
L’édition 2025 d’Art Basel a révélé un marché en mutation: les ventes à très haut prix ont reculé, tandis que les transactions de moindre valeur ont bondi. Portée par une nouvelle génération de collectionneurs, cette tendance a mis en lumière l’artiste canado-libanaise Joyce Joumaa, 27 ans, récompensée du prix Baloise pour une œuvre sur la crise énergétique au Liban, soulignant le poids croissant de la relève artistique.
Le marché mondial de l’art n’échappe pas aux tensions économiques et géopolitiques actuelles, et compte sur une nouvelle génération d’acheteurs pour relancer sa dynamique.
Certaines transactions d’envergure ont toutefois eu lieu la semaine dernière à Art Basel, la plus grande foire d’art contemporain au monde. La galerie londonienne Annely Juda Fine Art y a notamment vendu une peinture de David Hockney pour un montant compris entre 13 et 17 millions de dollars, sans en préciser le prix exact.
La galerie David Zwirner a quant à elle cédé une sculpture de Ruth Asawa pour 9,5 millions de dollars, et une peinture de Gerhard Richter pour 6,8 millions.
Mais les prix n’ont pas atteint les sommets de 2022, quand le marché de l’art était en plein essor. Cette année-là, une sculpture de l’artiste franco-américaine Louise Bourgeois avait été acquise pour 40 millions de dollars.
«Le marché est assurément plus calme», a reconnu Noah Horowitz, directeur général d’Art Basel, auprès de l’AFP. Malgré tout, «de grandes ventes continuent d’avoir lieu dans les foires, et ce, en dépit de tout ce qui se passe dans le monde».
La première banque suisse, UBS, et le cabinet d’étude Arts Economics ont publié un rapport à l’occasion de la foire. Selon leurs estimations, le marché de l’art a ralenti en 2023, puis reculé de 12% en 2024 à l’échelle mondiale, atteignant 57,5 milliards de dollars. Le segment des œuvres valant plus de 10 millions a été le plus touché.
«Je ne vois pas de changement à l’horizon dans les six à douze prochains mois», a déclaré Hans Laenen, spécialiste du marché de l’art chez l’assureur AXA XL.
Dans un contexte d’incertitudes économiques et géopolitiques, «les investisseurs se tournent massivement vers l’or», a-t-il confié à l’AFP. Dans le secteur de l’art, le comportement des acheteurs et des vendeurs est «plus conservateur»: beaucoup préfèrent attendre avant de mettre des œuvres sur le marché.
«Le nombre de transactions augmente», mais concerne des segments de prix plus bas, a-t-il observé.
Selon l’assureur Hiscox, le nombre de lots vendus à moins de 50 000 dollars a augmenté de 20% dans les maisons de vente aux enchères en 2024, tandis que les œuvres très haut de gamme ont connu une forte baisse, révélant un changement de comportement chez les collectionneurs.
Nouvelle génération
Pour Jean Gazancon, directeur général de l’assureur Arte Generali, une nouvelle génération de collectionneurs entre sur le marché.
«Nous assurons de plus en plus de trentenaires pour des collections allant de 300 000 à un million d’euros», a-t-il souligné.
«Ce sont des start-uppers à succès, des banquiers d’affaires, des avocats ou des héritiers», qui commencent très jeunes, parfois en faisant des choix «très radicaux», précise-t-il.
UBS s’attend à une intensification de cette tendance. La banque prévoit un transfert de richesse sans précédent au cours des 20 à 25 prochaines années, lié au vieillissement global de la population.
Environ 83 000 milliards de dollars d’actifs devraient ainsi changer de main à l’échelle mondiale, selon UBS, ce qui signifie «qu’une toute nouvelle génération de collectionneurs entre sur le marché avec des comportements d’achat différents», explique Eric Landolt, co-responsable mondial du département conseil en patrimoine, art et collection chez UBS.
La foire Art Basel, qui a fermé ses portes dimanche après quatre jours, a réuni plus de 280 galeries présentant des œuvres de quelque 4 000 artistes.
C’est un rendez-vous incontournable pour les collectionneurs, qui peuvent y acquérir aussi bien des toiles de Pablo Picasso que des œuvres très récentes.
La galerie Thaddaeus Ropac a notamment proposé un portrait du pape Léon XIV par l’artiste franco-chinois Yan Pei-Ming.
La foire met également en valeur de jeunes artistes comme Joyce Joumaa, 27 ans, qui a remporté conjointement le prix Baloise 2025 pour son œuvre centrée sur la crise énergétique au Liban.
By Nathalie OLOF-ORS / AFP
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