Les Libanais partagent ensemble la langue arabe, le dialecte libanais appelé aussi le levantin du nord, une échelle de valeurs ainsi qu’une mentalité liée aux spécificités géographiques de leur terre. La mosaïque humaine libanaise composée de 18 confessions, se démarque par sa grande hospitalité, son courage, son goût de l’excellence et son attachement à la liberté. Aujourd’hui, le peuple libanais dans sa grande diversité, évoque-t-il davantage une ethnie aux caractéristiques particulières ou parvient-il à assumer sa vocation de «pays-message» («Lettre du Pape Jean-Paul II»)?
Y-a-t-il vraiment des cloisons entre les différentes confessions ou uniquement des prétextes instrumentalisés dans la politique?
Au Liban les différentes confessions ont développé ensemble un art de vivre et une culture melting-pot qui emprunte des uns et des autres, faisant la beauté unique du Liban et la richesse culturelle de la capitale désignée par le New York Times en 2009, comme première destination touristique.
Les jeunes, dans les universités tout comme dans les lieux de travail et de loisirs, développent ensemble les meilleures relations et l’étroitesse des liens dépend du niveau culturel et social, au détriment des considérations religieuses.
Si la naissance du Christ est considérée par les chrétiens comme celle du Dieu rédempteur, à la différence des musulmans qui n’y voient que la naissance du prophète Issa, il n’en demeure pas moins que les deux confessions célèbrent Noël avec ses rituels. Les familles libanaises, toutes confessions confondues, se rassemblent autour du sapin, des cadeaux et du dîner traditionnel du réveillon, et expriment leur joie sans ambages.
Certains chrétiens retiennent les sourates versifiées du Coran et les utilisent pour étayer leur raisonnement. Ramadan, le mois du jeûne pour les musulmans est aussi le mois du partage pour les uns et les autres. Les chrétiens offrent des iftars à l’instar des musulmans et prennent part à la vie trépidante après le repas du soir. L’un des rituels étant de regarder les superproductions télévisées rassemblant le plus grand lot de stars, conçues spécialement pour animer les soirées des jeûneurs.
De même, La Vierge Marie occupe une place unique dans l’esprit et le cœur des Libanais.es. Elle est Notre-Dame du Liban, la protectrice du peuple libanais. Les deux religions monothéistes lui vouent un culte. Le Coran la mentionne 37 fois dans la sourate qui porte son nom. On trouve à Harissa autant de chrétiens que de musulmans: «Allah t’as élue au-dessus des femmes du monde.» (Sourate 42;43)
Dans ce contexte, il est intéressant d’entendre les réflexions passionnées que cela suscite chez les musulmans: la fête de l’Immaculée conception signifiant que la Vierge a été préservée dès sa naissance du péché originel, a été proclamée en 1854, alors que le Coran s’est placé dans cette perspective il y a 1450 ans: «Je l’ai nommée Marie et je la place ainsi que sa descendance sous Ta protection, contre le diable, le banni.» (Sourate Al-Imrane – 36). Dans la même perspective, les pèlerins rassemblés dans l’ermitage et le couvent de Annaya, arrivent des quatre coins du pays. Sunnites, chiites, druzes et chrétiens s’adressent en tant que Libanais.es au Saint miraculeux du Liban et racontent plus tard leurs vœux exaucés, souvent miraculeusement.
De même, les chrétiens et les musulmans libanais éparpillés sur les sept continents sont intimement liés par les liens de l’amitié, du voisinage ou de la camaraderie. En général, un chrétien libanais se sent plus proche d’un musulman libanais que d’un Occidental. De même, un musulman libanais se sent plus proche d’un chrétien libanais que d’un Arabe. Néanmoins, le mariage interreligieux entre Libanais reste peu fréquent au Liban ou à l’étranger, alors qu’il est répandu dans le cercle des stars et des figures politiques libanaises.
Statut personnel et politique: l’exemple du naufrage
Le Liban se caractérise par la cohabitation d’un ordre juridique national et des ordres juridiques communautaires selon l’appartenance religieuse. De même, il est passé dans différentes périodes où la domination d’une communauté politique sur les autres se répercutait sur l’ensemble du pays. Pendant l’édification du Grand-Liban, certains maronites attachés à la France préféraient le mandat français à l’indépendance du jeune État libanais, qu’ils jugeaient hâtive, bien que l’instauration du Grand-Liban soit essentiellement l’œuvre des maronites. À cette époque, les musulmans sunnites attachés à leur confession caressaient le rêve d’appartenir à la Grande Syrie ou à la nation arabe. L’ère des balbutiements évoluera. Les chrétiens et les musulmans vont se solidariser, réclamer et obtenir l’indépendance en 1943. Ils aboutiront à une entente nationale et fonderont le pacte de coexistence islamo-chrétien.
L’inconvénient majeur du pacte national ou du consensus communautaire sera de consacrer l’équilibre sur des bases confessionnelles. Ainsi, le statut personnel sera toujours dépendant des communautés religieuses, d’où les tribunaux religieux pour juger les ressortissants d’une même confession, même si l’article 9 de la Constitution libanaise comporte une garantie de respect du statut personnel «des communautés non religieuses ou n’appartenant à aucune religion», ce qui insinue la possibilité du mariage civil au Liban.
Avec l’éclatement de la guerre en 1975, les dissensions se creusent et s’approfondissent. Les chrétiens défendront la souveraineté du Liban, patrie à laquelle ils y croient fermement, les musulmans défendront les organisations palestiniennes par un réflexe d’identification au peuple sunnite chassé de son territoire. Après l’accord maudit du Caire, la neutralité du Liban sera bafouée, (bien que la neutralité du Liban soit évoquée dans la Constitution).
Le territoire libanais deviendra une terre d’affrontement, un champ de guerre pour les Palestiniens armés, décidés à immoler le pays d’accueil pour défendre leur pays d’origine. Durant cette période, les divisions s’exacerbent, réduisant nos trente glorieuses à une époque révolue, quand musulmans et chrétiens avaient construit ensemble la Suisse de l’Orient, le point d’intersection des deux mondes occidental et oriental, le paradis fiscal, les services qui garantissaient l’afflux des touristes, l’effervescence économique et la prospérité.
Les guerres des uns et des autres
Durant les années de guerre, «celle des autres» sur le territoire libanais puis la guerre fratricide, certaines communautés religieuses se scindent à l’intérieur d’une même confession pour donner naissance à des forces et des partis politiques divergents. L’accord de Taëf met fin aux carnages, mais renforce le partage des pouvoirs entre les confessions. La parité parlementaire confessionnelle est également instaurée. Cependant, le souci de l’équilibre clanique va donner naissance à des leaders prédateurs et voraces, prêts à tout pour régner. Le clientélisme et la corruption développés sous l’occupation syrienne vont mener à la sacralisation des chefs claniques confessionnels, les fossoyeurs de Beyrouth.
La paix et la prospérité de 1990 à 2005 feront de cette période appelée le «sunnisme politique» celle où les sunnites s’identifient d’abord au Liban. Cela s’exacerbe avec les assassinats des héros de la révolution du cèdre.
Commence alors la période du «chiisme politique», avec la domination du Hezbollah, après la signature de l’accord de Mar Mikhaël en 2006, qui redore le blason du parti chiite affidé à l’Iran. Les frontières traditionnelles entre musulmans et chrétiens sont de nouveau brouillées (camp mixte du 8 Mars à l’instar du 14 Mars). Forte de la couverture chrétienne de Michel Aoun et de son bloc parlementaire, cette alliance contribue largement au déclin tragique du Liban, à l’effondrement abyssal de la livre libanaise, à la démolition des institutions qui ont fait toujours la gloire du Liban, à savoir les secteurs hospitalier, éducatif et bancaire.
Le peuple libanais et ses épargnes sont pris en otage. Les contestataires qui manifestent pour la souveraineté et contre la corruption deviennent invalides à vie, privés d’un œil ou d’un membre, par les balles des forces «d’insécurité» au service des politicards mafieux.
Si le chiisme politique filant le parfait amour avec un certain christianisme politique a détruit Beyrouth et ses institutions, cela n’exclut pas le fait que ses opposants les plus farouches sont des figures intellectuelles chiites – et des meilleures –, comme Mona Fayad, Lokman Slim, Dima Sadek, Issal Saleh, Nadim Koteich, Ali el-Amin, et j’en passe. Sans oublier les jeunes de tous bords, qui ont constitué le fer de lance de la révolution du 17 octobre, réclamant la citoyenneté et la souveraineté.
Est-il également besoin de rappeler que les dissidents du Courant patriotique libre, devenus témoins impuissants de cette décadence, augmentent à vue d’œil et épousent la cause souverainiste?
Le Liban, navire balloté et menacé de naufrage, sera-t-il englouti par les tempêtes iraniennes ou saura-t-il se frayer un passage, résister et retrouver son message?
Y-a-t-il vraiment des cloisons entre les différentes confessions ou uniquement des prétextes instrumentalisés dans la politique?
Au Liban les différentes confessions ont développé ensemble un art de vivre et une culture melting-pot qui emprunte des uns et des autres, faisant la beauté unique du Liban et la richesse culturelle de la capitale désignée par le New York Times en 2009, comme première destination touristique.
Les jeunes, dans les universités tout comme dans les lieux de travail et de loisirs, développent ensemble les meilleures relations et l’étroitesse des liens dépend du niveau culturel et social, au détriment des considérations religieuses.
Si la naissance du Christ est considérée par les chrétiens comme celle du Dieu rédempteur, à la différence des musulmans qui n’y voient que la naissance du prophète Issa, il n’en demeure pas moins que les deux confessions célèbrent Noël avec ses rituels. Les familles libanaises, toutes confessions confondues, se rassemblent autour du sapin, des cadeaux et du dîner traditionnel du réveillon, et expriment leur joie sans ambages.
Certains chrétiens retiennent les sourates versifiées du Coran et les utilisent pour étayer leur raisonnement. Ramadan, le mois du jeûne pour les musulmans est aussi le mois du partage pour les uns et les autres. Les chrétiens offrent des iftars à l’instar des musulmans et prennent part à la vie trépidante après le repas du soir. L’un des rituels étant de regarder les superproductions télévisées rassemblant le plus grand lot de stars, conçues spécialement pour animer les soirées des jeûneurs.
De même, La Vierge Marie occupe une place unique dans l’esprit et le cœur des Libanais.es. Elle est Notre-Dame du Liban, la protectrice du peuple libanais. Les deux religions monothéistes lui vouent un culte. Le Coran la mentionne 37 fois dans la sourate qui porte son nom. On trouve à Harissa autant de chrétiens que de musulmans: «Allah t’as élue au-dessus des femmes du monde.» (Sourate 42;43)
Dans ce contexte, il est intéressant d’entendre les réflexions passionnées que cela suscite chez les musulmans: la fête de l’Immaculée conception signifiant que la Vierge a été préservée dès sa naissance du péché originel, a été proclamée en 1854, alors que le Coran s’est placé dans cette perspective il y a 1450 ans: «Je l’ai nommée Marie et je la place ainsi que sa descendance sous Ta protection, contre le diable, le banni.» (Sourate Al-Imrane – 36). Dans la même perspective, les pèlerins rassemblés dans l’ermitage et le couvent de Annaya, arrivent des quatre coins du pays. Sunnites, chiites, druzes et chrétiens s’adressent en tant que Libanais.es au Saint miraculeux du Liban et racontent plus tard leurs vœux exaucés, souvent miraculeusement.
De même, les chrétiens et les musulmans libanais éparpillés sur les sept continents sont intimement liés par les liens de l’amitié, du voisinage ou de la camaraderie. En général, un chrétien libanais se sent plus proche d’un musulman libanais que d’un Occidental. De même, un musulman libanais se sent plus proche d’un chrétien libanais que d’un Arabe. Néanmoins, le mariage interreligieux entre Libanais reste peu fréquent au Liban ou à l’étranger, alors qu’il est répandu dans le cercle des stars et des figures politiques libanaises.
Statut personnel et politique: l’exemple du naufrage
Le Liban se caractérise par la cohabitation d’un ordre juridique national et des ordres juridiques communautaires selon l’appartenance religieuse. De même, il est passé dans différentes périodes où la domination d’une communauté politique sur les autres se répercutait sur l’ensemble du pays. Pendant l’édification du Grand-Liban, certains maronites attachés à la France préféraient le mandat français à l’indépendance du jeune État libanais, qu’ils jugeaient hâtive, bien que l’instauration du Grand-Liban soit essentiellement l’œuvre des maronites. À cette époque, les musulmans sunnites attachés à leur confession caressaient le rêve d’appartenir à la Grande Syrie ou à la nation arabe. L’ère des balbutiements évoluera. Les chrétiens et les musulmans vont se solidariser, réclamer et obtenir l’indépendance en 1943. Ils aboutiront à une entente nationale et fonderont le pacte de coexistence islamo-chrétien.
L’inconvénient majeur du pacte national ou du consensus communautaire sera de consacrer l’équilibre sur des bases confessionnelles. Ainsi, le statut personnel sera toujours dépendant des communautés religieuses, d’où les tribunaux religieux pour juger les ressortissants d’une même confession, même si l’article 9 de la Constitution libanaise comporte une garantie de respect du statut personnel «des communautés non religieuses ou n’appartenant à aucune religion», ce qui insinue la possibilité du mariage civil au Liban.
Avec l’éclatement de la guerre en 1975, les dissensions se creusent et s’approfondissent. Les chrétiens défendront la souveraineté du Liban, patrie à laquelle ils y croient fermement, les musulmans défendront les organisations palestiniennes par un réflexe d’identification au peuple sunnite chassé de son territoire. Après l’accord maudit du Caire, la neutralité du Liban sera bafouée, (bien que la neutralité du Liban soit évoquée dans la Constitution).
Le territoire libanais deviendra une terre d’affrontement, un champ de guerre pour les Palestiniens armés, décidés à immoler le pays d’accueil pour défendre leur pays d’origine. Durant cette période, les divisions s’exacerbent, réduisant nos trente glorieuses à une époque révolue, quand musulmans et chrétiens avaient construit ensemble la Suisse de l’Orient, le point d’intersection des deux mondes occidental et oriental, le paradis fiscal, les services qui garantissaient l’afflux des touristes, l’effervescence économique et la prospérité.
Les guerres des uns et des autres
Durant les années de guerre, «celle des autres» sur le territoire libanais puis la guerre fratricide, certaines communautés religieuses se scindent à l’intérieur d’une même confession pour donner naissance à des forces et des partis politiques divergents. L’accord de Taëf met fin aux carnages, mais renforce le partage des pouvoirs entre les confessions. La parité parlementaire confessionnelle est également instaurée. Cependant, le souci de l’équilibre clanique va donner naissance à des leaders prédateurs et voraces, prêts à tout pour régner. Le clientélisme et la corruption développés sous l’occupation syrienne vont mener à la sacralisation des chefs claniques confessionnels, les fossoyeurs de Beyrouth.
La paix et la prospérité de 1990 à 2005 feront de cette période appelée le «sunnisme politique» celle où les sunnites s’identifient d’abord au Liban. Cela s’exacerbe avec les assassinats des héros de la révolution du cèdre.
Commence alors la période du «chiisme politique», avec la domination du Hezbollah, après la signature de l’accord de Mar Mikhaël en 2006, qui redore le blason du parti chiite affidé à l’Iran. Les frontières traditionnelles entre musulmans et chrétiens sont de nouveau brouillées (camp mixte du 8 Mars à l’instar du 14 Mars). Forte de la couverture chrétienne de Michel Aoun et de son bloc parlementaire, cette alliance contribue largement au déclin tragique du Liban, à l’effondrement abyssal de la livre libanaise, à la démolition des institutions qui ont fait toujours la gloire du Liban, à savoir les secteurs hospitalier, éducatif et bancaire.
Le peuple libanais et ses épargnes sont pris en otage. Les contestataires qui manifestent pour la souveraineté et contre la corruption deviennent invalides à vie, privés d’un œil ou d’un membre, par les balles des forces «d’insécurité» au service des politicards mafieux.
Si le chiisme politique filant le parfait amour avec un certain christianisme politique a détruit Beyrouth et ses institutions, cela n’exclut pas le fait que ses opposants les plus farouches sont des figures intellectuelles chiites – et des meilleures –, comme Mona Fayad, Lokman Slim, Dima Sadek, Issal Saleh, Nadim Koteich, Ali el-Amin, et j’en passe. Sans oublier les jeunes de tous bords, qui ont constitué le fer de lance de la révolution du 17 octobre, réclamant la citoyenneté et la souveraineté.
Est-il également besoin de rappeler que les dissidents du Courant patriotique libre, devenus témoins impuissants de cette décadence, augmentent à vue d’œil et épousent la cause souverainiste?
Le Liban, navire balloté et menacé de naufrage, sera-t-il englouti par les tempêtes iraniennes ou saura-t-il se frayer un passage, résister et retrouver son message?
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