Un point d’inflexion… Le spectaculaire rétablissement des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et l’Iran modifiera, à n’en point douter, le cours des événements dans cette partie du monde, plus particulièrement – à l’évidence – au Liban. Il est, certes, encore trop tôt pour évaluer la véritable portée de ce développement majeur, mais certains points élémentaires s’imposent d’emblée.
La normalisation des rapports entre ces deux ennemis jurés – sous l’impulsion et l’égide de la Chine (fait notable…) – n’est pas une mesure liée à une conjoncture ponctuelle du moment. Elle est le fruit d’un long processus de dialogue qui s’est avéré aujourd’hui d’autant plus efficace et sérieux qu’il s’est déroulé loin des feux de la rampe. Le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhan, a tenu à souligner que le rétablissement de ces relations diplomatiques «est le fruit de discussions qui ont duré deux ans». Cela implique que tous les points de conflit ont été, de part et d’autre, mis sur la table. M. ben Farhan a apporté quelques (vagues) indications sur ce plan en soulignant que «l’accord avec Téhéran» est fondé sur « le respect de la souveraineté des États », et sur «des arrangements basés sur le bon voisinage».
Abondant dans le même sens, le porte-parole du gouvernement iranien a relevé de son côté que «l’accord historique avec l’Arabie saoudite modifiera les relations régionales». Une lapalissade sans doute, mais le terme «accord historique» utilisé par le responsable iranien mérite attention.
Simple langage diplomatique, expression de vœux pieux, ou volonté réelle d’ouvrir une nouvelle page entre les deux pays, tenant compte du bourbier yéménite et de la profonde crise sociétale, existentielle, et financière qui ébranle le régime des mollahs en Iran? La Maison-Blanche a apporté rapidement un petit bémol à l’euphorie provoquée par l’annonce faite par Ryad et Téhéran en relevant, fort à propos, que «l‘Iran a des antécédents en matière de non-respect des accords». Certes… Mais il est fort à parier que le royaume wahhabite a clairement soulevé lors des deux années de négociations bilatérales la question explosive de l’engouement des pasdarans à exporter la Révolution iranienne dans la région.
On aurait pu douter de la réelle disposition des pasdarans à se conformer à cet «accord historique» rendu public vendredi si le président iranien en exercice faisait partie du courant dit modéré à Téhéran, ce qui n’est clairement pas le cas. Cela incite à un certain degré d’optimisme car ce sont généralement les leaders radicaux qui concluent les accords de paix les plus solides et les plus durables. L’on verrait mal, de ce fait – du moins à court ou à moyen terme – la République islamique poursuivre sa politique expansionniste agressive dans la région après l’entente scellée avec Ryad. La France a, d’ailleurs, rapidement appelé l’Iran à «renoncer à ses actions déstabilisatrices». Une telle nouvelle ligne de conduite impliquerait, si elle se concrétise dans la pratique de manière durable, une conséquence historique d’une tout autre dimension: un profond changement dans la posture doctrinale et idéologique des pasdarans.
Dans les faits, certaines retombées paraissent évidentes. D’abord sur le plan géopolitique globale, un important précédent qui pointait déjà à l’horizon depuis un certain temps: un recentrage, à l’initiative du prince héritier Mohammed ben Salmane, de la position de Ryad sur l’échiquier international, notamment vis-à-vis des États-Unis, comme l’ont illustré le récent rapprochement avec la Chine et, surtout, le rôle clé de Pékin dans l’accord irano-saoudien.
Au plan régional, la question est de savoir si cette nouvelle donne aboutira à un retour de la Syrie à la Ligue arabe, à l’occasion du prochain sommet des rois et chefs d’État, malgré la ferme opposition de l’administration Biden à une normalisation accélérée avec le régime Assad.
Reste le volet libanais qui pose problème à plus d’un égard et qui ne pourra pas être clarifié de manière tranchée avant de connaître la véritable teneur des longues négociations menées par Ryad et Téhéran. Au niveau de la présidentielle, d’abord, la donne marquée jusqu’à ce jour par une très forte polarisation pourrait, certes, changer mais reste à savoir dans quel sens. La réponse est tributaire, à n’en point douter, d’une possible redéfinition des zones d’influence, incluant le Liban, entre le royaume wahhabite et le régime des mollahs. Le cours que prendra l’élection présidentielle constituera un baromètre sur ce plan. Mais à plus long terme, l’enjeu restera l’éradication, ou tout au moins la très forte limitation, de l’emprise iranienne sur le Liban. Téhéran continuera-t-il de ne percevoir le pays du Cèdre que sous le seul et unique angle d’une pièce maitresse dans la région; et a fortioti, le Hezbollah maintiendra-t-il sa position doctrinale qui fait de lui un simple pion dans la stratégie expansionniste des pasdarans?
Une question qui en entraine une autre pour le Hezbollah: à la lumière de la grande réconciliation entre son mentor et le royaume sur lequel il déversait publiquement toute son agressivité, pour ne pas dire son venin, le «parti de Dieu» se laissera-t-il convaincre que sa véritable garantie au plan national, et celle de sa communauté, réside dans l’établissement de relations saines, équilibrées et sereines avec ses partenaires libanais, et non pas dans des rapports de force régionaux, par essence éphémères, comme l’a illustré l’accord rendu public vendredi? L’histoire contemporaine, et ancienne, du Liban est riche en leçons, amères, sur ce plan.
La normalisation des rapports entre ces deux ennemis jurés – sous l’impulsion et l’égide de la Chine (fait notable…) – n’est pas une mesure liée à une conjoncture ponctuelle du moment. Elle est le fruit d’un long processus de dialogue qui s’est avéré aujourd’hui d’autant plus efficace et sérieux qu’il s’est déroulé loin des feux de la rampe. Le chef de la diplomatie saoudienne, Fayçal ben Farhan, a tenu à souligner que le rétablissement de ces relations diplomatiques «est le fruit de discussions qui ont duré deux ans». Cela implique que tous les points de conflit ont été, de part et d’autre, mis sur la table. M. ben Farhan a apporté quelques (vagues) indications sur ce plan en soulignant que «l’accord avec Téhéran» est fondé sur « le respect de la souveraineté des États », et sur «des arrangements basés sur le bon voisinage».
Abondant dans le même sens, le porte-parole du gouvernement iranien a relevé de son côté que «l’accord historique avec l’Arabie saoudite modifiera les relations régionales». Une lapalissade sans doute, mais le terme «accord historique» utilisé par le responsable iranien mérite attention.
Simple langage diplomatique, expression de vœux pieux, ou volonté réelle d’ouvrir une nouvelle page entre les deux pays, tenant compte du bourbier yéménite et de la profonde crise sociétale, existentielle, et financière qui ébranle le régime des mollahs en Iran? La Maison-Blanche a apporté rapidement un petit bémol à l’euphorie provoquée par l’annonce faite par Ryad et Téhéran en relevant, fort à propos, que «l‘Iran a des antécédents en matière de non-respect des accords». Certes… Mais il est fort à parier que le royaume wahhabite a clairement soulevé lors des deux années de négociations bilatérales la question explosive de l’engouement des pasdarans à exporter la Révolution iranienne dans la région.
On aurait pu douter de la réelle disposition des pasdarans à se conformer à cet «accord historique» rendu public vendredi si le président iranien en exercice faisait partie du courant dit modéré à Téhéran, ce qui n’est clairement pas le cas. Cela incite à un certain degré d’optimisme car ce sont généralement les leaders radicaux qui concluent les accords de paix les plus solides et les plus durables. L’on verrait mal, de ce fait – du moins à court ou à moyen terme – la République islamique poursuivre sa politique expansionniste agressive dans la région après l’entente scellée avec Ryad. La France a, d’ailleurs, rapidement appelé l’Iran à «renoncer à ses actions déstabilisatrices». Une telle nouvelle ligne de conduite impliquerait, si elle se concrétise dans la pratique de manière durable, une conséquence historique d’une tout autre dimension: un profond changement dans la posture doctrinale et idéologique des pasdarans.
Dans les faits, certaines retombées paraissent évidentes. D’abord sur le plan géopolitique globale, un important précédent qui pointait déjà à l’horizon depuis un certain temps: un recentrage, à l’initiative du prince héritier Mohammed ben Salmane, de la position de Ryad sur l’échiquier international, notamment vis-à-vis des États-Unis, comme l’ont illustré le récent rapprochement avec la Chine et, surtout, le rôle clé de Pékin dans l’accord irano-saoudien.
Au plan régional, la question est de savoir si cette nouvelle donne aboutira à un retour de la Syrie à la Ligue arabe, à l’occasion du prochain sommet des rois et chefs d’État, malgré la ferme opposition de l’administration Biden à une normalisation accélérée avec le régime Assad.
Reste le volet libanais qui pose problème à plus d’un égard et qui ne pourra pas être clarifié de manière tranchée avant de connaître la véritable teneur des longues négociations menées par Ryad et Téhéran. Au niveau de la présidentielle, d’abord, la donne marquée jusqu’à ce jour par une très forte polarisation pourrait, certes, changer mais reste à savoir dans quel sens. La réponse est tributaire, à n’en point douter, d’une possible redéfinition des zones d’influence, incluant le Liban, entre le royaume wahhabite et le régime des mollahs. Le cours que prendra l’élection présidentielle constituera un baromètre sur ce plan. Mais à plus long terme, l’enjeu restera l’éradication, ou tout au moins la très forte limitation, de l’emprise iranienne sur le Liban. Téhéran continuera-t-il de ne percevoir le pays du Cèdre que sous le seul et unique angle d’une pièce maitresse dans la région; et a fortioti, le Hezbollah maintiendra-t-il sa position doctrinale qui fait de lui un simple pion dans la stratégie expansionniste des pasdarans?
Une question qui en entraine une autre pour le Hezbollah: à la lumière de la grande réconciliation entre son mentor et le royaume sur lequel il déversait publiquement toute son agressivité, pour ne pas dire son venin, le «parti de Dieu» se laissera-t-il convaincre que sa véritable garantie au plan national, et celle de sa communauté, réside dans l’établissement de relations saines, équilibrées et sereines avec ses partenaires libanais, et non pas dans des rapports de force régionaux, par essence éphémères, comme l’a illustré l’accord rendu public vendredi? L’histoire contemporaine, et ancienne, du Liban est riche en leçons, amères, sur ce plan.
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