
La relation entre le gouverneur de la Banque du Liban (BDL), Karim Souhaid, et le Premier ministre Nawaf Salam demeure tendue, une tension qui remonte à la nomination de M. Souhaid par une majorité au sein du Conseil des ministres, malgré l’opposition du Premier ministre et de son cabinet.
À l’époque, après la séance ministérielle, M. Salam avait clairement exprimé son désaccord en déclarant que «Karim Souhaid n’était pas [son] candidat», évoquant notamment son souci de restituer les fonds des déposants et de préserver les actifs de l’État, laissant entendre que M. Souhaid ne garantissait pas ces priorités.
Il avait néanmoins insisté sur un message fort: «Quel que soit le gouverneur, l’essentiel est qu’il s’engage dès aujourd’hui à appliquer la politique financière de notre gouvernement réformateur, comme défini dans la déclaration ministérielle, notamment la négociation d’un nouveau programme avec le FMI, la restructuration du secteur bancaire et l’élaboration d’un plan global respectant les normes internationales pour protéger les droits des déposants.»
Dès sa prise de fonction, M. Souhaid a affirmé l’importance de préserver l’indépendance de la BDL. Cette position est au cœur d’une étude juridique qu’il a récemment présentée à la commission des Finances et du Budget, insistant sur la nécessité de maintenir l’autonomie de la banque centrale ainsi que la cohérence du cadre législatif bancaire. Cette étude rappelle que l’indépendance de la BDL est un principe fondamental inscrit dans le Code de la monnaie et du crédit, qui garantit depuis 62 ans l’autonomie de l’institution et l’unité du droit bancaire.
Cependant, M. Souhaid considère que le projet de loi sur la réforme et la réorganisation du secteur bancaire, adopté par le Conseil des ministres le 12 avril 2025, menace directement ces fondements.
La semaine dernière, lors de la réunion de la sous-commission parlementaire des Finances et du Budget, les débats sur le projet de loi-cadre se sont poursuivis. Plusieurs modèles internationaux ont été présentés, mettant en lumière le rôle et les objectifs des banques centrales, compatibles avec les missions des autorités de régulation et du pouvoir exécutif. Un consensus s’est dégagé sur les grandes lignes et principes à adopter, notamment entre le ministère des Finances et la BDL.
À l’issue de ces échanges, M. Souhaid a rappelé que le projet de loi en cours d’examen – ainsi que toute législation future liée à «l’équilibre financier» ou à la «répartition des responsabilités financières» – relève de la compétence exclusive du gouvernement et du Parlement. Le rôle de la Banque du Liban, conformément aux articles 71 et 72 du Code de la monnaie et du crédit, se limite à formuler des avis, des recommandations et des orientations, dans le but de renforcer l’efficacité des lois adoptées et d’en assurer la cohérence avec le cadre législatif bancaire existant.
Cette posture n’a pas plu à M. Salam, qui voit d’un mauvais œil la réticence constante du gouverneur à tout accord avec le FMI, ainsi que son refus catégorique de toute réforme susceptible de réduire les prérogatives de la BDL ou d’instaurer un mécanisme de contrôle.
Visiblement irrité, le Premier ministre a exhorté M. Souhaid à se conformer à la politique gouvernementale, sans entraver les lois proposées, qu’il s’agisse du plan de restructuration bancaire ou d’éventuelles modifications du Code de la monnaie et du crédit. Il a clairement indiqué qu’aucune manœuvre ne serait tolérée si elle visait à faire obstacle à l’accord avec le FMI.
Pour M. Souhaid, le rôle de la BDL se limite à accompagner techniquement le gouvernement en émettant avis et recommandations, afin de garantir la cohérence et l’efficacité des lois adoptées. Cette position s’appuie sur les articles 71 et 72 du Code de la monnaie et du crédit.
L’article 71 précise que «la Banque centrale coopère avec le gouvernement et lui fournit toute consultation relative à la politique financière et économique, afin d’assurer la meilleure harmonie possible entre sa mission et les objectifs du gouvernement».
L’article 72, quant à lui, stipule que la Banque peut proposer au gouvernement des mesures favorables à la balance des paiements, à la stabilité des prix, aux finances publiques et à la croissance économique. Elle doit également informer le gouvernement de tout facteur nuisible à l’économie ou à la monnaie, assurer les relations avec les institutions financières internationales, être consultée sur toutes les questions monétaires et voir son gouverneur invité à participer aux débats gouvernementaux sur ces sujets.
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