
Dans la nuit de samedi à dimanche, des missiles balistiques iraniens ont traversé le ciel libanais, filant vers le nord d'Israël, visibles depuis plusieurs localités du sud, de la Békaa et même de Beyrouth. Ils n'ont été ni tirés depuis le Liban ni dirigés contre lui, mais ils ont violé son espace aérien, une fois de plus, comme s’il n’existait pas. Une fois de plus, notre souveraineté a été piétinée. Et une fois de plus, le gouvernement libanais est resté muet, engourdi dans son inertie, incapable de réagir à cette énième humiliation.
Pas de communiqué. Pas de condamnation. Pas de convocation urgente du Conseil des ministres pour évoquer l’un des actes les plus graves qu’un État puisse subir: la violation flagrante de son territoire national par un arsenal militaire étranger.
Ce n’est que plusieurs jours plus tard, ce lundi matin, que le gouvernement s’est enfin réuni, non pas pour évoquer les implications sécuritaires, politiques ou diplomatiques de ces tirs de missiles au-dessus de notre pays, mais pour discuter... des nominations diplomatiques. Un agenda lunaire, à l’image d’un pouvoir exécutif déconnecté de la réalité géopolitique et de la détresse de ses citoyens.
Un territoire livré, une souveraineté abandonnée
Ce qui s’est produit n’est pas un simple incident technique ou un dommage collatéral d’un conflit régional. C’est un acte de guerre qui n’a pas pris le Liban pour cible, certes, mais qui a pris son territoire pour corridor. Un corridor balistique, à la merci de puissances qui se servent du ciel libanais comme d’un simple passage, sans même juger nécessaire de prévenir, encore moins de demander l’autorisation.
Le silence du gouvernement libanais est un aveu. L’aveu d’un abandon total de ses responsabilités les plus fondamentales: protéger son territoire, défendre sa souveraineté, garantir la sécurité de ses citoyens. Ce silence est aussi une forme de complicité passive, une manière de dire que le Liban accepte, par lâcheté ou par calcul, d’être instrumentalisé dans des conflits qui ne sont pas les siens.
Quand le gouvernement se soucie plus des postes que des missiles
Il faut le souligner avec force: ce n’est pas le Conseil supérieur de défense qui s’est réuni après les faits, ni une cellule de crise qui a été convoquée. C’est un Conseil des ministres ordinaire, dont l’ordre du jour prioritaire concerne les postes d’ambassadeurs et les équilibres communautaires dans la diplomatie. Pendant que les cieux du Liban sont traversés par des ogives, le gouvernement regarde vers les fauteuils.
Cette posture est non seulement irresponsable, mais dangereuse. Elle envoie un message clair à toutes les puissances régionales: le Liban est un vide politique, un territoire sans autorité réelle, où l’on peut survoler, tirer, passer et repasser sans jamais en assumer les conséquences.
Où sont les voix indignées?
Il est également frappant de constater le silence assourdissant de la classe politique dans son ensemble. Rares sont les responsables à avoir dénoncé cette violation. La majorité des blocs parlementaires, des chefs de partis, des figures de l'opposition ou du pouvoir, ont préféré détourner le regard. Comme si le fait d’évoquer la souveraineté nationale pouvait heurter certains équilibres tacites ou déranger des alliances régionales.
Mais le peuple libanais, lui, a vu. Il a vu les traînées lumineuses des missiles balistiques au-dessus de ses maisons. Il a entendu le grondement sourd du survol militaire. Il sait que son pays n’est plus maître de son sol, de son ciel, de son avenir.
Ce que cette inertie révèle
Ce nouvel épisode révèle l’étendue du naufrage de l’État libanais. Un État incapable de dire non. Un État qui n’a plus ni stratégie de défense ni vision géopolitique. Un État dont les institutions sont réduites à des lieux de marchandage entre clans politiques, pendant que la souveraineté nationale fond comme neige au soleil.
En d’autres temps, un tel acte aurait déclenché une onde de choc diplomatique, une levée de boucliers dans les capitales, un appel au Conseil de sécurité, voire une plainte officielle auprès de l’ONU. Aujourd’hui, au Liban, il ne déclenche qu’indifférence et résignation.
Une souveraineté à reconstruire
Le Liban ne pourra jamais se redresser tant qu’il ne rétablira pas sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire, de son espace aérien à ses frontières. Tant que ses gouvernants continueront de traiter les violations de son territoire comme des banalités, il demeurera un pays fragile, soumis et exposé.
Il est urgent que les Libanais eux-mêmes réclament des comptes. Pas seulement sur les nominations, les budgets ou les réformes, mais sur ce qu’il reste de leur pays. Le silence ne protège pas; il expose. Et le premier pas vers le rétablissement de la souveraineté, c’est de refuser de se taire.
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