Les événements qui secouent l’Iran depuis près de trois mois ont eu des répercussions dans les zones d’influence externes du régime iranien, notamment au Liban. Qui dit influence iranienne au Liban dit systématiquement le Hezbollah, lequel représente la branche armée la plus importante de l’Iran depuis la révolution de l’imam Khomeini en 1979.

Selon des informations relayées dans des milieux médiatiques proches du Hezbollah, la formation pro-iranienne suit avec inquiétude la situation en Iran, notamment depuis que les manifestations contre le régime des mollahs ont pris de l’ampleur, faisant des centaines de morts dans les rangs des civils iraniens. Ces derniers sont entrés de plain-pied dans le soulèvement initié par les femmes iraniennes après la mort de la jeune Mahsa Amini, 22 ans, dans un centre de détention de la police des mœurs qui lui reprochait d’avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique, en place depuis des décennies.

L’inquiétude du Hezbollah par rapport aux derniers événements en Iran s’est notamment reflétée dans les positions du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, et de son adjoint, cheikh Naïm Kassem. C’était il y a quelques semaines. Depuis, les dirigeants hezbollahis n’ont plus évoqué les émeutes qui se poursuivent dans la République islamique.

Ce mutisme est cependant intervenu, selon les mêmes sources, alors que des agents du Hezbollah libanais ont commencé à prendre le chemin de Téhéran. Ces derniers auraient été dépêchés en Iran pour seconder les Basij – branche des Gardiens de la révolution islamique – après l’échec de la police des mœurs iranienne à contrecarrer les manifestations qui se sont étendues à presque toutes les régions iraniennes. Un scénario qui rappelle, par certains de ses aspects, l’engagement militaire du Hezbollah en Syrie, en 2011. La formation pro-iranienne avait envoyé ses combattants dans le pays voisin afin de soutenir les forces du régime de Bachar el-Assad qui perdait du terrain face aux rebelles syriens.

Le recours du régime iranien à des éléments entraînés du Hezbollah – qui n’est autre qu’une branche affiliée à la brigade Al-Qods, une unité d’élite du Corps des Gardiens de la révolution islamique, organe chargé de la sécurité du régime à l’intérieur et à l’extérieur du pays – s’explique par le fait que ces derniers, contrairement aux agents du régime, ne sont pas influencés par des facteurs émotionnels, dit-on de mêmes sources. Et, de rappeler à cette occasion l’intervention du Hezbollah, à la demande du régime iranien dans les guerres en Syrie et au Yémen ainsi que dans les événements en Iraq.

Cela dit, la contribution du Hezbollah au maintien de l’ordre a été entourée d’une discrétion absolue afin d’éviter que l’Iran ne soit accusé d’avoir eu recours à des éléments étrangers pour étouffer les protestations locales – au cas où la participation du Hezbollah se dévoilerait au grand jour. D’autant plus que ces protestations initiées par les femmes de la République islamique sont les plus dangereuses depuis la victoire de la révolution de Khomeini depuis quarante-trois ans.

Cette discrétion est nettement reflétée dans les médias proches du Hezbollah. En les suivant, il devient clair que le parti fait preuve de prudence et tente de s’écarter des accusations qu’il avait émises auparavant, selon lesquelles la nouvelle révolution iranienne, dont le moteur reste la femme iranienne, serait l’œuvre de pays étrangers, en particulier les États-Unis, Israël ainsi que certains pays européens, en plus de l’Arabie saoudite.

Parmi les articles récents de journalistes proches du parti, celui de Mohammed Khawajoui paru dans le quotidien libanais Al-Akhbar intitulé "Iran: La suspension des activités du ‘Irshad’ (la police des mœurs iranienne) alimente la polémique; en attendant ‘les décisions relatives au hijab’". Ce dernier écrit: "L’Iran ne se dirige pas vers un nouveau pacte fondateur, mais les événements successifs, à commencer par l’évocation de la création d’une commission chargée de discuter l’introduction d’amendements à la Constitution, en passant par la dernière décision de dissoudre la police des mœurs – qui est à l’origine de ce mouvement de protestation –, sont le signe d’un besoin urgent de réformes. Alors que l’abolition de la police des mœurs – dont la performance a suscité de nombreuses critiques ces dernières années – ouvre la voie à l’abrogation de la loi sur le port du voile obligatoire, d’aucuns estiment que cette décision est arrivée trop tard."

Assaad Abou Khalil, chroniqueur du même quotidien, a écrit le mardi 6 décembre: "Si les nouvelles sont vraies, il faudrait que le régime iranien abolisse la police des mœurs, et que s’ensuive l’abrogation de la loi qui impose le port du voile aux femmes. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1893 que le port du voile obligatoire a fait l’objet d’une loi en Iran. Mais ce pays se trouve dans une situation inconfortable depuis que Mohammed ben Salmane a mis en œuvre une série de réformes visant à améliorer le statut social des femmes saoudiennes […]."

Tous ces développements semblent ouvrir la voie à d’autres. Quoi qu’il en soit, le silence de Hassan Nasrallah reste éloquent, puisque ce qui se passe en Iran ne ressemble en rien à ce qui s’est passé et se passe toujours dans certains pays du Moyen-Orient, dans la mesure où c’est le cœur de l’Iran qui est touché. Les femmes restent engagées dans une confrontation directe avec le régime, les cheveux coupés court et les têtes dévoilées.