Bachir Gemayel et Jeanne d’Arc nous ont légué l’idéal de la foi. Ils nous ont enseigné que la fuite, la désertion, la soumission ou la collaboration ne sont pas, et ne peuvent pas être les uniques options pour un peuple démuni, trahi par ses propres dirigeants et abandonné de tous. Avec rien que la foi et la valeur de l’intégrité et du sacrifice, il est possible de délier les chaînes de l’occupation, aussi solide, totalitaire et infernale soit-elle.
Couverture du livre «Béchir Gemayel», collection «Qui suis-je» éd. Pardès.
Tout comme une famille ou un parent, un pays en danger ne s’abandonne pas. La résistance est un devoir surtout lorsque le diagnostic semble assurément pessimiste. Refuser l’idée de résistance sous prétexte qu’il n’y a pas à l’horizon la moindre chance de réussite est une attitude indigne. Car c’est précisément dans ces conditions désespérées que la résistance prend tout son sens; autrement, la tâche aurait été dévolue à l’armée régulière.
La désertion
Pour les coauteurs de l’ouvrage sur Bachir Gemayel, Yann Baly et Emmanuel Pezé, Bachir n’a jamais toléré la lâcheté. Lui qui a vu tomber en 1976 autour de Tell el-Zaatar 325 héros pour désenclaver Beyrouth-est; lui qui a enterré sa fillette de moins de 2 ans en 1980; lui qui, en 1981, a vu sortir de Zahlé 95 combattants là où la Syrie prétendait en avoir affronté plus d’un millier «appuyés par les sionistes», il ne pouvait en aucun cas accepter les déserteurs, ceux qui prenaient le premier avion vers l’Europe sans la moindre notion d’appartenance à une patrie.
Il les renvoyait dos-à-dos avec les Palestiniens, les traitant de «fuyards». Qu’aurait-il dit aujourd’hui de ceux qui fuient non plus des massacres et des bombardements, mais des coupures d’électricité et d’Internet?
Bachir cherchait à remédier à la mollesse et à l’insouciance par l’enseignement de l’histoire vraie, par un système éducatif plus approprié et par un retour à la terre. Il était pleinement conscient du danger que représentait l’émigration des campagnes vers le «réduit chrétien» trop fortement urbanisé. Cet arrachement au terroir constituait la première étape vers un départ définitif. Pour cela, il fallait s’activer à la libération du reste du pays.
Recommandation écrite de la main de Bachir: Je compte sur toi et sur vous tous, l’esprit doit être pur, très propre, très fort et très droit. On continue. Bachir.»
La dhimmitude
Bachir menait un combat contre le réflexe minoritaire et contre la dhimmitude qui rongeait autant l’esprit de ses coreligionnaires que celui de ses alliés occidentaux. Le régime de dhimmi imposé aux chrétiens et aux juifs par la loi islamique a pour effet d’affaiblir les facultés de discernement. Il correspond au syndrome de Stockholm. Au niveau national, Bachir Gemayel l’affrontait par un refus de la fuite, de l’émigration et de la soumission.
À la proposition du Vatican qui conseillait aux chrétiens du Liban la retenue et la discrétion pour qu’ils se fassent tolérer, Bachir opposait sa volonté de «sonner les cloches de nos églises quand nous le voudrons». À la théorie du «message», il répliquait que «les chrétiens du Liban ne sont pas un matériel expérimental pour le dialogue islamo-chrétien dans le monde».
Malgré leur abandon par la France et l’Amérique, les chrétiens du Liban avaient fait un choix clair pour l’Occident. Ils se disaient défenseurs de ses valeurs. Bachir s’est même rendu aux États-Unis en 1981 pour rencontrer l’équipe de Ronald Reagan.
La résistance sociale
Bachir ne s’est jamais contenté de fustiger l’émigration. Il a surtout assumé le devoir de la résistance qui consiste à assurer les besoins essentiels de la société. Ayant fusionné toutes les milices chrétiennes au sein des Forces libanaises (FL), il a créé la police militaire chargée de la sécurité dans les régions libres, et les comités populaires pour subvenir à tous les besoins qui relèvent d’ordinaire des institutions étatiques. C’est tout un système de sécurité sociale qui a été mis en place, avec un réseau de transport en commun, un service postal, et des bourses scolaires et universitaires.
Cet organisme était donc chargé des services publics. Il veillait à l’entretien des canalisations d’eau, du réseau électrique, des services sanitaires, du ramassage des ordures et des contrôles d’hygiène dans les commerces et les établissements alimentaires. Un port à Tabarja et un héliport à Zouk permettaient la communication avec l’étranger pour les officiels des FL et pour le ravitaillement en munitions.
Bachir et la croix.
La résistance monastique
Bachir Gemayel a rendu hommage à plusieurs reprises au rôle assumé par les monastères maronites dans la résistance armée, culturelle et sociale. Cette reconnaissance, il l’avait rappelée explicitement durant son dernier discours au Couvent de la Croix (Deir el-Salib). C’est dans les monastères que se faisaient les premières réunions qui ont planifié et lancé la résistance libanaise. Ce sont ces couvents qui ont reçu et entretenu les réfugiés chrétiens fuyant les massacres du nord, du sud du Chouf et de la Békaa. Ce sont eux qui ont construit la résistance sacrée qui a permis aux chrétiens du Liban, abandonnés par le monde entier, de survivre à un plan d’extermination qui avait programmé leur exode en masse.
Ces monastères étaient pleinement conscients de leur rôle symbolique et du caractère décisif de leur mission. Yann Baly et Emmanuel Pezé l’ont exprimé dans leur livre en choisissant de citer l’allocution des coptes d’Égypte au Congrès maronite de New York en 1981: «Vous les chrétiens du Liban, vous êtes responsables du sort des 12 à 15 millions de chrétiens en Orient. Si vous réussissez, nous pourrons nous maintenir; si vous échouez, nous disparaîtrons.»
La Croix
Tout au long de son discours durant la signature du livre à Achrafieh, Yann Baly n’a eu de cesse de revenir sur la correspondance entre Bachir Gemayel et la Croix. La majorité des réunions se faisaient dans des monastères devant une croix. La mort de Bachir coïncidait avec la fête de la sainte Croix. Son dernier discours a eu lieu au Couvent de la Croix. Ce jour-là, il était debout sous un crucifix orné de la devise de l’empereur Constantin: «Par ce signe, tu vaincras.»
Yann Baly a aussi soulevé que Bachir, totalement démuni, devant son peuple désespéré, a eu l’audace d’affronter des armées puissantes qui occupaient et ravageaient son pays. Pour ce Français, Bachir incarne l’idéal de Jeanne d’Arc qui, elle aussi sans la moindre ressource, face à l’incontestable supériorité de l’envahisseur anglais, avait osé rêver de libération. Emmanuel Pezé fait partie de ces Français qui voient leur patrie aujourd’hui en danger, et pour qui la résistance avait déjà commencé en 1975 avec Bachir qui disait défendre les valeurs de l’Occident en péril pour avoir perdu ses repères et ses valeurs.
Bachir Gemayel et Jeanne d’Arc nous ont légué l’idéal de la foi. Ils nous ont enseigné que la fuite, la désertion, la soumission, ou la collaboration ne sont pas, et ne peuvent pas être les uniques options pour un peuple démuni, trahi par ses propres dirigeants et abandonné de tous. Avec rien que la foi et la valeur de l’intégrité et du sacrifice, il est possible de délier les chaînes de l’occupation, aussi solide, totalitaire et infernale soit-elle.
Couverture du livre «Béchir Gemayel», collection «Qui suis-je» éd. Pardès.
Tout comme une famille ou un parent, un pays en danger ne s’abandonne pas. La résistance est un devoir surtout lorsque le diagnostic semble assurément pessimiste. Refuser l’idée de résistance sous prétexte qu’il n’y a pas à l’horizon la moindre chance de réussite est une attitude indigne. Car c’est précisément dans ces conditions désespérées que la résistance prend tout son sens; autrement, la tâche aurait été dévolue à l’armée régulière.
La désertion
Pour les coauteurs de l’ouvrage sur Bachir Gemayel, Yann Baly et Emmanuel Pezé, Bachir n’a jamais toléré la lâcheté. Lui qui a vu tomber en 1976 autour de Tell el-Zaatar 325 héros pour désenclaver Beyrouth-est; lui qui a enterré sa fillette de moins de 2 ans en 1980; lui qui, en 1981, a vu sortir de Zahlé 95 combattants là où la Syrie prétendait en avoir affronté plus d’un millier «appuyés par les sionistes», il ne pouvait en aucun cas accepter les déserteurs, ceux qui prenaient le premier avion vers l’Europe sans la moindre notion d’appartenance à une patrie.
Il les renvoyait dos-à-dos avec les Palestiniens, les traitant de «fuyards». Qu’aurait-il dit aujourd’hui de ceux qui fuient non plus des massacres et des bombardements, mais des coupures d’électricité et d’Internet?
Bachir cherchait à remédier à la mollesse et à l’insouciance par l’enseignement de l’histoire vraie, par un système éducatif plus approprié et par un retour à la terre. Il était pleinement conscient du danger que représentait l’émigration des campagnes vers le «réduit chrétien» trop fortement urbanisé. Cet arrachement au terroir constituait la première étape vers un départ définitif. Pour cela, il fallait s’activer à la libération du reste du pays.
Recommandation écrite de la main de Bachir: Je compte sur toi et sur vous tous, l’esprit doit être pur, très propre, très fort et très droit. On continue. Bachir.»
La dhimmitude
Bachir menait un combat contre le réflexe minoritaire et contre la dhimmitude qui rongeait autant l’esprit de ses coreligionnaires que celui de ses alliés occidentaux. Le régime de dhimmi imposé aux chrétiens et aux juifs par la loi islamique a pour effet d’affaiblir les facultés de discernement. Il correspond au syndrome de Stockholm. Au niveau national, Bachir Gemayel l’affrontait par un refus de la fuite, de l’émigration et de la soumission.
À la proposition du Vatican qui conseillait aux chrétiens du Liban la retenue et la discrétion pour qu’ils se fassent tolérer, Bachir opposait sa volonté de «sonner les cloches de nos églises quand nous le voudrons». À la théorie du «message», il répliquait que «les chrétiens du Liban ne sont pas un matériel expérimental pour le dialogue islamo-chrétien dans le monde».
Malgré leur abandon par la France et l’Amérique, les chrétiens du Liban avaient fait un choix clair pour l’Occident. Ils se disaient défenseurs de ses valeurs. Bachir s’est même rendu aux États-Unis en 1981 pour rencontrer l’équipe de Ronald Reagan.
La résistance sociale
Bachir ne s’est jamais contenté de fustiger l’émigration. Il a surtout assumé le devoir de la résistance qui consiste à assurer les besoins essentiels de la société. Ayant fusionné toutes les milices chrétiennes au sein des Forces libanaises (FL), il a créé la police militaire chargée de la sécurité dans les régions libres, et les comités populaires pour subvenir à tous les besoins qui relèvent d’ordinaire des institutions étatiques. C’est tout un système de sécurité sociale qui a été mis en place, avec un réseau de transport en commun, un service postal, et des bourses scolaires et universitaires.
Cet organisme était donc chargé des services publics. Il veillait à l’entretien des canalisations d’eau, du réseau électrique, des services sanitaires, du ramassage des ordures et des contrôles d’hygiène dans les commerces et les établissements alimentaires. Un port à Tabarja et un héliport à Zouk permettaient la communication avec l’étranger pour les officiels des FL et pour le ravitaillement en munitions.
Bachir et la croix.
La résistance monastique
Bachir Gemayel a rendu hommage à plusieurs reprises au rôle assumé par les monastères maronites dans la résistance armée, culturelle et sociale. Cette reconnaissance, il l’avait rappelée explicitement durant son dernier discours au Couvent de la Croix (Deir el-Salib). C’est dans les monastères que se faisaient les premières réunions qui ont planifié et lancé la résistance libanaise. Ce sont ces couvents qui ont reçu et entretenu les réfugiés chrétiens fuyant les massacres du nord, du sud du Chouf et de la Békaa. Ce sont eux qui ont construit la résistance sacrée qui a permis aux chrétiens du Liban, abandonnés par le monde entier, de survivre à un plan d’extermination qui avait programmé leur exode en masse.
Ces monastères étaient pleinement conscients de leur rôle symbolique et du caractère décisif de leur mission. Yann Baly et Emmanuel Pezé l’ont exprimé dans leur livre en choisissant de citer l’allocution des coptes d’Égypte au Congrès maronite de New York en 1981: «Vous les chrétiens du Liban, vous êtes responsables du sort des 12 à 15 millions de chrétiens en Orient. Si vous réussissez, nous pourrons nous maintenir; si vous échouez, nous disparaîtrons.»
La Croix
Tout au long de son discours durant la signature du livre à Achrafieh, Yann Baly n’a eu de cesse de revenir sur la correspondance entre Bachir Gemayel et la Croix. La majorité des réunions se faisaient dans des monastères devant une croix. La mort de Bachir coïncidait avec la fête de la sainte Croix. Son dernier discours a eu lieu au Couvent de la Croix. Ce jour-là, il était debout sous un crucifix orné de la devise de l’empereur Constantin: «Par ce signe, tu vaincras.»
Yann Baly a aussi soulevé que Bachir, totalement démuni, devant son peuple désespéré, a eu l’audace d’affronter des armées puissantes qui occupaient et ravageaient son pays. Pour ce Français, Bachir incarne l’idéal de Jeanne d’Arc qui, elle aussi sans la moindre ressource, face à l’incontestable supériorité de l’envahisseur anglais, avait osé rêver de libération. Emmanuel Pezé fait partie de ces Français qui voient leur patrie aujourd’hui en danger, et pour qui la résistance avait déjà commencé en 1975 avec Bachir qui disait défendre les valeurs de l’Occident en péril pour avoir perdu ses repères et ses valeurs.
Bachir Gemayel et Jeanne d’Arc nous ont légué l’idéal de la foi. Ils nous ont enseigné que la fuite, la désertion, la soumission, ou la collaboration ne sont pas, et ne peuvent pas être les uniques options pour un peuple démuni, trahi par ses propres dirigeants et abandonné de tous. Avec rien que la foi et la valeur de l’intégrité et du sacrifice, il est possible de délier les chaînes de l’occupation, aussi solide, totalitaire et infernale soit-elle.
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