
Le Liban est en alerte silencieuse, alors qu’Israël revendiquait, à l’aube de vendredi, des frappes d’envergure contre des infrastructures militaires et nucléaires iraniennes. Le fracas des missiles a résonné au loin, mais les répliques politiques, logistiques et émotionnelles secouent déjà la société libanaise.
Une peur diffuse
À Nabatiyé, dans le sud du pays, les écoles ont fermé leurs portes avant même l’arrivée des élèves. Des messages en cascade, envoyés par les directions d’établissement aux parents, recommandaient de garder les enfants à la maison. «Par mesure de précaution», disait-on. En banlieue sud de Beyrouth, même prudence: de nombreux établissements ont suspendu les cours sans attendre de consignes officielles. Ce matin, les rues autour des écoles sont restées étonnamment calmes, presque figées.
Les habitants redoutent que le Liban, comme à chaque flambée régionale, ne se retrouve aspiré dans l’engrenage. Selon les médias israéliens, l’armée de l’État hébreu aurait d’ores et déjà établi un plan d’attaque en cas de tirs venant du Liban. La menace n’est plus théorique: un drone israélien a largué, vendredi matin, une bombe à proximité d’un bateau de pêche au large de Ras Naqoura, au Liban-Sud, une ligne rouge qui ne dit pas encore son nom.
Des avions qui se taisent, un ciel qui se vide
Dans les couloirs de l’aéroport international de Beyrouth (AIB), le ballet habituel des annonces s’est ralenti. Certaines compagnies, comme Emirates (la plus grande compagnie aérienne au Moyen-Orient basée à Dubaï) et Sundair, ont annulé leurs vols vers et depuis le Liban, invoquant la fermeture de plusieurs espaces aériens voisins, notamment ceux de la Jordanie, de l’Irak et de l’Iran.
La Middle East Arilines (MEA) a, elle aussi, suspendu certaines liaisons et modifié plusieurs itinéraires pour contourner les zones à risque. Si les autorités libanaises assurent que «l’aéroport fonctionne normalement», plusieurs vols ont été annulés, les écrans d’affichage se couvrant déjà de la mention «annulé». Se montrant rassurant mais prudent, le directeur général de l’aviation civile, Amine Jaber, a confirmé à la chaîne locale MTV qu’aucune décision de fermeture n’avait été prise, tout en reconnaissant que d’autres annulations pourraient intervenir à mesure que la situation évolue.
Dans une interview accordée à notre confrère Houna Loubnan, M. Jaber a indiqué que vendredi matin, «le vol d’Emirates Airlines à destination de Beyrouth a été annulé, tout comme ceux de Fly Dubai et du Caire». Un vol en provenance de Turquie a également été, selon lui, suspendu. Par ailleurs, «l’aéroport d’Amman a été temporairement fermé», a-t-il précisé.
Face à ces perturbations, le trafic aérien au départ de l’AIB a été réorganisé. «Les vols quittent Beyrouth en direction de l’ouest, notamment vers Chypre, tandis que les itinéraires à l’est passent désormais par Le Caire», a expliqué M. Jaber.
Pour garantir la sécurité des passagers, l’autorité de l’aviation civile affirme avoir mis en place des cellules de surveillance dans la région. «Une coordination interétatique est assurée pour garantir la sécurité des vols. En aucun cas nous ne mettrons les passagers en danger. Les décisions sont ajustées en temps réel en fonction de l’évolution de la situation», a-t-il assuré.
Il a, en outre, souligné que le ministre des Travaux publics et des Transports, Fayez Rasamny, est présent à l’aéroport depuis ce matin, en coordination avec les autorités gouvernementales et la présidence, pour suivre de près les développements.
Et de préciser que toute modification dans le planning des vols, retards ou annulations, sera communiquée de manière officielle sur le site de l’AIB.
Un silence chargé d’incertitudes
Dans les rues de la capitale, les discussions tournent en boucle autour d’un même sujet: jusqu’où cela ira-t-il? Les chaînes d’information diffusent en continu des images de missiles, de colonnes de fumée et de cibles iraniennes réduites en cendres. Au Liban, le plus inquiétant est ce qui ne se voit pas encore.
La rue garde la mémoire d’un pays souvent pris en étau, placé sur la ligne de front des tensions israélo-iraniennes. Le Hezbollah, pourtant silencieux pour l’instant, reste une variable imprévisible.
Washington met en garde ses ressortissants au Liban
L’ambassade des États‑Unis à Beyrouth a diffusé dans la matinée une alerte de sécurité à destination des citoyens américains, sur fond de fortes tensions régionales après la frappe israélienne contre l’Iran et la riposte militaire qui s’en est suivie.
«Face à l’escalade des tensions au Moyen‑Orient, la situation sécuritaire reste fluide et complexe. Nous invitons les ressortissants américains en Israël et dans la région à redoubler de vigilance et à se tenir informés de l’évolution des événements», souligne le communiqué.
L’ambassade rappelle le risque d’hostilités soudaines: «Les citoyens américains doivent savoir où se trouve l’abri le plus proche.»
Le message recommande d’éviter les grands rassemblements et les secteurs à forte présence policière, de surveiller les médias locaux et de contacter les compagnies aériennes pour tout changement éventuel de vol.
Ainsi, et alors que les capitales régionales renforcent leurs défenses aériennes et leurs mesures de sécurité, le Liban se retrouve à observer, une fois de plus, les premières secousses de l’histoire en marche. Pour combien de temps pourra-t-il encore rester en équilibre?
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