"L’homme doit s’appuyer sur le passé et tendre vers l’avenir", nous dit Henri Bergson. De ce siècle dernier où notre pays a connu diverses occupations, la famine, des guerres et des misères, nous allons retenir l’édification d’une nation, son impact sur le monde, son rayonnement culturel et sa formidable vitalité. Mois par mois, un peu de ces petites lucioles d’hier pour éclairer notre chemin vers demain.

Le joli mois de mai au Liban, et grâce à une météo complice, marque le début officieux de la saison estivale. Entre balades en montagne et escapades en mer, bon an, mal an, la vie semble plus légère. Et hier comme aujourd’hui, mai est des plus chargés sur tous les plans. Pourtant le mois commence par un jour férié qui, s’il a été instauré en France en 1889 et appliqué dès 1890 dans plusieurs pays, n’a été officiellement déclaré au Liban qu’en 1946. Et mai au Liban c’est également l’occasion d’honorer les martyrs tombés le 21 août 1915 et le 6 mai 1916. C’est en 1937 que le gouvernement décide de proclamer le 6 mai Journée des martyrs. Le 6 mai 1954, le président Chamoun posera la première pierre du nouveau monument aux Martyrs qui sera exécuté par Mazzacurati et inauguré le 6 mai 1960 par le président Chéhab. Un socle de 12 tonnes sur lequel se dressent quatre statues représentant le sacrifice et la liberté.

Notre si joli Musée national tel que nous le connaissons aujourd’hui est inauguré le 27 mai 1942 par le président Alfred Naccache. Il accueillera les antiquités découvertes dans les sous-sols libanais. Le 14 mai 1960, Lady Yvonne Sursock-Cochrane annonce la fondation de l’Association pour la protection des sites et des anciennes demeures au Liban (APSAD). Association qui sera des plus actives sur le plan de la préservation des belles maisons de Beyrouth.

Les années 60 ont été des plus riches sur le plan des découvertes archéologiques avec notamment la poursuite des fouilles dans la région de Tyr par les équipes de l’émir Maurice Chéhab. Le 25 mai 1962, des vestiges datant de l’époque byzantine sont mis au jour, dont des sarcophages et des statues. Et cela ne va pas s’arrêter là, révélant ainsi toute la richesse de cette ville millénaire. Un arc de triomphe monumental datant de l’époque d’Alexandre le Grand et surtout un hippodrome romain exhumé de sous 500.000 m3 de sable, un des plus grands du monde avec 500 m de long sur 175 m de large et trois tribunes, mais dont l’inauguration officielle en présence de plusieurs personnalités internationales prévue le 24 mai 1970 sera reportée en raison de la tension au Sud, déjà. Quelques années auparavant, en mai 1966, dans le quartier de Wadi Abou Jmil, des colonnes romaines sont exhumées, faisant vraisemblablement partie de l’hippodrome de Beryte. Durant ce même mois et lors du percement de l’avenue Fouad Chéhab, deux sarcophages en marbre datant de l’époque byzantine sont découverts. Beyrouth n’en finira jamais de révéler ses splendeurs. Le musée de l’AUB ne se laisse pas démonter par les événements et organise en mai 1982 une exposition consacrée à l’architecture islamique et aux monnaies arabes.

Côté art, c’est en mai 1938 que Moustafa Farroukh expose à l’Université américaine soixante toiles pleines des couleurs du Liban et de la Syrie. Le même mois et la même année, Blanche Ammoun présente à l’hôtel Saint-Georges son travail basé surtout sur des portraits d’anonymes ou de personnalités. Ce sont les peintres Nicolas Nammar, Jean Khalifé et Farid Aouad qui seront récompensés au Salon du printemps de mai 1959, Salon qui est un rendez-vous incontournable et annuel au Palais de l’Unesco, alors que l’exposition dans les locaux de L’Orient Les peintres de l’École de Paris dans les collections libanaises connaît un franc succès en mai 1960 avec plus de 4000 visiteurs. Le vernissage des œuvres d’Élie Kanaan à l’hôtel Excelsior le 4 mai 1962 rassemble les amateurs des paysages de ce peintre qui manie élégamment la couleur et la lumière. En mai 1963, Paul Guiragossian affiche sa maîtrise picturale à la galerie Alecco Saab et le 17 mai 1965 c’est au tour de Cici Sursock de montrer à l’hôtel Phoenicia toute l’étendue de son talent entre portraits, icônes et poèmes. Mai 1966 est décidément un mois très artistique avec le XIIIe Salon du printemps de peinture et de sculpture qui se tient cette fois à la Maison de l’artisan et l’exposition au Phoenicia d’un jeune peintre de 23 ans au talent très prometteur: Hrair. Plus rien ne l’arrêtera. Toujours à l’hôtel Exelsior, Élie Kanaan présente toiles, aquarelles et dessin dans ce qui sera sa 15e exposition. Infatigable lui aussi, Assaad Renno présente ses portraits au Phoenicia en mai 1968. Et le 2 mai 1969, c’est le vernissage de Martha Hraoui à l’hôtel Saint-Georges. Le premier Salon des artistes décorateurs voit le jour à Dar el-fan en mai 1970 avec les créations d’Élie Garzouzi, Michel Harmouche, Louis Ingea, Alecco Saab et Michel Tabbal. Devant l’engouement des Libanais pour l’art, les galeries se multiplient. En mai 1974, c’est la Galerie contemporaine qui ouvre ses portes à Hamra. Dans une initiative louable et courageuse, c’est sur l’escalier centenaire Saint-Nicolas que l’on peut découvrir en mai 1988 plus de 80 stands et plus de cent participants; il s’agit d’une initiative vouée à devenir un rendez-vous annuel, prenant ainsi la relève de l’Escalier des arts de la rue Makhoul avant-guerre.

Fervent activiste contre l’occupation ottomane et écrivain exilé très apprécié en France, Chucri Ghanem s’éteint le 4 mai 1929 à Antibes dans sa maison "La Libanaise". Il était l’auteur de Daad, Les Épines et les fleurs, Les Neuf Aigles, Monsieur Vincent, Youssef et la fameuse pièce Antar, jouée avec succès en 1910 au théâtre de l’Odéon à Paris.

Et maintenant mon âme, ouvre tes ailes, vole…
Il me semble que je dors d’un sommeil conscient,
Je vois un vol d’oiseau qui vient de l’Orient,
Il s’approche de moi, il passe et puis repasse.
Mais c’est ma vie entière qui est là et m’enlace
Comme un linceul… La mort de ses doigts le replie,
Elle m’ensevelit dans les plis de ma vie…

Le 19 mai 1935, le Prix international de la poésie française Edgard Poe est décerné à Charles Corm pour son excellent ouvrage La Montagne inspirée. Quelques années plus tard, c’est au tour de Nadia Tuéni de recevoir en mai 1973 le Prix de poésie de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre, à savoir et à date Les Textes blonds (1963), L’Ange d’écume (1965), Juin et les mécréantes (1968) et Poèmes pour une histoire (1972). Le 13 mai 1976, nous dirons adieu à Amine Nakhlé qui avait abandonné sa carrière de juriste et de politicien pour se consacrer à la poésie. On lui doit entres autres Al-Moufakkarat al-Rifiah et Diwan qui racontent la vie au village mais aussi la beauté de la nature et des femmes. Il était le fils de Rachid Nakhlé qui avait composé les paroles de l’hymne libanais. La semaine dédiée à un de nos plus grands auteurs, Mikhael Neaymé, s’ouvre le 7 mai 1978. Ce contemporain de Gebran Khalil Gebran qui vit cloîtré dans son village de Chakhroub depuis 1956 est considéré comme une figure avant-gardiste de la littérature arabe avec un très grand nombre d’ouvrages à son actif.

Le 28 mai 1959 est un grand jour au Liban puisqu’à 18h30 précises est diffusée la première image télévisée. Les quelques Libanais qui possèdent un écran de télévision verront le visage souriant de la speakerine Najwa Kazoun. La Compagnie libanaise de télévision (CLT) sera la première télévision commerciale d’un pays arabe. La première émission retransmise en direct sera l’inauguration de l’Exposition de la Cité sportive. En mai 1960, une autre compagnie, La Télévision du Liban et du Proche-Orient, est créée et commencera ses émissions le 6 mai 1962. Les Libanais auront donc le choix entre quatre chaînes, les canaux 7 et 9 de la CLT et les canaux 5 et 11 de Télé Orient. En outre, le Liban sera un des trois premiers pays au monde à émettre en couleur, le 21 octobre 1967. Le 5 mai 1965, le quotidien Le Jour reprend sa parution avec Ghassan Tueni aux commandes. Lancé en 1934, il avait cessé de paraître après la mort de Michel Chiha. La presse est en deuil avec la mort le 8 mai 1972 de l’une de ses plus brillantes plumes. Georges Naccache était le fondateur de L’Orient et de Al-Jaryda, ancien ministre et ambassadeur. Sur une note plus légère, la censure libanaise interdit la vente du journal Playboy de mai 1972 à la suite d’un reportage un peu sulfureux sur Georgina Rizk.

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