
Le gouvernement du Premier ministre libanais, Nawaf Salam, applique le plan de l’armée pour réserver l’usage des armes à l’État et en suit les résultats, tout en s’attaquant aux dossiers des détenus syriens et des déplacés pour préparer leur retour. Pendant ce temps, la question de la délimitation des frontières reste une priorité, en raison des répercussions qu’entraînerait la poursuite de son blocage.
Des sources ministérielles s’inquiètent de la prudence de Damas sur ce dossier, malgré les pressions saoudiennes, américaines et françaises pour sécuriser les frontières, garantir la stabilité et lutter contre la contrebande. Beyrouth estime qu’accélérer le processus est dans l’intérêt des deux pays. Lors de la réunion de Riyad entre les ministres de la Défense libanais et syrien, Damas avait affiché sa volonté de procéder à la délimitation de la frontière avec le Liban. Cette annonce a été saluée par l’Arabie saoudite et encouragée par Washington, pressé de voir avancer le dossier au Liban-Sud. Mais la Syrie a ensuite rétrogradé le suivi du dossier, le confiant à des responsables sécuritaires des deux pays.
Parallèlement, des milieux diplomatiques occidentaux observent avec inquiétude la situation en Syrie, inscrite dans le conflit régional et international, et marquée par l’avancée de l’influence turque vers Damas. Une délégation russe conduite par le vice-Premier ministre Alexandre Novak s’est rendue à Damas, suivie de la visite de l’amiral Brad Cooper, chef du Commandement central américain, qui a rencontré le président syrien Ahmad el-Chareh et de hauts responsables, en présence de l’émissaire américain Tom Barrack.
Les discussions ont porté sur la coopération politique et militaire pour renforcer la sécurité régionale, consolider le partenariat stratégique et élargir les canaux de communication. Elles font suite à des attaques contre les minorités en Syrie, qui ont poussé Washington et Moscou à exercer une pression sur Chareh pour protéger ces communautés et préserver l’unité du pays. Ces développements ont ravivé les inquiétudes d’Israël face au risque d’un État islamique extrémiste à ses frontières.
Un diplomate occidental aurait averti le président syrien du risque de voir un État islamique extrémiste s’instaurer en Syrie, l’appelant à écarter du pouvoir les islamistes venus le soutenir pour renverser le régime Assad. Sinon, c’est Chareh lui-même qui serait exilé, selon la même source. Cette inquiétude a également poussé Israël à protéger les minorités pour préserver son influence, alors que l’unité syrienne semble de plus en plus menacée par la fragmentation.
Du côté iranien, on mise sur l’échec de Chareh à combattre l’extrémisme et à unifier la Syrie. La situation dans le Sud, sur la côte et dans les régions kurdes reste préoccupante. Téhéran anticipe la chute du régime Chareh et le retour de la Syrie dans son orbite, avec le Hezbollah comme force centrale face aux groupes extrémistes, notamment Daech. Dans ce contexte, des sources ministérielles estiment que le Hezbollah ne renoncera pas à son arsenal dont la nécessité se fera sentir lors de ce moment de transformation en Syrie.
Les annonces du ministère syrien de l’Intérieur sur le démantèlement d’un réseau lié au Hezbollah sont perçues comme un avertissement au Liban, les membres du réseau ayant été formés sur son territoire. Le Hezbollah reste considéré comme une organisation transfrontalière menaçant la sécurité de la Syrie, même si Chareh a choisi de ne pas riposter et souhaite tourner la page, tout en maintenant des liens avec l’Iran. De son côté, le Hezbollah dément toute présence en Syrie depuis la chute du régime Assad. L’Iran, de son côté, tient Israël pour responsable du risque de partition de la Syrie, dans le cadre d’un plan visant à morceler la région en petits États ethniques et confessionnels, destinés à rester en conflit permanent, permettant à Benjamin Netanyahou de réaliser son rêve de «Grand Israël».
Malgré ces défis, Chareh participera à l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Il y fera face à un défi majeur, après son échec à protéger les minorités en raison de l’extrémisme religieux de ses forces, du refus de réintégrer d’anciens officiers ainsi que de sa réticence à transformer les groupes jihadistes en forces régulières capables d’assurer sécurité et protection des minorités dans un État unifié. En amont de sa visite, il a convaincu Washington, Paris et Riyad que sa priorité serait de conclure des accords sécuritaires avec Israël, condition jugée essentielle pour le succès de son déplacement.
Enfin, le dossier des relations libano-syriennes ne sera véritablement lancé qu’après un sommet bilatéral prévu à Baabda en octobre entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue syrien, Ahmad el-Chareh. De cette rencontre devrait émerger la relance des relations bilatérales, la fin de la Convention de coopération et de coordination, le tracé des frontières, la résolution des dossiers des islamistes syriens détenus au Liban et des Libanais emprisonnés en Syrie, ainsi que la question des déplacés syriens. Le président Aoun profitera de sa participation aux réunions de l’Assemblée générale pour tenir une rencontre préparatoire avec le président syrien, comme l’a indiqué le ministre syrien des Affaires étrangères, Assad al-Chibani, à son homologue libanais Youssef Raggi.
La question qui reste à poser est celle de savoir si le Hezbollah continuera de parier sur des dossiers extérieurs pour justifier son arsenal, ou s’il commencera enfin à appliquer la décision gouvernementale.
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