Quatre milliards et demi par an: le Liban, distributeur automatique de la guerre syrienne
©Anwar Amro/AFP

Le Liban continue de jouer les bons samaritains du Proche-Orient. Ruiné par les crises, étranglé par la dette, il accueille depuis plus de dix ans plus de 2,5 millions de réfugiés syriens. Une hospitalité XXL pour un pays format S, avec à la clé une facture humanitaire qui ne cesse de grimper…

Depuis 2011, l'accueil des réfugiés syriens est devenu un véritable casse-tête économique. Selon le dernier rapport de la Banque mondiale, le coût annuel direct de l'accueil des réfugiés syriens au Liban est estimé à environ 4,5 milliards de dollars.

Mais attention, ce chiffre monstrueux ne prend pas en compte les coûts indirects, qui sont tout aussi salés. Le coût total de l'accueil des réfugiés syriens au Liban est d’environ 1.000 dollars par personne par an.

Ces coûts directs comprennent l’accès des réfugiés aux services de santé publics, à l’éducation pour des dizaines de milliers d’enfants, aux subventions alimentaires et autres aides sociales, à l’hébergement, à la sécurité, à l’électricité et, bien sûr, l’usure prématurée des infrastructures publiques déjà en miettes. Ainsi, les dépenses directes liées à l'accueil des réfugiés syriens au Liban se répartissent, selon des statistiques recoupées (ministères libanais et Banque mondiale), comme suit.

Le secteur de la santé supporte un coût de 611 millions de dollars, incluant l’augmentation de la demande en soins, la surcharge des infrastructures hospitalières, ainsi que les dépenses additionnelles liées aux médicaments et traitements.

Le domaine de l’éducation représente, quant à lui, une charge de 1,5 milliard de dollars. Cette somme couvre l’intégration des enfants réfugiés dans les écoles publiques, l’extension des infrastructures scolaires, la formation des enseignants et l’achat de matériel pédagogique.

Les infrastructures d’eau et d’assainissement ont également subi une pression accrue, entraînant des coûts directs estimés à 1,6 milliard de dollars. Ces dépenses visent à augmenter la capacité de traitement de l’eau, à entretenir les réseaux existants et à gérer efficacement les eaux usées.

Entre 2014 et 2020, le secteur de l’énergie a enregistré des pertes conséquentes, évaluées à 23,2 milliards de dollars. Ces pertes résultent principalement de la consommation supplémentaire d’électricité par les réfugiés syriens, de la surcharge des infrastructures électriques, ainsi que de l’inefficacité du réseau énergétique.

Enfin, entre 2015 et 2022, les infrastructures et la gestion des déchets solides ont généré des coûts de 879 millions de dollars. Ce montant comprend les dépenses liées à la collecte, au traitement et à l’élimination des déchets, ainsi que les frais associés à la dégradation environnementale.

En combinant ces différents secteurs, le coût total estimé de la présence des réfugiés syriens au Liban s'élève à environ 4,5 milliards de dollars par an. Ce montant représente une charge significative pour l'économie libanaise, déjà fragilisée par les crises successives.

Les coûts indirects: la partie cachée de l'iceberg 

Au-delà des dépenses officielles enregistrées, les coûts indirects liés à la présence des réfugiés syriens au Liban pèsent lourdement sur le quotidien des Libanais. Cette pression invisible, mais bien réelle, se manifeste dans plusieurs secteurs essentiels.

Les services publics (santé, éducation, eau et énergie) font face à une surcharge chronique. L'afflux massif de population a engendré une demande accrue qui dépasse largement les capacités déjà limitées des infrastructures existantes.

Sur le marché du travail, la situation est tout aussi tendue. L’arrivée de centaines de milliers de Syriens a intensifié la concurrence, notamment dans le secteur informel où de nombreux Libanais emploient des réfugiés sans papiers, souvent pour des salaires très bas. Cela contribue à tirer les rémunérations vers le bas et accentue le sentiment de précarité.

L’impact se fait également sentir dans le coût de la vie. La demande soutenue en logements, carburant et produits de première nécessité a provoqué une flambée des prix, rendant la vie quotidienne de plus en plus difficile pour les ménages libanais.

Ces pressions économiques s’accompagnent de tensions sociales croissantes, nourries par des frustrations économiques et des disparités qui ne cessent de s’accentuer. La population syrienne ayant presque doublé en l’espace d’une décennie, les ressources naturelles sont surexploitées, et l’environnement en subit les conséquences.

Selon certaines estimations élargies, si l’on additionne les coûts directs et indirects, la facture globale peut atteindre entre 7 et 8% du PIB libanais chaque année, soit plusieurs milliards de dollars que le Liban, en crise profonde, peut difficilement se permettre d’absorber.

Le dernier rapport de la Banque mondiale souligne la nécessité urgente d’un partage du fardeau plus équitable avec la communauté internationale, et d’un soutien renforcé aux institutions libanaises. Il appelle également à une gestion plus rigoureuse et transparente des aides, tant humanitaires qu’économiques.

Finalement, le Liban fait l’aumône pour financer une crise qu’il n’a pas créée. Notre pays mérite un tant soit peu de reconnaissance et surtout… un peu de répit. En attendant, il devra continuer à jongler entre ses propres crises internes… et celles de ses voisins.

 

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