La polémique s’est donc envenimée au début de cette semaine entre le secteur bancaire d’un côté, et le vice-Premier ministre et auteur du ‘plan de sauvetage’, Saadé Chami, de l’autre. D’autant qu’une partie des députés, de la société civile et des milieux professionnels, dont d’abord les ordres des professions libérales, se sont engouffrés dans cette polémique, jetant l’anathème sur le secteur bancaire. Des réactions épidermiques avant tout…

L’idée principale ici n’est pas de déterminer la hiérarchie  des responsabilités dans la crise financière (c’est un autre sujet), mais de voir si les banques peuvent assumer les pertes, telles qu’elles ont été réparties par le fameux plan.

Selon ce plan, les banques vont perdre près de 60 milliards de dollars de leurs dépôts à la Banque centrale (BDL), puis l’ensemble de leurs fonds propres (près de 16 milliards de dollars), puis une bonne partie des eurobons qu’elles détiennent encore (environ 5 milliards de dollars), puis une partie des crédits privés pour défaut de paiement. Entre-temps, elles sont déjà en train de perdre de leurs actifs suite aux différentes circulaires de la BDL (151, 158…). Ensuite, elles encaissent des pertes suite au remboursement par les débiteurs de leurs dettes, qui se fait soit en lollars, soit en LL (pour les particuliers), donc sans effet positif sur le bilan. À l’inverse, aucune source de profit significatif ne permet de compenser actuellement ces pertes. ‘’Bien fait pour eux,’’ serait la réaction d’une opinion publique mal informée. Sauf que casquer l’ardoise est devenu une impossibilité absolue.

Car, compte tenu des dégâts subis naturellement ou qu’on veut leur faire subir selon la liste ci-dessus, les banques n’en auront jamais les moyens, ni maintenant, ni dans un futur prévisible. Ce n’est pas une question de volonté mais de capacité. Vous pouvez utiliser la meilleure essoreuse, un aspirateur ultra-performant, ou le presse-agrumes dernier cri de Moulinex, vous n’en tirerez pas grand-chose.

Donc tout ordre de remboursement coercitif sera fait à partir des dépôts (des clients), déjà bien entamés. Même en voulant à la limite totalement liquider les banques et vendre tous leurs biens, ce qui est en soi-même aberrant, le jus ne couvrirait pas plus de 25% du déficit du système. Idem si l’on se met à confisquer les biens personnels des actionnaires, ce qui d’ailleurs n’est pas possible, sauf si on peut prouver une faillite frauduleuse ; un scénario très peu probable.

Entre parenthèses – on ne devrait pas diffuser cette idée –, la solution la plus profitable pour les banquiers est en fait de déclarer justement la faillite de leurs établissements. Ils sont déjà riches et ils se débarrasseraient ainsi de tout souci. S’ils ne le font pas, c’est probablement par attachement à ce patrimoine qu’ils ont construit sur plusieurs générations, si l’on veut considérer hypothétiquement que le patriotisme ne fait pas partie de leurs motivations.

Comment donc on en est arrivé, dans les cercles du pouvoir, à proposer de telles solutions extrêmes, sous l’appellation de Plan de sauvetage ? Ce n’est un secret pour personne, mais encore faut-il le rappeler : les autorités agissent le plus souvent conformément à un agenda politique, ou populiste, plutôt que sur base d’une approche rationnelle. On le voit, par exemple, dans la polémique actuelle sur le plan de l’électricité avec Walid Fayad. Dans le domaine financier, Saadé Chami a beau être un ancien cadre supérieur du FMI, il peut très bien être mu par son positionnement politique. Son affiliation au PSNS (Parti syrien national social) le rend perméable aux visées néfastes du Hezbollah et du régime syrien dans ce domaine. C’est tout dire.