Marie-Christine Tayah porte les blessures de Beyrouth dans le cœur. Plaies béantes. Celles du 4 août 2020 qui demeureront quoique l’on fasse ou dise. Une ville détruite, des vies arrachées. Deuil infini. Le temps, s’il aide à accepter, n’efface pas le traumatisme. Il atténue peut-être l’après-coup, mais ce qui fut ne s’effacera jamais, même si les coupables seront désignés et jugés. Les meurtriers de Beyrouth sont portés par les forces du mal. Ils semblent increvables. Mais tout a une fin, eux, nous, tous. La faim de la revanche, elle, demeure permanente…Marie-Christine Tayah en parle dans 40 textes écrits pour Beyrouth ; recueil qui sera lancé et signé à Beit Beirut, dans le lieu-même où les stigmates de la guerre civile sont encore prégnants, le mardi 28 décembre à partir de 17h.
Où étiez-vous le 4 août 2020 ?
À Beyrouth. J’étais à l’USJ et devais y rester jusqu’à 20h00. J’ai été sauvée par un appel téléphonique qui me pressait de me dépêcher et par ma migraine (tombée du ciel !) qui m’a décidée à quitter les lieux. Je me suis rendue compte (bien) plus tard que les faux-plafonds, les vitres ainsi que tous les endroits que nous côtoyions avaient été détruits.
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez saisi l'ampleur du désastre ?
J’étais sans voix. Le soir même je n’avais pas suivi les nouvelles. J’ai juste essayé de voir si toutes les personnes qui étaient présentes avec moi (ainsi que celles que j’avais priées de partir plus tôt sans trop savoir pourquoi) se portaient bien. Nous étions en pleine gérance de « cellule de crise » pour communiquer le report de l’événement, etc. et je répondais aux appels et aux messages des personnes sans trop comprendre leurs « excès de panique. »
Ce n’est que le lendemain, quand un ami m’a envoyé les photos de sa maison qui n’en était plus une et puis quand j’ai reçu celles du théâtre qui m’avait habitée plusieurs années durant et que je ne reconnaissais plus, que j’ai éclaté en sanglots et me suis rendue sur place, seule, juste après…
Pourquoi "La douceur de septembre", deux ans plus tard ?
Pour la douceur. Celle qui vient juste après la douleur. Celle qui émane d’un deuil profond contenant à lui seul, éternellement, la tristesse du monde entier… un nuage gris, sans sanglots, sans pluie. Silencieux. Quelquefois transpercé par une lueur timide, douce, à peine perceptible. Un demi-sourire.
Pour septembre.
Parce qu’il vient juste après. Juste après août aussi. Parce que c’est le mois du lâcher-prise, le mois qui porte, qui défait aussi tout en douceur. Comme une bénédiction, un entre-deux, un juste après aux couleurs chaudes ; rouge, orange, jaune… C’est le mois de l’émerveillement pour moi… le mois des anges sans ailes.
Pour les deux ans plus tard… parce qu’importe si c’est deux, trois, ou quatre, quand on a connu tellement de douleur, tellement de départs, tellement de pertes, on ne compte plus.
Pourquoi le choix de « Beit Beirut » pour le lancement de l’ouvrage ?
Parce qu’en premier lieu, c’est un endroit symbolique de par son nom. La maison de Beyrouth sans maison, sans refuge… Une maison aux murs troués, ravagés. Un endroit de guerre, à la croisée des « sens » opposés et un lieu de résistance, comme quoi, chacun sa perception…
Et puis ensuite, parce que c’est un lieu symbolique pour moi. Il se trouve à Sodeco, tout près de la maison de ma grand-mère qui a longtemps caressé en moi le rêve de « Beyrouth »… Je ne connaissais pas la ville et j’ai longtemps attendu avec elle que la guerre non civilisée se termine avant de voir sa maison et ce Beyrouth dont le nom qu’elle prononçait si mélodieusement me transportait. C’est un peu pour elle aussi, pour toutes ses lettres d’Amour inédites, et pour toutes les mères qui ont tout enfanté dans la douleur que va ce cri du cœur.
Pourquoi 40 textes ?
Pour se donner le temps d’un deuil qui n’est jamais vraiment fini... 40 jours de douleur poignante. 40 jours de noir. 40 jours pour le blanc. 40 jours dans le grand jardin des oliviers… 40 jours de désert… et puis, septembre. Comme une renaissance ou une continuité à la vie…
Parlez-nous de la longue préface de Gérard Bejjani…
Le coup du Maître. Entre douleur et douceur, elle me laisse sans voix et elle fait revivre mes mots. C’est une réponse aux mille points d’interrogation. Elle apaise tous les tourbillons et fait retomber tous les questionnements, comme une lettre de clôture à toutes les lettres. En toute transcendance mais surtout aussi en toute sensibilité. C'est tellement généreux 5 pages... on passe sa vie à attendre un mot... C’est un écrit sur l’écrit, un décorticage des émotions et un dialogue ouvert. Une ouverture autre sur l’âme et un autre ouvrage sur Beyrouth. Je porte en moi tellement de gratitude pour lui et depuis très longtemps.
Quel est parmi vos 40 textes, celui que vous aimez particulièrement ?
Ces textes m’ont tellement hantée avec leur vécu que lorsqu’ils sont sortis, c’était comme une évidence, noir sur blanc. Ils ne m’appartiennent plus. Ils appartiennent au temps. À l’espace de Beyrouth, à son port d’outre-mer et d’outre-tombe. Ce que j’aime particulièrement parmi ces bribes de vies ou de morts ? Quelques 40 mots, sans les maux… éparpillés tout au long de ces textes. Comme une chasse au trésor, un retour aux sources… aux racines, à la terre, sous les étoiles qui veillent encore… avant de filer.
Où étiez-vous le 4 août 2020 ?
À Beyrouth. J’étais à l’USJ et devais y rester jusqu’à 20h00. J’ai été sauvée par un appel téléphonique qui me pressait de me dépêcher et par ma migraine (tombée du ciel !) qui m’a décidée à quitter les lieux. Je me suis rendue compte (bien) plus tard que les faux-plafonds, les vitres ainsi que tous les endroits que nous côtoyions avaient été détruits.
Qu'avez-vous ressenti lorsque vous avez saisi l'ampleur du désastre ?
J’étais sans voix. Le soir même je n’avais pas suivi les nouvelles. J’ai juste essayé de voir si toutes les personnes qui étaient présentes avec moi (ainsi que celles que j’avais priées de partir plus tôt sans trop savoir pourquoi) se portaient bien. Nous étions en pleine gérance de « cellule de crise » pour communiquer le report de l’événement, etc. et je répondais aux appels et aux messages des personnes sans trop comprendre leurs « excès de panique. »
Ce n’est que le lendemain, quand un ami m’a envoyé les photos de sa maison qui n’en était plus une et puis quand j’ai reçu celles du théâtre qui m’avait habitée plusieurs années durant et que je ne reconnaissais plus, que j’ai éclaté en sanglots et me suis rendue sur place, seule, juste après…
Pourquoi "La douceur de septembre", deux ans plus tard ?
Pour la douceur. Celle qui vient juste après la douleur. Celle qui émane d’un deuil profond contenant à lui seul, éternellement, la tristesse du monde entier… un nuage gris, sans sanglots, sans pluie. Silencieux. Quelquefois transpercé par une lueur timide, douce, à peine perceptible. Un demi-sourire.
Pour septembre.
Parce qu’il vient juste après. Juste après août aussi. Parce que c’est le mois du lâcher-prise, le mois qui porte, qui défait aussi tout en douceur. Comme une bénédiction, un entre-deux, un juste après aux couleurs chaudes ; rouge, orange, jaune… C’est le mois de l’émerveillement pour moi… le mois des anges sans ailes.
Pour les deux ans plus tard… parce qu’importe si c’est deux, trois, ou quatre, quand on a connu tellement de douleur, tellement de départs, tellement de pertes, on ne compte plus.
Pourquoi le choix de « Beit Beirut » pour le lancement de l’ouvrage ?
Parce qu’en premier lieu, c’est un endroit symbolique de par son nom. La maison de Beyrouth sans maison, sans refuge… Une maison aux murs troués, ravagés. Un endroit de guerre, à la croisée des « sens » opposés et un lieu de résistance, comme quoi, chacun sa perception…
Et puis ensuite, parce que c’est un lieu symbolique pour moi. Il se trouve à Sodeco, tout près de la maison de ma grand-mère qui a longtemps caressé en moi le rêve de « Beyrouth »… Je ne connaissais pas la ville et j’ai longtemps attendu avec elle que la guerre non civilisée se termine avant de voir sa maison et ce Beyrouth dont le nom qu’elle prononçait si mélodieusement me transportait. C’est un peu pour elle aussi, pour toutes ses lettres d’Amour inédites, et pour toutes les mères qui ont tout enfanté dans la douleur que va ce cri du cœur.
Pourquoi 40 textes ?
Pour se donner le temps d’un deuil qui n’est jamais vraiment fini... 40 jours de douleur poignante. 40 jours de noir. 40 jours pour le blanc. 40 jours dans le grand jardin des oliviers… 40 jours de désert… et puis, septembre. Comme une renaissance ou une continuité à la vie…
Parlez-nous de la longue préface de Gérard Bejjani…
Le coup du Maître. Entre douleur et douceur, elle me laisse sans voix et elle fait revivre mes mots. C’est une réponse aux mille points d’interrogation. Elle apaise tous les tourbillons et fait retomber tous les questionnements, comme une lettre de clôture à toutes les lettres. En toute transcendance mais surtout aussi en toute sensibilité. C'est tellement généreux 5 pages... on passe sa vie à attendre un mot... C’est un écrit sur l’écrit, un décorticage des émotions et un dialogue ouvert. Une ouverture autre sur l’âme et un autre ouvrage sur Beyrouth. Je porte en moi tellement de gratitude pour lui et depuis très longtemps.
Quel est parmi vos 40 textes, celui que vous aimez particulièrement ?
Ces textes m’ont tellement hantée avec leur vécu que lorsqu’ils sont sortis, c’était comme une évidence, noir sur blanc. Ils ne m’appartiennent plus. Ils appartiennent au temps. À l’espace de Beyrouth, à son port d’outre-mer et d’outre-tombe. Ce que j’aime particulièrement parmi ces bribes de vies ou de morts ? Quelques 40 mots, sans les maux… éparpillés tout au long de ces textes. Comme une chasse au trésor, un retour aux sources… aux racines, à la terre, sous les étoiles qui veillent encore… avant de filer.
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