
Les commissions parlementaires mixtes examinent actuellement le projet de loi modifiant le secret bancaire. La version approuvée par le gouvernement est en cours de révision et de modification au Parlement. Cet amendement — transmis par le gouvernement au Parlement par le décret n° 103 — est le deuxième en seulement trois ans. En 2022, la loi sur le secret bancaire avait déjà été modifiée pour répondre aux exigences du FMI. À cette époque, le secret avait été levé pour toute personne impliquée dans les affaires publiques, du Président de la République aux fonctionnaires des catégories une à quatre.
Le gouvernement actuel, dirigé par Nawaf Salam, a approuvé de nouveaux amendements à cette loi. Dans les motifs justifiant la modification de l’article 7, il est indiqué que « la loi actuelle a créé une ambiguïté dans l’interprétation du texte. L’intention était peut-être de limiter l’autorité de la Banque du Liban et de la Commission de Contrôle des Banques à demander des informations protégées par le secret bancaire uniquement dans le contexte de la restructuration bancaire. » Finalement, le gouvernement a adopté la proposition du président de la Commission de Contrôle des Banques, en date du 22 septembre 2024, visant à modifier l’article 150 du Code de la monnaie et du crédit — avec effet rétroactif.
Une analyse du projet d’amendement révèle que son cœur réside dans l’article 7. Cet article exige que les banques fournissent des informations sur leurs clients — y compris les noms, les détails des comptes et autres données connexes — aux entités chargées de l’audit des comptes de la banque. Cette exigence est injustifiée, car il n’existe aucun lien entre les comptes de la banque elle-même et ceux de ses clients. Ces deux ensembles doivent rester distincts. Auditer les comptes d’une banque ne nécessite pas d’auditer ceux de ses clients.
L’amendement proposé vise à permettre aux entités mentionnées dans l’alinéa (e) — à savoir la Banque du Liban, la Commission de Contrôle des Banques et toute entité d’audit — d’obtenir des informations générales sur les clients bancaires, y compris leurs noms, sous prétexte de restructuration et de supervision. Or, cette justification échoue pour deux raisons principales :
• Tous les projets de loi relatifs à la restructuration bancaire contiennent déjà une disposition spécifique permettant la levée du secret bancaire à cette fin. Il n’est donc pas nécessaire d’inclure cette justification dans l’amendement actuel, qui constitue un texte général appliqué à un cas spécifique — la restructuration — d’autant que la loi sur la restructuration contiendra elle-même cette disposition de manière plus appropriée.
• Quant à la justification liée à la supervision, elle ne tient pas non plus. La législation actuelle permet déjà à la Banque du Liban et à la Commission de Contrôle des Banques d’obtenir toutes les informations nécessaires pour exercer leur supervision sur des clients spécifiques, y compris leurs noms. La supervision générale ne nécessite pas en principe la divulgation de l’identité des clients — à moins que l’objectif réel ne soit pas la supervision, mais bien la recherche d’informations à des fins autres que celles officiellement avancées.
Ce qui aggrave la situation, c’est que le projet de loi permet la levée rétroactive du secret bancaire pour des groupes de clients non précisés — potentiellement tous les clients.
L’application rétroactive des lois menace généralement la stabilité législative et sociale — ironiquement évoquée dans le préambule même de ce projet. En matière de secret bancaire, elle menace aussi la vie privée des individus, à contre-courant de la tendance mondiale où la majorité des pays ont adopté des lois pour protéger les données personnelles — y compris le Liban, à travers la loi n° 81/2018.
Le projet ouvre également la voie à de nouvelles poursuites judiciaires fondées sur des actions précédemment tolérées par le législateur. Par exemple, la levée rétroactive du secret pourrait exposer les clients à des poursuites pour des infractions fiscales passées liées à leurs comptes (notamment l’impôt sur les successions), que le projet mettrait aujourd’hui en lumière — exposant ainsi les clients à des risques juridiques.
La rétroactivité menace aussi la sécurité économique, en envoyant un message dangereux : les individus ne devraient pas faire confiance aux lois libanaises qui leur accordent aujourd’hui des droits, car le Parlement pourrait ultérieurement adopter des lois rétroactives mettant en péril ces droits acquis. Le Liban a longtemps été un refuge pour les persécutés, en particulier des pays arabes, attirant leurs fonds sous la promesse du secret bancaire — et ceux-ci se retrouvent désormais confrontés à la perspective de voir leurs comptes dévoilés. Il convient de noter que le Liban est le seul pays au monde à légiférer explicitement sur la levée rétroactive du secret bancaire.
Même si cette levée du secret est limitée à la Banque du Liban et à la Commission de contrôle des banques, elle doit impérativement s’accompagner d’un engagement clair selon lequel ces entités ne partageront aucune information avec une autre autorité, quelles que soient les circonstances. Elles doivent respecter le principe du secret bancaire pour les données obtenues, avec des sanctions strictes en cas de violation — comme ce fut le cas récemment lorsqu’une information transmise à un juge a été divulguée dès le lendemain sur les réseaux sociaux par des proches de ce dernier.
Le projet de loi tente d’atténuer les conséquences négatives de la rétroactivité en autorisant les parties concernées à s’opposer devant un juge des référés. Cependant, il ne précise pas les critères ou règles que la Banque du Liban et la Commission de Contrôle des Banques doivent suivre — rendant difficile l’évaluation de l’application de la loi par le juge.
Ces critères devraient inclure des principes tels que:
• La légitimité de l’objectif: toute décision générale de levée du secret doit être justifiée par un intérêt public, clairement énoncée dans la décision, et vérifiable judiciairement sous peine d’annulation.
• La proportionnalité: l’objectif doit justifier les moyens, et la levée du secret ne doit intervenir que dans la mesure strictement nécessaire pour servir l’intérêt public. Par exemple, les noms des clients ne devraient pas être révélés pour des raisons de vengeance politique ou de pêche aux informations si l’objectif peut être atteint autrement. La proportionnalité implique aussi de limiter l’accès aux personnes qui en ont réellement besoin, en évitant les partages inutiles — contrairement à la rédaction actuelle du projet.
Enfin, puisque le projet limite l’effet rétroactif à la Banque du Liban et à la Commission de Contrôle des Banques, l’article final de la loi sur le secret bancaire devrait être modifié comme suit:
« La présente loi entre en vigueur dès sa publication au Journal officiel, en tenant compte de l’effet rétroactif stipulé à l’article 7 (e), tel que modifié. »
Commentaires