
Le gouvernement libanais a chargé l'armée de préparer un plan d'action pour désarmer le Hezbollah, une décision inédite susceptible de bouleverser l'équilibre politico-sécuritaire en vigueur au Liban depuis des décennies.
Mais si un tel plan devait être élaboré, aurait-il une chance d'être appliqué? Et quelles sont les options du Hezbollah?
Quelle portée?
Pour la première fois depuis la fin de la guerre civile (1975-1990), le gouvernement adopte une décision en vue de désarmer le Hezbollah, seule faction à avoir conservé ses armes au nom de la «résistance» contre Israël.
Elle retire au Hezbollah la légitimité politique dont bénéficiait jusqu'ici son arsenal, et que les précédents gouvernements avaient consacrée.
L'arrivée de nouveaux dirigeants reflète un changement de rapport de forces sur la scène politique, jusqu'alors largement dominée par le Hezbollah. Le mouvement a vu son influence décliner, affaibli à la fois par son dernier conflit avec Israël et par les coups portés à ses alliés en Syrie et en Iran.
Dans le passé, toute tentative de s'en prendre à ses armes ou à ses réseaux logistiques a provoqué des crises politiques et sécuritaires, la dernière en date remontant au 7 mai 2008, lorsque le Hezbollah avait utilisé ses armes à Beyrouth avant que les combats ne s'étendent à d'autres régions du Nord et du Mont-Liban, faisant plus de 65 morts.
La question reste au cœur de la polarisation politique, entre un camp réclamant une pleine souveraineté de l'État, et un autre, conduit par le Hezbollah, qui justifie la détention d'armes au nom de la «résistance» face à Israël.
Quelles options pour le Hezbollah?
Le parti a rejeté avec virulence la décision gouvernementale, affirmant qu'il ferait «comme si elle n'existait pas» et la qualifiant de «pêché grave».
Ses options sont réduites et potentiellement lourdes de conséquences.
Il peut démissionner du gouvernement par le biais de ses ministres et de ceux de ses alliés, paralyser le Parlement, ou provoquer des troubles en mobilisant ses partisans dans la rue et en exhibant ses armes pour instaurer un climat d'intimidation.
Mais un affrontement interne aurait un coût élevé, tant pour la stabilité du pays que pour l'image du parti.
«Je pense que le Hezbollah veut à tout prix éviter un affrontement avec l'armée, car il sait que tout le pays, à l'exception de ses partisans, se retournerait contre lui, ce qui serait un désastre pour son image», affirme David Wood de l'International Crisis Group.
Le député du Hezbollah Ali Ammar a d'ailleurs écarté mercredi tout scénario de confrontation avec l'armée.
Quant au choix d'une nouvelle confrontation avec Israël, cela équivaudrait à un suicide.
«Entrer en guerre serait destructeur pour le Hezbollah, qui ne dispose plus de lignes d'approvisionnement, ayant tout perdu avec l'effondrement du régime syrien», explique à l'AFP l'analyste militaire Riad Kahwaji.
Le mouvement est sorti éprouvé de sa dernière confrontation avec Israël, qui a décimé sa direction et détruit une part importante de ses capacités militaires.
Son approvisionnement en armes et en fonds en provenance d'Iran est désormais fortement entravé par le renforcement des contrôles frontaliers et les sanctions visant ses circuits de financement au Liban et à l'étranger.
Reste une hypothèse: que le Hezbollah accepte de rendre ses armes et se reconvertisse dans l'action politique, à l’instar de plusieurs partis issus de la guerre civile.
Mais un interlocuteur libanais proche des discussions a confié à l'AFP que le mouvement «n'acceptera jamais (de se désarmer) sans contrepartie». Sa décision dépend également de la position de son allié iranien.
Dans ce contexte, Nicholas Blanford, analyste à l'Atlantic Council, estime que le Hezbollah «va chercher à gagner du temps», car «il est impensable qu'il accepte un désarmement total».
Quelles répercussions pour le Liban?
Le Liban fait face à d'intenses pressions internationales — notamment des pays du Golfe, bailleurs de fonds historiques, et des puissances occidentales comme les États-Unis — qui conditionnent leur soutien à une série de réformes, dont le monopole étatique des armes, en vue de relancer l'économie.
«Nous devons choisir entre l'effondrement et la stabilité», a d'ailleurs déclaré jeudi le président libanais.
Si le Hezbollah s'obstine, les autorités libanaises se retrouveront dans une impasse, tant il semble exclu de recourir à la force dans un pays profondément divisé sur les plans politique et confessionnel.
«Il sera très difficile pour le gouvernement libanais de contraindre le Hezbollah à s'en défaire. (...) Il faudra donc parvenir à une forme de compromis ou d'accord, ce qui ne sera pas facile, explique Nicholas Blanford.
En parallèle, Israël a averti à maintes reprises qu'il poursuivrait ses opérations tant que les autorités libanaises n'auraient pas désarmé le Hezbollah.
Par Layal Abou Rahal/AFP
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