Quelles sont les chances que la nouvelle dynamique politique qui se met en place pour favoriser la naissance d’un nouveau gouvernement et l’élection d’un nouveau chef de l’État avant le 31 octobre prochain, aboutisse ? Nul ne peut apporter dans l’immédiat un élément de réponse à cette question, tellement les démarches politiques et diplomatiques liées aux préparatifs de ces deux échéances cruciales pour un pays en crise, s’assimilent à une course dans un terrain miné.

Pour l’heure, des ingrédients d’un déblocage sont en place : le Hezbollah qui presse pour la formation d’un gouvernement par le biais d’un remaniement de l’équipe actuelle qui serait ainsi renflouée, et qui prône l’entente autour d’un successeur au président Michel Aoun, la machine diplomatique internationale qui se met en marche pour défricher le terrain devant l’élection d’un nouveau chef de l’État, l’intensification de la coordination entre les forces représentées au Parlement dans la perspective de la présidentielle….

A New York, les entretiens franco-saoudo-américains sur le Liban (annoncés dimanche par la secrétaire d’État adjointe aux affaires du Proche-Orient Barbara Leaf) qui se dérouleront en marge de la 77e assemblée générale de l’Onu, pourraient être déterminants pour l’évolution du dossier de la présidentielle, au cœur d’une dynamique saoudienne au plan local.

L’ambassadeur d’Arabie saoudite, Walid Boukhari, a poursuivi mardi sa tournée auprès des personnalités politiques avec qui Riyad partage les mêmes vues au sujet du profil politique et de la mission du nouveau chef de l’Etat. Après un entretien lundi avec le leader druze Walid Joumblatt à Clémenceau, le diplomate a tenu mardi une réunion de deux heures avec le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, en présence du député Melhem Riachi. M. Geagea devait résumer en quelques mots ce que le royaume wahhabite souhaite pour le Liban : " un gouvernement et un président dignes de confiance ". Le nouveau chef de l’État ne devrait pas, selon lui, " baigner dans des affaires de corruption ou être favorable au non-État au détriment de l’État " dans une allusion claire au président actuel Michel Aoun et à son alliance avec le Hezbollah. Un souhait qui reflète incontestablement les vœux d’un grand nombre de Libanais.

M. Boukhari doit poursuivre dans les prochains jours sa tournée auprès des forces souverainistes représentées au Parlement. Celle-ci est supposée s’achever avant la réunion sunnite élargie à Dar el-Fatwa où le mufti Abdel Latif Deriane a convoqué pour samedi les députés de la communauté. Au menu de ces discussions, la présidentielle bien entendu, mais aussi le retour sunnite en force sur la scène politique locale, après la période de flottement qui a suivi l’annonce par le chef du Courant du futur, Saad Hariri, de son désengagement politique et de la suspension de toute activité de son parti, en janvier dernier. Pour Dar el-Fatwa, les deux échéances qui permettront au Liban de tourner une page des plus pénibles de son histoire politique, représentent l’occasion de réaffirmer une série de constantes nationales, comme l’attachement à Taëf et aux dispositions de la Constitution, ou encore la consolidation de l’État, malmené par la montée en puissance du Hezbollah. Ces éléments devraient figurer dans le communiqué en voie d’élaboration actuellement.

Dar el-Fatwa souhaite aussi à travers son initiative établir une feuille de route qui servira de base pour l’action politique de ses représentants. La réunion de samedi sera suivie d’un déjeuner en la résidence de Walid Boukhari, qui a invité chez lui les députés sunnites, mais aussi l’ambassadeur d’Egypte, Yasser Alaoui.

Dans ce contexte, il serait utile de rappeler que mercredi dernier, M. Boukhari était présent à la 40e commémoration de l’assassinat du président élu Bachir Gemayel. Sa participation à la cérémonie organisée Place Sassine, à Achrafieh, n’était pas passée inaperçue. Le diplomate saoudien avait envoyé à travers sa présence, un message fort en direction du camp du 8 Mars: le royaume wahhabite soutient ouvertement et publiquement les opposants à l’axe syro-iranien.

Début septembre, une délégation saoudienne de premier rang avait rencontré à Paris de hauts fonctionnaires français en charge des dossiers libanais et moyen-orientaux. La délégation saoudienne avait réaffirmé, sans ambiguïté, sa position au sujet de l’aide financière envisagée par le FMI au Liban. Pour Riyad, représentant l’ensemble des pays du Golfe, il n’est pas question de débourser un centime en faveur du pays tant que l’axe iranien continue de le diriger.