La teneur des propos tenus par le chef du Courant patriotique libre (CPL) le député Gebran Bassil lors de son intervention télévisée dimanche à midi (Bassil fait feu de tout bois à l’approche des législatives) a suscité de vives réactions, souvent acerbes, dans les milieux de l’opposition souverainiste.

Interrogé par Ici Beyrouth sur les propos de M. Bassil qui a accusé les Forces libanaises (FL) et Samir Geagea d’être " l’instrument des forces extérieures, notamment d’Israël, pour déstabiliser le pays ", Eddy Abillamaa, député FL du Metn, a déclaré : " Nous n’accordons aucune importance à ce genre de propos. Il est clair que leur but est de diaboliser au maximum les FL et Samir Geagea avant les élections législatives afin d’endiguer l’augmentation de la popularité des FL et de juguler la crédibilité croissante qu’elles ont acquise dans différents milieux politiques du fait de leur position ferme à l’égard de la ligne de conduite anti souverainiste du Hezbollah. Il faut en tout cas s’attendre à l’approche des élections à une telle diabolisation intensive de la part du Hezbollah et d’autres factions locales ".

Le candidat FL à Batroun, le journaliste Ghayyath Yazbeck, a également affirmé dans un communiqué de presse que " la rhétorique du CPL, qui déforme les faits, est devenue l’ennemi numéro un du phénomène aouniste ". M. Yazbeck s’est d’autre part indigné du fait que Gebran Bassil s’est rangé du côté du Hezbollah plutôt que du côté des FL dans l’affaire de Tayyouné, l’accusant d’avoir toujours été " là où un siège de député ou de ministre ou de président lui serait garanti ".

Pour l’avocat Majd Harb, Gebran Bassil a passé une heure " à prendre les gens pour des imbéciles ". " Il ne peut se permettre de parler de blocage institutionnel tandis que lui et son parti ont bloqué les institutions durant une période qui, cumulée, équivaut à 9 ans. Il ne peut se permettre de parler des erreurs du Hezbollah alors que cela fait 16 ans que les deux partis sont alliés et que le CPL assure une couverture au Hezbollah, lequel a déclenché une guerre, envahi Beyrouth et déployé les chemises noires dans la ville. Il ne peut se permettre de s’attaquer à Riad Salamé tandis que ce dernier lui finançait ses opérations financières et sa corruption. C’est un discours électoral qui prend les gens pour des imbéciles et aujourd’hui, ça ne peut plus passer. "

Contacté par Ici Beyrouth, un cadre dissident du CPL, qui a requis l’anonymat, souligne que ce discours " est un éventail de contradictions qui reflète une crise profonde au sein du parti, notamment à la veille des élections législatives. Cet ancien responsable affirme que Gebran Bassil n’a plus de chance de remporter un siège dans la circonscription Nord III (Batroun-Koura-Zghorta-Bécharré) après l’inscription en masse des Libanais de la diaspora sur les registres électoraux pour voter au prochain scrutin. Le fait de déclarer qu’il " préférait préserver l’honnêteté et la dignité du parti, plutôt que de remporter les élections " n’est qu’une façon d’avouer et de justifier son échec au bout de six ans de mandat Aoun, note ce cadre.

Du côté du mouvement Amal, le député Ali Khreiss a indirectement répondu au chef du CPL, affirmant lors d’une commémoration partisane à Bayssarieh (Zahrani, Liban-Sud) que " la rhétorique raciste ne construit pas une nation et ne produit pas de solutions aux crises du Liban, lequel est soumis à un blocus financier et économique pour qu’il renonce à sa dignité, son pouvoir et sa résistance aux agressions israéliennes ".

La chaîne de télévision NBN appartenant au président de la Chambre Nabih Berry a débuté son bulletin d’information par une attaque au vitriol contre le " génie Bassil ". " Il n’a été sincère que lorsqu’il a dit qu’il ne comprenait rien à rien ", a indiqué la NBN. Le seul exploit du mandat fort a été de ramener le Liban à l’âge de pierre ", a souligné la chaîne dans l’ouverture de son bulletin. " Il serait déjà bon de le qualifier d’homme de l’année, même si l’année n’est encore qu’à ses débuts. Il est trop fort dans sa capacité à conduire son parti d’échec en échec, si bien qu’il convient désormais d’appeler son parti, le Courant de la chute libre ", ajoute la NBN.

Par ailleurs, plusieurs personnalités et activistes politiques ont réagi sur les réseaux sociaux à l’intervention de M. Bassil. Ici Beyrouth a sélectionné certaines de ces réactions.

Farès Souhaid, ancien député de Jbeil, ancien coordinateur général des forces du 14 Mars et porte-parole actuel du Rassemblement de Saydet el-Jabal sur Twitter:
" Je n’ai jamais entendu un récit chrétien dysfonctionnel comme celui du ministre Bassil. Il défend un fédéralisme économique oriental même s’il est gouverné par l’Iran mais refuse un fédéralisme libanais. Il est avec un pouvoir alaouite à Damas mais refuse une hégémonie chiite au Liban. Il était pour le sauvetage des chiites, aujourd’hui il veut le sauvetage des sunnites et une conférence des chrétiens d’Orient. Nous étions les premiers à détecter ce dysfonctionnement. "

Naufal Daou, coordinateur du Rassemblement pour la souveraineté, sur Twitter :
" L’insistance de Gebran Bassil à isoler le Liban du nouveau système arabe impliqué dans la mondialisation, au profit du système iranien isolé, est un crime contre le Liban et un suicide chrétien, précisément, parce qu’il place le Liban contre les Arabes et le monde et brise la relation des chrétiens libanais résidant avec les chrétiens expatriés. "

Imad Wakim, député FL de Beyrouth sur Twitter :
" Il n’a évidemment pas oublié de parler des prérogatives du président [de la République] et des droits des chrétiens. Tout le monde est fautif sauf le Courant patriotique libre. Il a juste oublié que les gens savent qu’il appartient à la descendance de  Pinocchio, qu’ils ne l’écoutent plus et qu’ils jugent désormais qu’il va proférer des mensonges avant même d’ouvrir la bouche ! Il est temps que tu le saches !! "

Misbah Ahdab, ancien député et président du Rassemblement de la Modération civile, sur Twitter :
" De quel dialogue parle Gebran Bassil ? Aucun Libanais n’oublie l’image de votre dialogue qui a sucé le sang du peuple, son économie et sa souveraineté… et nous sommes arrivés là.
Le dialogue doit se faire entre les Libanais et le Hezbollah, sans vous.
Vous l’avez érigé [le Hezbollah] en porte-parole, décideur et exécuteur en votre nom. Cent conférences de presse ne pourront éliminer cette salissure " .
" Le temps de la reddition des comptes est arrivé, et les fuites en avant ne passeront plus ".