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En cette période critique où l’art au Liban, et particulièrement la musique, sombre dans un déclin inquiétant, une campagne méthodique de marginalisation et de discrimination persiste depuis un certain temps à l’encontre d’artistes chevronnés. Récemment, l’annulation inopinée, sans explication convaincante, de concerts organisés à titre gracieux pour certains, ainsi que l’imposition de mesures répressives à d’autres, sont venues s’ajouter à ce sinistre tableau. Cette situation ne fait que secouer davantage une scène musicale qui peine déjà à s’affirmer sous le poids de défis persistants.

Pendant l’ère soviétique, qui s’est étendue de la révolution d’Octobre, en 1917, jusqu’à la dissolution de l’URSS, en 1991, le gouvernement avait un contrôle étroit sur la culture et l’expression artistique. Les autorités soviétiques utilisaient la censure pour garantir que l’art, y compris la musique classique, s’aligne sur les idéaux et les valeurs du régime communiste. Certains compositeurs et œuvres étaient considérés comme politiquement indésirables, car ils ne correspondaient pas à l’idéologie officielle. Les artistes étaient parfois contraints de créer des œuvres conformes à la propagande d’État, et ceux qui dérogeaient aux directives imposées pouvaient être soumis à la censure, à la marginalisation, voire à la répression.

Pouvoir discrétionnaire

Au Liban, la situation diffère de manière significative, car les répressions artistiques ne sont pas motivées par des considérations idéologiques. Elles semblent plutôt orchestrées par des individus qui cherchent à exploiter leurs liens politiques et médiatiques. Ils se permettent d’abuser de leur pouvoir discrétionnaire, apparemment assujetti à des motifs personnels et servant une communauté iconoclaste. Ainsi, ils autorisent ou interdisent la tenue de concerts en fonction de leurs intérêts actuels, montrant des inclinaisons pour certains musiciens, tout en manifestant des antipathies pour d’autres.

Par ailleurs, ils ne manquent pas l’occasion d’organiser des événements musicaux visant à complaire à des personnalités politiques ou religieuses. Cherchent-ils de la sorte à obtenir le soutien de ces figures influentes afin d’étouffer et de contrer une opposition croissante et grandissante? On préférerait ne pas y croire, mais tout le suggère. Cette manipulation sélective de la scène musicale révèle un penchant pour l’instrumentalisation de l’art à des fins politiques, mettant en péril la neutralité et l’intégrité artistiques.

La liberté d’expression musicale au Liban est, de ce fait, soumise aux fluctuations des intérêts bureaucratiques et politiques plutôt qu’à une appréciation authentique de l’art. Les libertés chèrement acquises par le Liban au fil des siècles sont aujourd’hui confrontées à des défis inquiétants. Les conflits internes et les influences régionales ont engendré des plaies béantes, sapant parfois les principes mêmes pour lesquels tant de vies ont été sacrifiées. Les libertés artistiques, jadis florissantes, sont actuellement entravées par des contraintes, des censures et des menaces gratuites à l’égard de musiciens formés dans les plus prestigieux conservatoires du monde.

Atteintes à la liberté

On aura tout vu. Il ne manquait plus qu’à étouffer l’art. Bientôt, les radios pourraient être empêchées de diffuser de la musique pour mille et une raisons que justifierait un pouvoir discrétionnaire. Cette réflexion met en évidence une tendance alarmante à restreindre les libertés artistiques et culturelles. La musique, en tant qu’expression universelle de la créativité humaine, doit être célébrée et encouragée, plutôt qu’étouffée par des motivations suspectes et de vils intérêts personnels. Les risques liés à une telle répression affectent profondément le tissu même de la diversité culturelle, l’expression individuelle et la jouissance artistique. Il est plus qu’essentiel de s’opposer à de telles atteintes à la liberté et de promouvoir un environnement sain permettant à la créativité musicale de s’épanouir sans entraves.

Cette campagne de discrimination risque d’entacher, encore plus, la réputation du pays du Cèdre. Cela, non seulement aux yeux d’institutions musicales occidentales, mais également au sein des sphères levantines et arabes, qui connaissent un dynamisme croissant, tandis que le Liban semble malheureusement régresser. Le combat pour protéger la musique est aussi un combat pour sauvegarder la liberté d’expression, de plus en plus menacée. Le Liban d’Anis Fuleihan (1900-1970), du père Youssef el-Khoury (1920-2009), d’Henri Goraïeb (1935-2021) et de Bassam Saba (1958-2020) est en danger.

À l’instar de ceux qui ont détruit la bibliothèque d’Alexandrie au VIIe siècle, leurs acolytes libanais perpétuent la même volonté: anéantir toute trace de culture sur leur chemin.

Une fois de plus, on aura tout vu!

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