
Malgré une saison estivale réduite à quarante-cinq jours seulement – du 15 juillet à la fin août – les restaurants libanais ont connu un été dynamique. Cette durée limitée, dictée par l’instabilité politique et sécuritaire ainsi que par les répercussions du conflit régional, n’a pas freiné l’élan du secteur.
La diaspora, fidèle au rendez-vous, a massivement répondu présent, tandis que le tourisme intérieur a affiché une belle vitalité. En un mois et demi, le secteur de la restauration a tiré son épingle du jeu, offrant des prestations de haut niveau et confirmant son rôle central dans l’attractivité touristique du Liban.
Reste une question sensible: manger au restaurant est-il devenu hors de portée pour les classes moyennes et modestes?
Les prix ont-ils flambé?
Comme le souligne Nagi Morkos, co-gérant du cabinet de conseil en hôtellerie et tourisme Hodema, le pouvoir d’achat des Libanais s’est effondré depuis 2019, alors que l’inflation s’est envolée dans le monde entier. Les salaires – dépréciés – en livres libanaises n’ont pas suivi la flambée des prix. «Le coût d’un dîner qui paraissait abordable il y a dix ans est devenu inaccessible pour une grande partie des Libanais», explique-t-il.
En réalité, les prix en dollars n’ont pas explosé. M. Morkos rappelle qu’en 2013, selon une étude quantitative menée par Hodema, un espresso coûtait en moyenne 3,9 dollars, une pizza Margherita 12,3 dollars, un narguilé 10,7 dollars et un plat de chich taouk 12,3 dollars. «Si l’on applique une inflation annuelle sur douze ans, on retrouve aujourd’hui des prix similaires», précise-t-il.
Ce sont donc la dépréciation de la monnaie nationale et la stagnation des revenus qui rendent l’addition plus salée pour les Libanais payés en livres.
M. Morkos prend un exemple parlant: la mankouché, ce petit-déjeuner populaire devenu baromètre du budget des ménages modestes. Autrefois vendue entre 1.250 et 1.500 livres libanaises – l’équivalent d’un dollar – elle se vend aujourd’hui autour de 80.000 livres… soit à peine moins qu’un dollar. En clair, le prix en devise est resté le même, mais son poids dans le portefeuille des Libanais a explosé.
Le poids des importations
À cela s’ajoute l’inflation mondiale. Viandes, fromages, vins, café… la quasi-totalité des ingrédients est importée et soumise aux fluctuations des marchés internationaux et aux coûts logistiques. Les restaurateurs n’ont d’autre option que de répercuter ces hausses sur leurs menus. «Plus un menu est élaboré avec des produits importés, plus le ticket moyen grimpe», explique M. Morkos.
Sur la scène internationale, les prix libanais restent comparables à ceux des grandes capitales et des destinations touristiques haut de gamme. Mais, rapportés aux salaires locaux, ils paraissent exorbitants.
Cette dualité crée une perception contrastée: pour les touristes et expatriés, les prix restent compétitifs, parfois même inférieurs à ceux pratiqués à l’étranger. Pour les Libanais résidant dans le pays, ils paraissent démesurés au regard des salaires, générant une perception de cherté inédite. Le Liban n’est pas plus cher qu’ailleurs; il est simplement devenu plus lourd à supporter pour une population dont le revenu moyen est resté bloqué au niveau d’avant crise. En revanche, dîner au restaurant est devenu un luxe réservé à une minorité.
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