Beyrouth-Békaa: les urnes sous tension, la parité menacée?
©Ici Beyrouth

 

La capitale est prête. La plaine aussi.

Après le Mont-Liban et le Liban-Nord, c’est au tour des électeurs de Beyrouth et de la Békaa de se présenter aux urnes pour élire leurs conseillers municipaux et leurs mokhtars. 1.220.922 Libanais appelés à élire 172 conseils municipaux – 2.220 conseillers – et 722 mokhtars.

Beyrouth: une parité menacée?

Les yeux seront principalement rivés dimanche sur la capitale, où plus d’un demi-million d’électeurs sont appelés à choisir ses 24 conseillers municipaux. Ce n’est pas tant la participation qui sera scrutée – généralement faible –, mais l’appartenance communautaire des conseillers.

Depuis la fin de la guerre, sous l’impulsion notable de Rafic Hariri, le conseil de la capitale représente les principales communautés libanaises, avec une parité islamo-chrétienne. Or, cette coutume n’est pas inscrite dans les textes, contrairement aux législatives où chaque siège parlementaire est réservé à une certaine communauté.

Avec six listes, dont deux incomplètes, s’affrontant dimanche, et l’absence du leader sunnite, Saad Hariri – du moins officiellement –, le résultat du scrutin reste imprévisible. Le panachage, accompagné d’un manque d’enthousiasme de la part des électeurs, pourrait mener à un scénario qui ressemblerait à celui de Tripoli: des élus de différentes listes, mais qui ne seraient pas répartis confessionnellement ni selon la sacro-sainte parité voulue dans la capitale par la plupart des acteurs politiques nationaux. Un résultat qui remettrait sur la table le débat sur la division de la capitale en deux conseils municipaux distincts: un pour l’Est et un pour l’Ouest.

Zahlé: les FL seules contre tous?

La capitale de la Békaa sera également dimanche le théâtre d’une confrontation politique impliquant familles, zaïms locaux et partis politiques. À l’heure d’écrire ces lignes, les cartes ont été battues et rebattues, les alliances faites et défaites, et les électeurs hésitants ne savent plus où donner de la tête.

Deux listes principales se font face: «Qalb Zahlé» (le cœur de Zahlé), menée par Salim Ghazalé et soutenue par les Forces libanaises (FL), et «Zahlé Rou’ya wa Qarar» (Zahlé, vision et décision), menée par Assaad Zgheib, l'actuel président du conseil municipal, soutenue par le député Michel Daher, les Kataëb, le Bloc populaire de Myriam Skaff et l’ancien député César Maalouf.

Des informations faisaient état vendredi de contacts poussés entre les FL et le Courant patriotique libre au niveau local. Le CPL, n’ayant plus le poids électoral de 2016, n’a pas réussi à former une liste et a attendu jusqu’à la dernière minute pour se décider à soutenir l’une des listes ou à former une liste incomplète pour tenter de percer.

Quoi qu’il en soit, la bataille de Zahlé sera une épreuve de force pour les principaux acteurs chrétiens, à un an des législatives.

À Riyak et Hoch Hala, dans le caza de Zahlé, les développements de ces derniers jours ont pris une tournure confessionnelle qui risque de faire tache. Selon la coutume, le conseil municipal des deux villages – à majorité chrétienne – se répartit confessionnellement comme suit: 10 sièges pour les chrétiens et 8 pour les chiites. Alors qu’une liste de consensus était presque formée, le représentant des familles chiites l’a sabotée en demandant une parité au sein du conseil, ainsi que la vice-présidence, tout en présentant une quinzaine de candidatures. Conditions qui ont poussé les chrétiens à retirer leur candidature, provoquant une élection d’office, pas encore officialisée, de 15 conseillers chiites et trois conseillers chrétiens. Or, ces derniers, ainsi qu’un élu chiite, ont présenté leur démission de ce conseil pas encore officiellement formé. Une décision du mohafez est attendue quant au maintien du résultat d’office ou au report du scrutin.

Baalbeck-Hermel: un tandem qui semble intouchable

La plaine de la Békaa est marquée par une organisation sociale et politique où les clans chiites jouent un rôle central. Ces grandes familles, principalement regroupées dans la région de Baalbeck-Hermel, possèdent une autonomie sécuritaire et économique distincte de celle des chiites du Liban-Sud. Ces clans existent depuis des siècles et perpétuent une tradition profondément ancrée. Depuis les années 1980, le Hezbollah a tissé des alliances stratégiques avec ces clans, consolidant ainsi son emprise sur la région.

Mais la dernière guerre a coûté un lourd tribut au Hezbollah, avec des pertes humaines et matérielles considérables qui ont terni son image. Les opérations qu’il a menées – bien que «symboliques», aux yeux de ses partisans, «de sa résistance» contre Israël – ont montré les limites de ses capacités militaires, exacerbant les tensions internes au sein de la formation.

Par ailleurs, les nouvelles générations tentent de modifier le paysage politique, que ce soit au sein des clans ou en les contournant, depuis 2016, par des initiatives citoyennes et l’implantation de groupements communément appelés société civile, notamment dans la ville de Baalbeck.

Toujours dans le caza de Baalbeck-Hermel, les localités chrétiennes voient se rejouer le même scénario qu’au Mont-Liban avec des listes soutenues d’une part par les Forces libanaises et d’autre part par le CPL. Coté sunnite, c’est à Ersal que trois listes se font face, avec l’intervention de zaïms locaux qui se disputent le leadership de la communauté orpheline de Saad Hariri.

 

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