La Banque centrale prend sa part du redressement financier et rassure les déposants
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Lors d’un déjeuner-débat organisé par l’École supérieure des affaires (ESA), Karim Souhaid, gouverneur de la Banque du Liban (BDL), a partagé «un état des lieux» de la situation au Liban – «qui, lentement mais sûrement, évolue dans la bonne direction» – avec une quarantaine de membres du Mouvement des entreprises de France (Medef), actuellement en tournée d’exploration au Liban et en Syrie.

Pour mémoire, le Medef regroupe plus de 200.000 très petites entreprises (TPE) et petites et moyennes entreprises (PME) françaises.

M. Souhaid a également présenté la proposition de la Banque centrale d’un «cadre de restructuration bancaire» (Banking Restructuring Framework), dans lequel la BDL assumerait la part la plus lourde de la charge financière.

Il a insisté sur «l’obligation de la BDL de rebâtir un système bancaire solide, bien financé, bien gouverné et bien régulé». «Un secteur capable de rembourser les déposants, intégralement si possible, progressivement si nécessaire, mais toujours dans le respect de la confiance qu’ils nous ont accordée», a-t-il souligné.

BDL: la banque de l’État, et non son banquier

Dans son constat, Karim Souhaid a décrit «une banque centrale à la fois auteure et victime d’une crise bancaire et financière sans précédent, qui a paralysé l’économie réelle du pays du Cèdre». «Aujourd’hui, elle en est également le principal moteur du redressement», a-t-il ajouté.

Selon lui, «la banque centrale a été acteur, car le régulateur qu’elle aurait dû être a parfois cédé à la tentation d’accompagner l’euphorie de profits du secteur bancaire et de répondre sans limites aux besoins de financement de l’État». «Elle a été victime car ce rôle a fragilisé son bilan et plongé l’économie dans une dépendance malsaine», a-t-il poursuivi.

Pour lui, «la BDL d’aujourd’hui n’est plus le banquier, mais la banque de l’État». «C’est une institution qui se veut désormais plus proche de Colbert, bâtisseur de structures durables, que de Gordon Gekko, avide de profits. Une banque sobre et responsable, parfois austère, mais tournée vers la stabilité et la pérennité», a-t-il relevé.

La BDL propose un «Banking Restructuring Framework»

S’appuyant sur les dispositions du Code de la monnaie et du crédit (CMC), qui précise que la BDL ne légifère pas mais conseille, éclaire et propose, M. Souhaid a présenté le Banking Restructuring Framework. Celui-ci repose sur quatre piliers:

1.⁠ ⁠Réduction du déficit de la BDL grâce à l’élimination des créances et des obligations irrégulières inscrites à son bilan: dépôts d’origine douteuse, conversion injustifiée de livres libanaises en dollars après la crise, excès d’intérêts, etc.

2.⁠ ⁠Segmentation des dépôts réguliers en trois catégories: petits (1 à 100.000 dollars, soit 84,8%), moyens (100.000 à 1 million de dollars, soit 14%) et grands (au-delà de 1 million de dollars).

3.⁠ ⁠Remboursement des déposants – en priorité les petits et une partie des moyens – en liquidités sur une période donnée, et remboursement du solde en titres adossés aux actifs de la BDL (or, créances sur l’État, actifs immobiliers et corporatifs, réserves).

4.⁠ ⁠Répartition de la charge financière entre l’État, la BDL et les banques commerciales, la BDL assumant la part la plus lourde de ce fardeau.

Le crédit: le sang de l’économie

M. Souhaid a insisté à plusieurs reprises sur l’importance du crédit, qu’il a qualifié de «sang de l’économie», reprenant les mots de l’économiste Jean Tirole: «Sans crédit, il n’y a pas d’activité; sans activité, ni le secteur public ni le secteur privé ne peuvent survivre.»

Il s’est dit confiant dans la volonté des autorités, du chef de l’État et du Premier ministre d’entreprendre des réformes. «Ce chantier ne se fera pas sans coopération. Il impliquera le gouvernement, nos partenaires internationaux – FMI, Banque mondiale, la France en priorité, et plus largement la communauté internationale – et, je l’espère, vous, entrepreneurs et investisseurs français, qui avez toujours vu dans le Liban un lieu d’innovation, de résilience et de rayonnement régional», a-t-il conclu.

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