Iran: la contestation se poursuit, l'accusation de l'étranger aussi
©Des dizaines d'étudiants applaudissent et scandent des slogans lors d'une manifestation à l'Université des Sciences médicales de Tabriz, dans le nord-ouest de l'Iran. (AFP)
Le mouvement de protestation entame sa sixième semaine en Iran, malgré la répression impitoyable des autorités qui aurait fait 122 morts jusqu'à présent. La seule réaction des autorités iraniennes est, elle, orientée vers l'étranger. Le régime des mollahs a repris sa rhétorique anti-américaine en accusant Washington de provoquer les mouvements de contestation afin d'obtenir des concessions sur le dossier nucléaire.

Les commerçants et ouvriers dans plusieurs villes d'Iran ont organisé des grèves samedi sur fond de protestations déclenchées il y a plus d'un mois par la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini après son arrestation, selon des ONG.

La répression des protestations, les plus importantes en Iran depuis celles de 2019 contre la hausse du prix de l'essence, ont fait au moins 122 morts, dont des enfants, selon l'Iran Human Rights (IHR) basée à Oslo.

Les Iraniennes, beaucoup tête nue, ont été à l'avant-garde du mouvement de contestation, chantant des slogans contre le pouvoir et affrontant les forces de sécurité.

Des forces de sécurité iraniennes tirant des projectiles dans un lotissement à Téhéran. (AFP)

 

Des militants ont lancé un appel à de nouvelles manifestations samedi, premier jour de la semaine en Iran, mais il est difficile d'en évaluer l'ampleur en raison des restrictions d'accès à Internet imposées par les autorités.

"Samedi, nous serons ensemble pour la liberté", a déclaré la militante Atena Daemi dans un message sur Twitter, accompagné de la photo d'une femme tête nue, le poing levé.

Selon le média en ligne 1500tasvir "des grèves sont organisées dans des villes, dont Sanandaj, Bukan et Saqez". Cette dernière est la ville natale de Masha Amini.

Le groupe de défense des droits Hengaw, basé en Norvège, a aussi fait état de commerçants en grève à Bukan (nord-est, Sanandaj et Saqez (nord-ouest), ainsi qu'à Marivan (ouest).

Ailleurs en Iran, des dizaines d'étudiants ont applaudi et chanté lors d'une manifestation à l'université Shahid Beheshti de Téhéran, selon une vidéo tweetée par 1500tasvir samedi.

Des dizaines de travailleurs se sont, eux, rassemblés devant une chocolaterie de Tabriz, capitale de la province de l'Azerbaïdjan oriental, d'après d'autres vidéos qui n'ont pas pu être vérifiées dans l'immédiat par l'AFP.

Des étudiants brandissant des drapeaux iraniens et scandant des slogans devant l'université Shahid Beheshti à Téhéran. (AFP)

 

 

Un syndicat d'enseignants a appelé à une grève nationale dans le pays dimanche et lundi pour dénoncer la répression qui, selon Amnesty International, a coûté la vie à au moins 23 enfants.

Des militants ont pour leur part accusé les autorités iraniennes de mener une campagne d'arrestations massives et d'interdictions de voyager, la liste incluant athlètes, journalistes, avocats et célébrités.
"Pressions américaines" sur le nucléaire

L'Iran a accusé samedi les États-Unis d'appuyer les manifestations déclenchées il y a plus d'un mois après la mort de Mahsa Amini pour obtenir des concessions dans les négociations pour raviver l'accord de 2015 sur le nucléaire.

"Les Américains continuent d'échanger des messages avec nous, mais ils essaient d'attiser" le mouvement de contestation, a dit le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, lors d'une visite en Arménie, dans une vidéo publiée samedi par son ministère.

Les États-Unis "tentent d'exercer une pression politique et psychologique sur l'Iran pour obtenir des concessions lors des négociations" sur le nucléaire, a-t-il déclaré, en référence aux discussions indirectes entre Téhéran et Washington, menées grâce à la médiation de l'Union européenne.


 

Quelque 80.000 personnes ont défilé à Berlin pour soutenir les protestations en Iran. (AFP)

 

 

Ces négociations, lancées en avril 2021, visent à raviver l'accord nucléaire signé en 2015 entre les Occidentaux et l'Iran, prévoyant une levée des sanctions économiques contre Téhéran, mais dont l'ex-président américain Donald Trump s'était retiré en 2018.

"Nous ne ferons pas de concessions aux Américains. Nous travaillerons dans le cadre d'un accord qui respecte les lignes rouges de la République islamique", a ajouté M. Amir-Abdollahian.

Les États-Unis et certains pays européens ont récemment imposé des sanctions à l'Iran, condamnant la réaction de Téhéran aux manifestations après la mort de Mahsa Amini.

Le 13 octobre, Washington avait affirmé qu'un retour à l'accord de 2015 n'était pas "probable à court terme".

"Nous nous concentrons aujourd'hui sur la manière de faire rendre des comptes au régime (iranien) pour ce qu'ils font" aux manifestants, avait dit John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche.

Iraniens et sympathisants manifestent à Tokyo pour "les femmes, la vie et la liberté" (AFP)

 

 

Samedi, le chef de la diplomatie iranienne a estimé que "les propos de Washington contredisent ses actions". "Non seulement les Américains considèrent les négociations comme une priorité, mais ils sont pressés" de les conclure, a dit M. Amir-Abdollahian.

Quelque 80.000 personnes ont défilé samedi à Berlin pour soutenir les protestations en Iran, a indiqué à l'AFP un porte-parole de la police.

"Aujourd'hui, des milliers de personnes affichent leur solidarité aux courageuses femmes et aux manifestants en Iran", a affirmé la ministre allemande de la Famille, l'écologiste Lisa Paus, sur Twitter. "Nous sommes à vos côtés", a-t-elle ajouté.

Quelque 80.000 personnes ont défilé à Berlin pour soutenir les protestations en Iran. (AFP)

 

Parmi les participants à cette manifestation organisée par un collectif de femmes, certains ont brandi des affiches avec le slogan "Women, Life, Freedom" (Femmes, Vies, Paix, ndlr), d'autres des drapeaux kurdes.

Sous un soleil radieux, les manifestants ont marché au cœur de la ville dans le calme, a indiqué la police qui a compté les manifestants à bord d'un hélicoptère.

Avec AFP
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