
Depuis le début de la crise financière en 2019, les critiques à l’encontre de Kulluna Irada se sont accrues, notamment en raison de son rôle présumé dans des décisions ayant profondément impacté le secteur bancaire libanais. L’organisation est accusée d’avoir soutenu le défaut de paiement orchestré par le gouvernement de Hassane Diab, d’avoir œuvré à la déstabilisation monétaire et financière, et d’avoir encouragé des politiques ayant mené à l’effondrement du secteur bancaire.
Plusieurs associations de déposants lui reprochent notamment d’avoir collaboré avec l’ancien vice-Premier ministre Saadé Chami pour provoquer la faillite des banques libanaises et faciliter l’introduction de nouvelles institutions bancaires sur le marché, dans le but de remplacer le système financier traditionnel.
L’organisation Kulluna Irada défend une série de mesures qu’elle considère comme essentielles pour restaurer la stabilité financière. Toutefois, de nombreux experts estiment que ces propositions sont extrêmement nuisibles, aussi bien pour l’économie et la confiance des investisseurs que pour les épargnants eux-mêmes.
Parmi les mesures prônées par Kulluna Irada: l’abolition du secret bancaire, l’effacement des pertes du secteur financier sans implication de l’État et de ses actifs publics, ainsi que l’annulation des engagements de la Banque du Liban envers les banques, ce qui équivaut à l’effacement pur et simple des dépôts des épargnants.
Le Conseil d’État a d’ailleurs bloqué une initiative soutenue par Saadé Chami et Kulluna Irada, visant à annuler 70 milliards de dollars d’engagements de la Banque du Liban en devises étrangères envers les banques. Cette somme représente en réalité les dépôts des épargnants placés dans les banques privées; l’objectif étant de réduire le déficit en capital de la Banque du Liban et de clore son exposition nette en devises.
Dans sa décision n°209/2023-2024 datée du 6 février 2024, le Conseil d’État a rejeté ce plan, considérant qu’il contrevient aux principes fondamentaux du droit et aux obligations légales des banques envers leurs clients.
Le Conseil d’État a notamment souligné que les banques doivent restituer les dépôts à leurs clients sur demande et sans retard, conformément aux articles 690 et suivants du Code des obligations et des contrats. Il a jugé que ce plan aurait violé les obligations professionnelles des banques, compromettant les droits des déposants et les privant de leur épargne. Par ailleurs, il est nécessaire de restituer les dépôts à leurs propriétaires de manière à leur assurer un remboursement effectif, sans leur causer de préjudice ni les priver de l'accès effectif à leur argent, de son utilisation ou de son investissement de manière productive.
Le plan adopté par le précédent gouvernement constitue une violation flagrante et manifeste des dispositions et principes constitutionnels, ainsi que des principes tirés des accords internationaux et des lois nationales, notamment la loi sur la monnaie et le crédit ainsi que le code des obligations et des contrats.
Par ailleurs, Kulluna Irada refuse catégoriquement d’admettre que la crise au Liban est systémique et que l’État doit assumer ses responsabilités en couvrant les dettes de la Banque du Liban. En fait, la BDL doit restituer les fonds aux banques, afin que celles-ci puissent rembourser les déposants.
Cependant, Kulluna Irada adopte une approche différente. Elle considère que les banques sont seules responsables de la crise; elle prône l’absorption des dettes par les fonds propres et les capitaux des banques. Une telle approche entraînerait inévitablement la dissolution des banques existantes et l’effondrement des derniers dépôts encore disponibles.
Pire encore, certains membres de Kulluna Irada défendent l’idée selon laquelle les actifs de l’État sont sacrés et ne doivent pas être utilisés pour résoudre la crise, tandis que les dépôts ne le sont pas, car les déposants ne représentent qu’une minorité de la population. Ils estiment que l’argent du peuple ne devrait pas servir à couvrir leurs pertes, et que les déposants, assimilés à des privilégiés ou à des corrompus, pourraient être sacrifiés sans scrupule.
Partant, selon cette logique, les banques doivent absorber les pertes, ce qui signifie l’effacement des dépôts. En d’autres termes, il s’agit d’un effacement de la dette publique par la liquidation des épargnants, couplé à un démantèlement du système bancaire pour faire place à un nouveau modèle mentionné dans le plan du gouvernement Hassane Diab.
Des figures comme Albert Kostanian, Henri Chaoul, Diana Menhem et Karim Bitar ont farouchement défendu la décision du défaut de paiement prise par le gouvernement Diab. Cette décision, qui visait à favoriser l’économie monétaire, a en réalité coûté plus de 14 milliards de dollars à la Banque du Liban, notamment via des subventions qui ont été massivement détournées vers l’étranger.
Ces mêmes acteurs ont également soutenu des décisions judiciaires populistes qui ont permis un remboursement d’environ 45 milliards de dollars de prêts bancaires par le secteur privé pour à peine 5 milliards de dollars. Cela a été possible grâce à un taux de change figé à 1.500 LL/USD ou via des chèques bancaires en "lollars", provoquant ainsi une destruction massive des dépôts des épargnants.
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