Le Liban est-il dans l'irréversible? 
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La perte météorique de crédibilité du nouvel exécutif est symptomatique à maints égards. Le Liban rate, une fois de plus, une occasion historique qui lui aurait permis de réhabiliter sa stature nationale, après des décennies de conflits ouverts qui ont entamé son intégrité territoriale. Le changement des dynamiques régionales induit par la contre-offensive israélienne et ses effets de restructuration a transformé consécutivement la donne stratégique régionale en détruisant «les plateformes opérationnelles intégrées» de la politique impériale iranienne et ses politiques de domination. 

Le Liban ayant servi de poste d’avant-garde à cette politique patiemment montée depuis une vingtaine d’années demeure la zone de repli dont se sert la politique de revanche iranienne qui entend se réorganiser après avoir été réduite à néant dans un temps record à la suite des événements du 7 octobre 2023. Le régime tente de se ressaisir après avoir perdu ses satellites, en sabotant toute tentative de reconstruction des dynamiques endogènes dans les pays perdus, moyennant des projets de guerre civile, de perpétuation des contextes d’instabilité et d’extension des friches sécuritaires dans une région profondément déstabilisée.

Le Hezbollah, considéré comme le fleuron de la stratégie de conquête impériale iranienne, a été systématiquement annihilé et il n’en reste que des reliques et des épaves qui peuvent difficilement servir d’ossature à une entreprise de reconstruction. L’ampleur de la défaite et sa portée politique et symbolique invalident toute démarche dans cette direction devenue inopportune et anachronique. Ça ne servirait plus à rien de ressusciter un narratif qui renvoie aux effets délétères d’un projet messianique entièrement échoué et sans substance. 

La défaisance du sens et de la puissance ne peut plus, sous aucun rapport, fournir une assise consistante pour relancer le troisième âge de l’impérialisme islamique iranien. L’Iran essaye, dans une ultime tentative de survie, de relancer le Hezbollah en lui donnant les moyens d’une politique de reconquête du pouvoir au Liban: le Hezbollah tente de réinvestir les dynamiques internes et de s’en servir afin de renouer avec la politique de domination et de retransformer le Liban en plateforme de déstabilisation régionale.

Les effets pervers de la contre-offensive israélienne ont été récupérés par une politique de retournement. Cette dernière a été rendue possible par les verrouillages du système politique libanais, les alliances de circonstance, l’influence insidieuse de la criminalité organisée pilotée par les fascismes et mafias chiites et leurs relais au sein de la classe politique, et l’entrée latérale d’une mouvance politique «palestiniste» fossilisée remontant aux années 1960-1970 (Nawaf Salam et consorts).

Le nouvel exécutif a lamentablement échoué dans la mission de pacification et de normalisation qui lui a été confiée par les États-Unis et l’ONU. La poursuite des bombardements israéliens ponctuait au gré des heures les défaillances d’une politique faite de simulacres mensongers.

La débâcle sécuritaire de la semaine dernière scellait la fin de la supercherie qui a entamé la crédibilité d'une configuration politique inconsistante et truffée de contradictions. Le nouvel exécutif, le Parlement en cours et le pouvoir judiciaire ont perdu leur légitimité tant normative qu’opérationnelle. Cela fait appel à des restructurations géostratégiques, politiques et institutionnelles concomitantes afin de mettre un terme aux écarts entre les mots et les choses.

La stabilisation géostratégique et la réforme institutionnelle se tiennent et doivent évoluer de manière symétrique. Il est inconcevable de parler de paix et de réformes dans un pays qui vit dans un état d’instabilité endémique. En réalité, il s’agit d’un truisme dont il faudrait se défaire au profit d’une démarche politique d’ensemble où les deux variables se complètent. La stabilisation du Liban passe par la paix avec Israël comme prélude à toute politique de stabilisation et de réformes. Il est temps que le Liban opte pour une politique de rupture en mettant fin aux préjugés idéologiques et en détruisant les barrières de tous ordres qui nous ont valu sept décennies de conflits ouverts.

Il appert que le nouvel exécutif s'oppose à la politique de bouleversement rendue incontournable, si l’on veut la survie de notre pays. La situation libanaise est instrumentalisée par la politique de déstabilisation iranienne afin de déjouer les contraintes des négociations sur le nucléaire iranien, de maintenir la tête de pont fournie par le Liban et d'entretenir l’illusion d’une revanche iranienne et celle d’un messianisme politique échoué. 

Il est inutile de miser sur des retournements spectaculaires dans le cas de la classe politique au pouvoir, alors que le récit, les intérêts stratégiques et mafieux s’inscrivent dans le prolongement d’un héritage politique fait d’impunité et de délinquance normalisée. Le Liban ne peut plus se positionner dans les zones intercalées et perpétuer les intérims.

 

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