Le Festival al-Bustan donne, mercredi soir, le coup d’envoi de sa 28e saison qui se tiendra du 16 février au 13 mars. Au programme, treize concerts, deux master classes, deux conférences et un concert caritatif. Une floraison musicale qui allie qualité artistique, exigence musicale, et convivialité.

La musique, dit-on, adoucit les mœurs en donnant "une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée". Oscillant à l’infini entre consonance et dissonance, ardeur et langueur, éphémère et éternel, elle pacifie, selon les mots du philosophe et musicologue français Vladimir Jankélévitch les monstres de l’instinct et apprivoise les fauves de la passion. En proie à la futilité du dicible, elle aspire à l’ineffable jusqu’à l’extase de l’infini. Honorer cette "révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie" au Liban, telle est la mission que s’est assignée le Festival al-Bustan depuis sa fondation, en 1994, par Mirna Boustani. Contre vents et marées, ce fleuron des festivals de musique d’art (dite classique) au Liban lance, ce soir, sa 28e saison, baptisée Reconnect, qui, telle une fontaine de jouvence, promet de délecter son auditoire de moments d’éternité.

Festival al-Bustan

Un acte d’amour envers le Liban

"La musique soulage, la culture nous protège dans les moments de crise, affirme d’emblée Laura Lahoud, vice-présidente du Festival al-Bustan, à Ici Beyrouth. C’est sûr que le festival souffre, comme tous les Libanais, mais on a décidé de continuer, de ne pas se décourager, d’essayer d’aller de l’avant et de donner une belle image du Liban." En effet, si les années précédentes étaient périlleuses pour les festivals de musique au Liban, ces derniers se retrouvent actuellement, et de plus en plus, sur une corde raide. "Les obstacles sont nombreux mais le Liban et les Libanais en valent la peine. C’est en fait un acte d’amour envers le Liban. Toutes les raisons étaient bonnes pour arrêter mais on s’est dit que non, ce serait dommage", poursuit Madame Lahoud, clairement émue. Et d’ajouter: "Chacun résiste à sa façon. Organiser un festival, inviter des artistes et aider le public à venir, c’est de cette façon que nous savons résister. Nous avons fait en sorte que le prix des billets soit le plus raisonnable possible; ça reste évidemment cher pour certaines personnes. Nous avons fait du mieux que nous pouvons parce que la musique appartient à tout le monde et non pas à certaines personnes."

Un programme foisonnant

Du 16 février au 13 mars, le Festival al-Bustan, creuset artistique par excellence, fera appel à une myriade d’artistes, venus des quatre coins du monde pour célébrer l’art et entretenir ainsi une minuscule lueur d’espoir dans un pays qui sombre dans l’enfer de l’incertitude du lendemain. "Le Festival al-Bustan a cette spécificité de trouver les artistes au début [de leur carrière], lorsqu’ils sont des étoiles montantes. Boris Berezovsky est venu la première fois en 1996, il revient pour la neuvième fois. Si on ne l’avait pas eu lorsqu’il était beaucoup plus jeune et moins connu, il ne serait pas revenu aujourd’hui", se félicite la vice-présidente du festival. Cependant, si ce dernier a tâché, pour le plus grand bonheur des Libanais, d’entretenir des relations privilégiées avec des artistes de renom, il n’en reste pas moins que la programmation de cette année met très peu en avant des artistes libanais. Quoi qu’il en soit, le Festival al-Bustan revient, après un an d’absence en raison de la pandémie du Covid-19, pour cette nouvelle édition avec un programme foisonnant de treize concerts, deux master classes, deux conférences et un concert caritatif, étoffés d’artistes de premier plan tels que Boris Berezovsky, Khatia Buniatishvili, Glass Marcano, Renaud Capuçon, Victor Julien-Laferrière, et bien d’autres encore.

Six concerts incontournables

Parmi les treize performances fascinantes et éclectiques, tissées avec soin par les organisateurs du festival, Ici Beyrouth en a sélectionné six incontournables. La pianiste franco-géorgienne Khatia Buniatishvili, nommée "étoile montante" du piano en 2012 par le Musikverein et le Konzerthaus de Vienne, rend, le 24 février, hommage à une pléthore de compositeurs de différentes époques, allant du baroque avec Jean-Sébastien Bach au moderne avec Éric Satie, en passant par le romantisme avec Fréderic Chopin, Franz Liszt et Franz Schubert. L’église Saint-Joseph, à Monnot, accueille le 25 février la charismatique cheffe d’orchestre vénézuélienne Glass Marcano, repérée par le concours La Maestra, accompagnée de l’Orchestre philharmonique du Liban (OPL), pour un concert aux couleurs russes et italiennes avec la quatrième symphonie et la célèbre Valse des fleurs, extraite du ballet Casse-Noisette, composées par Piotr Ilitch Tchaïkovski, ainsi que l’ouverture de Guillaume Tell de Gioacchino Rossini. Le pianiste russe Boris Berezovsky monte sur scène les 2 et 3 mars, pour deux concerts où rigueur, poésie et virtuosité s’allient dans un style fougueux et dynamique. Au programme, des œuvres du génie de Bonn, Ludwig van Beethoven, et celui de Moscou, Alexandre Scriabine. Le violoniste Renaud Capuçon, le violoncelliste Victor Julien-Laferrière et le pianiste Guillaume Bellom se donnent la réplique, le 7 mars, dans deux trios russes (le trio pour piano de Tchaïkovski et le trio élégiaque no.1 en sol mineur de Sergueï Rachmaninov) d’une virtuosité exceptionnelle et d’un lyrisme fluide, accentués par des harmonies rutilantes. Le musée Sursock reçoit, le 9 mars, Victor Julien-Laferrière pour un récital aux audacieuses richesses modulantes, dédié au cadet des instruments à cordes.