Nobel de la paix 2023, se confie sur ses projets littéraires et ses combats menés en prison. Dans un entretien accordé à Magazine Elle, elle livre un témoignage poignant sur la souffrance des femmes incarcérées en Iran, victimes de violences et d'injustices.
Libérée temporairement pour raisons médicales depuis le 4 décembre, Narges Mohammadi, la militante iranienne des droits humains, a accordé une interview rare au Magazine Elle, dévoilant ses projets littéraires et ses combats acharnés derrière les barreaux. Lauréate du prix Nobel de la paix 2023, Mohammadi, emprisonnée à plusieurs reprises au cours des 25 dernières années pour ses prises de position contre le voile obligatoire et la peine de mort, a annoncé la publication imminente de son autobiographie. Elle travaille également sur un livre poignant qui dépeint la réalité des femmes détenues en Iran, victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles en raison de leur engagement politique.
"Mon corps est fragilisé, il est vrai, après trois ans de détention discontinue sans permission et des refus de soins répétés qui m'ont sérieusement éprouvé", déclare la militante de 52 ans, répondant par écrit et par messages vocaux en persan aux questions du Magazine Elle. Si son état de santé est affecté, son moral semble plus solide que jamais: "Mon mental est d’acier", a-t-elle insisté. En prison, elle a vécu dans des conditions extrêmes, notamment à la tristement célèbre prison d'Evin, à Téhéran, où elle a été incarcérée à de multiples reprises.
Mohammadi décrit la situation des femmes incarcérées en Iran, particulièrement dans le quartier des détenues politiques. "Dans le quartier des femmes, nous sommes soixante-dix, de tous horizons, de tous les âges et de toutes les sensibilités politiques", parmi lesquelles "des journalistes, des écrivaines, des intellectuelles, des personnes de différentes religions persécutées, des Bahaïs, des Kurdes, des militantes des droits des femmes", raconte-t-elle. Parmi les instruments de répression utilisés, l’isolement figure en bonne place, souvent associé à des actes de torture et de violences sexuelles. La militante a documenté de nombreux cas de ces abus, un témoignage accablant sur les conditions de détention.
Malgré ces atrocités, Mohammadi insiste sur la résilience des prisonnières. "Malgré tout, c'est un enjeu pour nous, prisonnières politiques, de nous battre pour garder un semblant de normalité, car il s'agit de montrer à nos bourreaux qu’ils n'arriveront pas à nous atteindre, à nous briser", souligne-t-elle. Elle relate ainsi comment, récemment, un groupe de 45 détenues s’est réuni pour protester contre la condamnation à mort de deux militantes kurdes. Les femmes incarcérées organisent régulièrement des sit-in, une forme de résistance pacifique qui leur vaut fréquemment des représailles, telles que la suppression de leurs parloirs ou de leurs droits à communiquer.
En dépit des persécutions, Narges Mohammadi continue de lutter, faisant face chaque mois à de nouvelles accusations et condamnations pour avoir pris la parole dans les médias. Sa situation a suscité des appels à sa libération de la part d'organisations internationales, de l'ONU au comité Nobel, et elle demeure une figure de résistance emblématique contre un régime répressif.
Sa détermination à écrire et à témoigner de l’injustice qu’elle et d’autres femmes subissent en prison illustre son engagement voire sa vocation inébranlable, au prix fort, pour la liberté et les droits humains.
Avec AFP
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