Comme un mois de février au Liban 2/2
L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir nous dit Henri Bergson. |
De ce siècle dernier où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact dans le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.

Mawal, spectacle de Roméo Lahoud

Côté spectacles, le Capitole reste dans les années 60 le lieu référence pour les ballets que les Libanais apprécient particulièrement. Le 28 février 1959, le Ballet de San Francisco, composé de 35 danseurs, donnera deux galas exceptionnels et en février 1962, c’est au tour de la troupe du Bolchoï. Au Casino du Liban cette fois, le 2 février 1963, quelques privilégiés assistent à la première de la revue S’il vous plaît. Conçu par Charles Henchis, ce spectacle de haut niveau, avec sept vedettes internationales, 50 danseuses, mannequins, chanteurs et attractions du music-hall international, va longtemps remplir la Salle des Ambassadeurs. Changement d’atmosphère avec Mawal, l’opérette libanaise de Roméo Lahoud au théâtre du Phoenicia. C’est le premier théâtre national permanent et le spectacle tiendra l'affiche durant 11 mois. En février 1965, la Cité sportive, transformée en un chapiteau géant, accueille le Festival international du cirque durant 9 jours. Le Théâtre Phoenicia devient un lieu incontournable pour les spectacles et accueille le ballet de Zaghreb en 1969, Limaza de Issam Mahfouz, une pièce aux dimensions stéréo et totalement surréalistes en février 1971, et la diva Feyrouz qui triomphe dans Loulou des frères Rahbani en février 1974. Dans cette fameuse famille de génies, je demande le fils et c’est Bel nesbé la boukra chou? du talentueux Ziad Rahbani qui fait un tabac au théâtre Orly en février 1978. Dans la ronde des festivals, on ne peut que saluer le Festival du Bustan qui a lancé ses activités en 1998 avec pas moins de trente spectacles et 260 artistes. Dans cette première édition, Hanna Schygulla, les sœurs Labèque, la pianiste Anne Queffelec, le duo de sopranos Sylvie Sullé et Leila Chalfoun et Jean Piat.

Revue " S'il vous plaît" au Casino du Liban

Hiver comme été, le théâtre aura son mot à dire au Liban devant un public plus qu’attentif. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Semaine de la Comédie française débute le 18 février 1946 avec de grandes pièces classiques comme Britannicus de Racine, Œdipe-Roi de Sophocle, Antigone d'Anouilh et les Mal Aimés de Mauriac. Les places s’arrachent. Ce sera désormais un rendez-vous annuel. La télévision libanaise met le théâtre à l’honneur dès le début des années 60 et organise un grand concours d’art dramatique en février 1963. Un an plus tard, en février 1964, et pour la première fois dans les annales théâtrales libanaises, une pièce en langue arabe d’un auteur libanais sera mise en scène à Beyrouth. Al Izmil d'Antoine Maalouf sera jouée par la troupe de l’École du théâtre moderne dirigée par Mounir Abou Debs et les acteurs sont Antoine Kerbage, Reda Khoury et Nabil Maamari. En février 1968, les chansonniers du Théâtre de Dix heures présentent Yafie en Rose le 21 février 1968. Le public attend impatiemment chacune des revues satiriques de cette fameuse troupe qui a vu le jour en 1962, un 13 avril plus exactement. Les fondateurs sont Pierre Gédéon, Gaston Chikhani et Abdallah Nabbout, alias Dudul. Ils donneront leur dernière représentation, après 45 revues, le 13 avril 1975. Tout un symbole. Mais revenons en février 1970 au Théâtre du Phoenicia avec Carte Blanche de Roger Assaf et Nidal Achkar, comédie musicale révolutionnaire et provocatrice. Salam… use, en février 1971, de Samy Khayat et sa troupe, continue d’amuser petits et grands et, en février 1975, pas moins de quatre pièces libanaises sont présentées au public: Al Moutamarrida de Paul Chaoul avec Nidal al Achkar, Al Marseillaise al Arabi de Mohammed el Baghout avec Antoine Kerbage, Maïs el Rim des frères Rahbani avec Feyrouz et Ad Dounia Doulab de Farès Yuwakim avec Chouchou. Nabih Aboul Hosn retrouve son public au Casino du Liban en février 1978 avec Akhwat Loubnan et, en février 2010, la dernière pièce de Mansour Rahbani, Saif 840, qui parle d’un peuple déchiré et d’une terre opprimée.

Mawal, spectacle de Roméo Lahoud

Art, encore et toujours avec, le 16 février 1957, la mort de Moustapha Farroukh à l’âge de 55 ans. Il laisse derrière lui une œuvre pleine d’humanité. En février 1958, Jean Guvder expose à l’Institut culturel italien et, un an plus tard, le Liban fait don à l’Unesco d’une tapisserie du peintre libanais Aref Rayess, Les signes de Cadmos. En bronze, bois ou cuivre, les œuvres de Michel Basbous sont exposées à la galerie Alecco Saab en février 1963, en même temps que se tient une exposition de Bibi Zoghbé à L’Orient. En février 1965, l’Alumni présente les toiles de David Corm, peintre décédé en 1930. La galerie du Vendôme accueille en février 1971 les œuvres éthérées de Solange Tarazi et, en 1983, Poll Mall exposera son travail à la galerie Les Cimaises, à Zouk Mosbeh, après plusieurs années d’exil. Le Musée Sursock, lui, ne chômera pas avec, en février 1964, une exposition de reproductions de plus de 150 dessins de Leonard de Vinci et, en février 1968, de miniatures italiennes datant des 14e, 15e et 16e siècles.

Revue "S'il vous plaît" au Casino du Liban


La magie du cinéma a toujours fasciné les Libanais qui n’hésitent pas à envahir les salles à chaque nouvelle projection. Dès l’indépendance, il est décidé de jouer l’hymne national avant chaque séance et, le 20 février 1945, un spectateur qui n’a pas voulu se lever pour rendre hommage à la patrie s’est vu infliger un mois de prison. En février 1958, Curg Jurgens est invité par Charles Gay-Para à visiter le pays qu’il a «adoré». Dès les années 60, il est de coutume d’inviter les acteurs vedettes à l’avant-première de leur film. C’est ainsi que Pascale Petit vient présenter en 1962 Les démons de minuit au cinéma Dunia. Pris d’une pudibonderie soudaine, l’administrateur de Beyrouth, Emile Yanni, interdit la danse du ventre au cinéma et à la télévision. En février 1967, George Hamilton et Sean Flynn, venus au Liban pour y passer une semaine de détente, passent leur temps à fuir fans et journalistes. En février 1968, on tourne à Beyrouth un film, Rébus, sous la direction de Nino Zanchin, avec Laurence Harvey et Ann Margret qui passeront un mois au Liban. Shirley Temple viendra aussi au Liban en février 1972, mais en sa qualité de déléguée des Etats-Unis pour l’environnement humain, et… last but not least, c’est Mister Alain Delon en personne qui débarque le 7 février 1980 en plein chaos.

Exposition Basbous

Les voyageurs se succèdent au Liban durant les années 60 et visiter le Liban devient vite un must grâce aux efforts du Conseil national du tourisme. Le port de Beyrouth se situant sur la route vers la Terre Sainte, beaucoup de navires transportant des pèlerins ou de simples touristes y accosteront. Ainsi, en février 1962, le Leonardo Da Vinci, transportant des stars du cinéma en route pour Tel Aviv, décide inopinément de dévier vers Beyrouth grâce à l'intervention et la persévérance d’Éliane Gébara qui avait réussi à se glisser à bord. Et Beyrouth d'accueillir le temps d’une journée Joan Fontaine, Zachary Scott, Hugh O’Brian, Gloria Swanson et Nathalie Wood. Tout ce beau monde déjeunera au Phoenicia et passera la soirée au Casino. Le tourisme bat son plein en 1965 avec plus de 165 millions de livres de rentrées et, en février 1966, il est décidé de créer un ministère du Tourisme. C’est en cette même année de 1966 que la princesse Margaret fera avec son mari une brève escale à Beyrouth et que le couple ira se promener bras dessus, bras dessous sur la Corniche. Les Semaines culturelles libanaises s’exportent et présentent à Stockholm et à Rennes, en février 1968, l’artisanat et le folklore libanais.

Moustapha Farroukh

Il est des dates à marquer d’une pierre blanche. Le 18 février 1953 est de celles-là. Ce jour-là, après plusieurs années de lutte et de revendications, la femme libanaise obtient le droit de vote. Il sera ainsi écrit que «l’admission de la femme dans la vie publique est, non seulement une reconnaissance de ses droits naturels, mais aussi un témoignage en faveur de la femme libanaise passée à l’avant-garde dans différents domaines.» Une autre date importante est celle de février 1908 où la statue de la Vierge, arrivée de France en 1906, est dressée à Harissa.

Les démons de minuit

En février 1953, on croit avoir découvert du pétrole au Liban et le premier puits de forage est inauguré dans la Bekaa par le président Chamoun. Le 4 février 1963, les rues de Beyrouth seront enfin officiellement nommées ou renommées. Il y en a en tout 965 recensées et la seule règle était de ne pas donner le nom de personnalités encore vivantes. Le Liban adhère à la Francophonie en février 1972 et, en février 2001, l’année de la francophonie est officiellement lancée par le ministre de la Culture, Ghassan Salamé. Pour la première fois, en février 1998, la question du mariage civil est soulevée par le président Hraoui, qui se heurtera à un tollé quasi général. Mais l’on pourra se consoler avec l’émission par la Poste française, en février 1999, d’un timbre représentant la mosaïque de l’enlèvement d’Europe et créé à l’occasion du l’exposition Liban l’Autre rive qui se tient à Paris à l’Institut du Monde arabe depuis le mois de décembre.

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