Les gourdes réutilisables: des réservoirs de bactéries?
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Écologiques, économiques, mais parfois négligées, les gourdes réutilisables s’imposent peu à peu dans notre quotidien, même au Liban, où les bouteilles en plastique à usage unique dominent encore largement. Or, mal entretenues, ces alternatives pourtant vertueuses peuvent devenir de véritables nids à bactéries. Enquête sur un accessoire aussi pratique que potentiellement dangereux pour la santé.

Hydratation responsable, geste écologique, design tendance: ailleurs, la gourde réutilisable est partout. En inox, en verre ou en plastique durci, elle trône dans les sacs à dos, sur les bureaux, dans les salles de sport. Depuis l’avènement des mouvements zéro déchet et la prise de conscience écologique – dont on est malheureusement encore loin au Liban –, elle est devenue le symbole d’une consommation plus respectueuse de l’environnement. Au Liban, la tendance reste largement dominée par les bouteilles d’eau à usage unique et jetable. Mais les gourdes commencent timidement à faire leur apparition, notamment chez les plus jeunes ou les plus sensibles aux enjeux écologiques. À force de l’adopter comme un réflexe, on en oublie cependant l’essentiel: une gourde n’est pas un objet inoffensif. Mal nettoyée, elle peut abriter une armée de bactéries.

Des bactéries… à chaque gorgée

Contrairement aux bouteilles à usage unique, souvent jetées après une utilisation, la gourde vit avec nous. On la remplit, on y boit directement, on la trimballe dans des environnements variés, parfois sans vraiment y prêter attention. Ce que beaucoup ignorent, c’est qu’à chaque contact avec notre bouche, des bactéries orales, mais aussi celles présentes sur nos mains ou dans l’environnement, s’y déposent.

Une étude canadienne menée auprès d’écoliers a révélé que 13% des gourdes contenaient des niveaux de bactéries dépassant les normes d’une eau potable et que près de 9% comportaient des coliformes fécaux. Des chiffres alarmants, d’autant plus que ces contenants sont souvent utilisés par des enfants ou des personnes soucieuses de leur santé.

Le biofilm, un ennemi invisible

Une des principales menaces est la formation d’un biofilm bactérien à l’intérieur de la gourde. Cette fine couche gluante est composée de microorganismes qui adhèrent aux parois et se développent dans des environnements humides et tièdes, exactement ceux d’une gourde qu’on laisse traîner ou qu’on ne lave pas quotidiennement. Ce biofilm peut contenir des bactéries inoffensives, mais aussi des pathogènes comme les E. coli, le staphylococcus aureus ou des levures responsables de mycoses. Et, contrairement à ce que l’on croit, un simple rinçage à l’eau ne suffit pas à les éliminer.

Le rôle du matériau

Le choix du matériau de la gourde influence également le risque bactérien. Les gourdes en plastique, bien qu’abordables, sont généralement poreuses et se rayent facilement. Ces micro-rayures deviennent des refuges idéaux pour les germes. De plus, certaines gourdes bon marché peuvent libérer des microplastiques dans l’eau, surtout si elles sont exposées à la chaleur. À l’inverse, les gourdes en inox sont plus résistantes, moins sujettes à l’accumulation de bactéries et ne relarguent aucune particule. Les modèles en verre, quant à eux, sont excellents d’un point de vue sanitaire, mais plus fragiles à l’usage. Attention aussi aux bouchons en silicone, où moisissures et résidus s’accumulent aisément.

Un nettoyage rigoureux obligatoire

Alors, comment faire pour continuer à utiliser sa gourde sans danger? La réponse tient en deux mots: entretien quotidien. Une gourde doit être lavée tous les jours, idéalement à l’eau chaude et au savon, avec un goupillon pour atteindre les recoins. Elle doit être bien séchée à l’air libre et nettoyée en profondeur (à l’eau vinaigrée ou au bicarbonate) une fois par semaine. Les modèles avec paille intégrée, bouchons sport ou systèmes complexes doivent être entièrement démontés. Ce sont souvent les endroits les plus propices à la prolifération microbienne.

Beaucoup d’utilisateurs sont trompés par l’aspect inodore ou limpide de l’eau. Si elle ne sent rien, si elle est claire, elle est propre, pensent-ils. Or, les bactéries pathogènes ne sont ni visibles à l’œil nu ni odorantes. La transparence de l’eau ne garantit donc en rien sa sécurité. Et ce n’est pas uniquement une question de santé digestive. Des germes présents dans la gourde peuvent provoquer des infections buccales, cutanées (lorsqu’on touche l’eau puis son visage), voire respiratoires si des moisissures s’y développent.

L’alternative jetable, une fausse bonne idée

Au Liban, où le plastique règne en maître et les bouteilles jetables s’accumulent à chaque coin de rue, la tendance générale reste à la réutilisation de contenants à usage unique. Pourtant, c’est une fausse bonne idée. Non seulement leur impact environnemental est considérable (encore faudrait-il que le citoyen se soucie de l’environnement), mais ces contenants, pensés pour un usage unique, présentent aussi des risques sanitaires lorsqu’ils sont réutilisés sans précaution. La gourde réutilisable fait encore figure d’exception, alors qu’elle représente une alternative précieuse pour la planète comme pour notre santé. Encore faut-il l’entretenir correctement. On ne boit pas dans une tasse sale, pourquoi le faire avec sa gourde? Comme tout ustensile en contact avec les aliments, elle exige une utilisation consciente, rigoureuse et informée. L’eau est une source de vie, à condition que le contenant ne devienne pas, à notre insu, un foyer de bactéries.

Conseil pratique: si vous sentez une odeur étrange, détectez des taches sombres ou remarquez un goût inhabituel dans votre eau, c’est le signe qu’un nettoyage en profondeur est urgent, voire qu’il est temps de changer de gourde.

 

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