"J’espère que cette journée sera une lueur d’espoir pour normaliser les relations entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. J’ai toujours souligné l’importance de ces relations et la nécessité de les normaliser et de les développer afin de préserver la sécurité, l’indépendance, la souveraineté, la spécificité et les intérêts communs de chaque État. J’espère que les efforts pour rapprocher les composantes islamo-chrétiennes de la nation seront menés à bien", avait déclaré le président de la Chambre Nabih Berry, lors de la cérémonie d’inauguration de l’ambassade d’Iran à Jnah, le 7 février, soit deux mois avant la signature de l’accord irano-saoudien à Pékin le 10 mars.

Lors de la réunion avec les Ordres de la Presse et des rédacteurs, et en réponse à la question de savoir s’il avait eu vent de l’accord, compte tenu de sa position lors de l’inauguration de l’ambassade iranienne qui pouvait laisser penser qu’il l’était, M. Berry a répondu: "Non, mais selon mon analyse et ma lecture de la situation, j’ai pensé qu’un rapprochement entre les deux parties était nécessaire".

Il s’est avéré que le président de la Chambre avait su anticiper l’événement, alors que le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah avait déclaré que "tous ceux qui attendent un règlement irano-saoudien devront attendre longtemps". Néanmoins, après l’annonce de l’accord, Hassan Nasrallah a déclaré: "Nous sommes absolument convaincus qu’un tel accord ne se fera pas à nos dépens, ni aux dépens de la résistance".

En tout état de cause, il est important de souligner dans ce cadre une série de données…

D’abord, le tandem chiite qui a fait une lecture pertinente des développements, suit de près les événements et craint qu’un éventuel changement des rapports de force soit en sa défaveur et en défaveur de l’axe régional obstructionniste.

Ensuite, en prévision de l’évolution de la situation, M. Berry avait pris l’initiative d’annoncer la candidature de Sleiman Frangié bien avant que ce dernier n’ait pris position à cet égard. Le président de la Chambre a toujours considéré M. Frangié comme un candidat potentiel. Hassan Nasrallah avait insisté, lors de l’annonce de cette candidature, qu’il soutenait "le candidat de Berry", en précisant que M. Frangié "n’est pas le candidat de la résistance".

De plus, le Hezbollah, inquiet de l’évolution de la situation, a souligné que la candidature de M. Frangié est définitive et qu’il ne s’agit pas d’une manœuvre. Il s’est adressé à l’autre partie en disant : "Nous avons notre candidat, présentez le vôtre et discutons".

Refus de toute compromission

Le tandem chiite, surtout le Hezbollah, tente d’anticiper les événements à travers des positions politiques qu’il considère comme des constantes, des faits accomplis et des acquis auxquels il ne peut pas renoncer. Ces positions constituent la base qui lui permettra de négocier.

En revanche, les forces souverainistes, échaudées par le compromis de 2016, refusent tout règlement ou compromission, campent sur leur position et s’accrochent à leur candidat souverainiste. Elles appellent à appliquer la Constitution et à se rendre au Parlement pour une séance électorale qui durerait le temps nécessaire jusqu’à l’élection d’un président de la République.

Par ailleurs, la réunion des cinq à Paris (France, États-Unis, Arabie saoudite, Égypte et Qatar), soutient les spécificités avancées par les forces souverainistes quant au profil du président de la République. Elle s’oppose à un candidat du 8 Mars et du Hezbollah, ce qui contredit ainsi les informations véhiculées par des sources proches du 8 Mars, faisant état d’un tandem Sleiman Frangié à la présidence de la République et Nawaf Salam à la présidence du Conseil. Ces informations ont été démenties par l’ambassadrice de France au Liban et par M. Salam lui-même qui affirme avoir "eu connaissance de cette proposition dans la presse".

Le Hezbollah en crise

Reste à souligner que le tandem chiite est en crise, plus particulièrement le Hezbollah. C’est bien l’axe obstructionniste, et non l’opposition, qui n’a pas assuré le quorum lors des onze séances électorales pour l’élection du président. Cependant, avec l’annonce du soutien par le tandem chiite de la candidature de M. Frangié, l’opposition a décidé de ne pas assurer le quorum, afin de barrer la voie au candidat de l’axe obstructionniste.

Selon les milieux diplomatiques bien informés, la recherche d’une issue au problème de la présidentielle devrait s’accélérer après l’accord irano-saoudien. De fait, pour faciliter l’élection du président de la République, les parties locales et étrangères influentes refusent un président de défi ou un président partisan. Le prochain chef de l’État sera ainsi un président souverainiste, "un sauveur de la nation", et non pas un gestionnaire de crise.

 

Concrètement, les milieux qui suivent le dossier de près affirment dans ce contexte que le choix se portera vraisemblablement sur une personnalité ayant à son actif un parcours soit économique soit militaire. L’état de déliquescence avancée dans lequel se trouve le pays nécessite en effet l’accession à la Magistrature suprême d’une personnalité d’exception capable de placer le Liban sur la voie du redressement.