
Relancer l’économie par le sacré? Le Liban tente l’expérience avec Caminos Lebanon, un projet de tourisme religieux structuré qui ambitionne de faire marcher les pèlerins… et les petits commerces locaux. À la clé: emplois, revenus ruraux et image de marque retrouvée.
Faire marcher l’économie en misant sur les pèlerins? C’est le pari audacieux de Caminos Lebanon, un projet de tourisme religieux durable, porté par l’Association pour les Pèlerinages au Liban (APL) et piloté par l’experte Nour Farra Haddad. L’objectif: transformer le Liban en une destination incontournable du tourisme religieux. Mais attention, il ne s’agit pas simplement de marcher entre deux monastères: c’est tout un écosystème économique et durable qui est en jeu.
Caminos Lebanon, c’est un vaste réseau de sentiers religieux chrétiens – 60 au total – qui relient sanctuaires, villages, montagnes, forêts et traditions. De quoi faire transpirer le cœur et l’économie! «L’objectif: redonner vie aux régions rurales tout en boostant les petites entreprises, chambres d’hôtes, producteurs de mouné, guides locaux, artisans, restaurateurs et prestataires d’activités écotouristiques», indique Nour Farra Haddad à Ici Beyrouth.
«Ce projet, profondément ancré dans une vision de développement durable, mise sur des valeurs simples mais puissantes: la marche, la spiritualité, l’hospitalité et… l’impact économique», poursuit-elle. En effet, l’intérêt économique est bien réel: Caminos Lebanon, ce n’est pas une promenade du dimanche, c’est un levier de relance. Chaque pas peut générer du revenu, chaque sentier peut créer de l’emploi local, et chaque marcheur devient acteur d’un tourisme plus doux, plus humain, plus enraciné.
Le tourisme religieux au Liban constitue un moteur économique indéniable, à la fois via les arrivées internationales quand la situation le permet et les pèlerinages internes dans le cadre du tourisme domestique. «Malgré toutes les crises, ce segment reste un levier de résilience, de diversité culturelle et d'attractivité économique pour le pays. Les potentialités pour développer le tourisme religieux au Liban sont multiples, d’une part la richesse en lieux de culte du pays, sa diversité confessionnelle et le vivre-ensemble», dit-elle.
Quand la foi fait marcher les affaires
Le tourisme religieux n’est pas une petite niche: il représente, selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) entre 20 et 25% du tourisme mondial, avec 330 millions de pèlerins annuels. «Pourquoi pas un morceau de ce gâteau pour le Liban? D’autant plus que des hauts lieux de culte comme saint Charbel à Annaya ou Notre-Dame du Liban à Harissa attirent déjà deux millions de visiteurs par an», se demande Mme Haddad.
Alors, pourquoi ne pas leur offrir aussi les sentiers, les paysages, les rencontres et les découvertes? Les porteurs du projet Caminos Lebanon estiment que, dès la première année, cette initiative pourrait attirer des dizaines de milliers de pèlerins pour atteindre, dans les années à venir, des centaines de milliers de pèlerins.
Caminos Lebanon est un réseau de chemins de pèlerinage chrétiens qui s’inscrit non seulement dans le cadre du tourisme religieux mais aussi dans celui d’une multitude de tourismes de niche comme le tourisme rural, le tourisme sportif, le tourisme familial et l’écotourisme. «Les itinéraires de Caminos Lebanon valoriseront le patrimoine bâti (monastères, églises, sanctuaires, ponts et moulins), le patrimoine naturel (forêts, rivières et falaises) et le patrimoine immatériel (rituels, célébrations et événements religieux). Ces itinéraires peuvent être interconnectés ou entièrement indépendants. Ils représentent un lieu de rencontre pour les pèlerins, facilitant un dialogue culturel entre les pèlerins et les communautés locales qu’ils traversent», explique Mme Haddad.
Les randonneurs spirituels, qu’ils soient en sandales ou en chaussures de trek, locaux ou internationaux, croyants ou simplement curieux, auront accès à une carte des chemins, des fiches pratiques, et même un passeport à tamponner pour les motiver à aller toujours plus loin (et plus haut!). Cinq chemins dans cinq régions c’est un certificat à la clé. Une gamification céleste, en quelque sorte.
Après la conférence de lancement réservée aux partenaires – 30 entre ONG et municipalités – ainsi qu’aux experts, l’APL prévoit une présentation publique du projet en novembre 2025, avec un site web interactif et la mise en vente du passeport Caminos Lebanon. Objectif? Attirer des dizaines de milliers de pèlerins dès la première année… et pourquoi pas, dans quelques années, rivaliser avec Compostelle qui n’a qu’à bien se tenir!
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