Par Ahmad Parhizi/AFP

L’Iran a adopté une position de prudence en prônant mardi la diplomatie après l’attaque meurtrière contre des militaires américains attribuée à un groupe armé proche de Téhéran, tout en mettant en garde Washington qui a promis de riposter.

Le président américain, Joe Biden, a annoncé des représailles " conséquentes " après la mort dimanche en Jordanie de trois soldats, sans préciser si elles toucheraient directement le territoire iranien comme le réclame une partie de la classe politique à Washington.

Face à ces menaces, Téhéran s’est gardé publiquement de toute déclaration martiale, laissant la parole à sa diplomatie.

" La République islamique ne souhaite pas l’expansion du conflit au Moyen-Orient ", a affirmé lundi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Nasser Kanani.

Le chef de la diplomatie Hossein Amir-Abdollahian a enfoncé le clou mardi dans un message posté sur X: " La Maison Blanche sait que la solution pour mettre fin à la guerre et au génocide à Gaza ainsi qu’à la crise actuelle dans la région est politique. "

" La diplomatie est active dans ce sens ", a-t-il ajouté.

Un porte-parole de la Maison Blanche, John Kirby, a, de son côté, affirmé lundi que les États-Unis ne " cherchaient pas la guerre avec l’Iran ".

Des appels à " la désescalade " et " à la retenue " ont été lancés mardi respectivement par la Russie et la Chine, cette dernière s’inquiétant de la " spirale malsaine de représailles " au Moyen-Orient.

Le risque d’une confrontation directe américano-iranienne s’est accru après l’attaque au drone sur une base à la frontière entre la Jordanie et la Syrie, qui a entraîné les premières morts de militaires américains au Moyen-Orient depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien le 7 octobre.

 " Peu probable "

À Téhéran, la presse était partagée mardi sur les conséquences de cette attaque, qui met sous pression la monnaie iranienne, le rial, tombé à plus bas face au dollar et à l’euro sur le marché noir.

Le journal réformateur Shargh a estimé " peu probable " une confrontation frontale car " Téhéran et Washington ont déjà montré dans le passé leur capacité à contrôler le risque d’un conflit direct ".

De plus, " aggraver les tensions à l’ensemble du Moyen-Orient entraînerait une hausse des prix de l’énergie aux États-Unis, ce qui serait nuisible à Joe Biden à l’approche de l’élection " présidentielle de novembre, ajoute-t-il.

Mais pour Etemad, un autre quotidien réformateur, " il est possible que Washington, sous la pression des Républicains, vise des cibles limitées, mais stratégiques à l’intérieur de l’Iran ".

Un tel scénario mettrait " un point final aux efforts diplomatiques entre Téhéran et Washington, et porterait la tension à un niveau sans précédent dans tout le Moyen-Orient ", souligne-t-il.

Le quotidien gouvernemental Iran Daily a appelé, dans son éditorial, Joe Biden à " ne pas se laisser entraîner dans une attaque militaire directe contre l’Iran pour se venger d’une frappe lancée par un tiers ". Car " cela entraînerait une réponse proportionnée de la part de l’Iran, ce qui pourrait conduire à une guerre totale ".

Pour l’expert Ahmad Zeidabadi, cité par le journal Ham Mihan, il est " plus probable que l’armée américaine frappe des bases des forces iraniennes " hors des frontières que " sur le sol iranien ".

Depuis dimanche, l’Iran rejette les accusations l’impliquant dans l’attaque au drone.

" La République islamique n’est responsable des actions d’aucun individu ou groupe dans la région ", a insisté l’ambassadeur iranien auprès de l’ONU Amir Saïd Iravani, en référence aux quelque 160 attaques recensées ayant visé des installations américaines en Irak et en Syrie ces dernières semaines.

La plupart d’entre elles ont été revendiquées par la " Résistance islamique en Irak ", nébuleuse de combattants issus des groupes armés pro-Iran, qui dit agir en soutien aux Palestiniens face à Israël et réclame le départ des soldats américains déployés en Irak.

Le président iranien, Ebrahim Raïssi, a récemment affirmé qu’il était " du devoir " de son pays " de soutenir les groupes de la résistance ", qui comprend aussi le Hamas palestinien, le Hezbollah et les Houthis au Yémen, mais que ces derniers étaient " indépendants dans leurs décisions et leurs actions ".

Dans le même temps, Téhéran fait porter la responsabilité des tensions sur les États-Unis, présentés comme " les complices " d’Israël dans le " génocide " des Palestiniens.