Chaque jour qui passe confirme une fois de plus que l’armée russe est en train d’appliquer la tactique " syrienne " minutieusement. Des parcs de logement ciblés, un théâtre où des milliers de civils se sont mis à l’abri des bombes, a été détruit, des bombardements incessants rendant les couloirs humanitaires impraticables, des habitants fauchés par des tirs de mitrailleuses, etc. Les exactions contre la population civile deviennent quotidiennes, le nombre de morts grossit de jour en jour. Le G7 a haussé le ton jeudi en mettant en garde Moscou que les criminels de guerre seront poursuivis par la justice internationale. Le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a abondé dans ce sens, critiquant au passage le manque de sérieux affiché par les Russes dans les pourparlers avec les Ukrainiens. Vladimir Poutine, quant à lui, après avoir déclaré la veille que son opération militaire est un " succès ", est revenu à la charge jeudi en crachant son venin sur les Russes qui quittent leur pays qu’il a assimilé à des " traîtres ". " Chaque peuple, le peuple russe tout particulièrement, pourra toujours reconnaître la racaille et les traîtres, les recracher comme on recracherait une mouche entrée dans la bouche "…
Depuis le début de l’offensive le 24 février, les forces russes n’ont encore revendiqué la prise d’aucune grande ville ukrainienne, même si elles ont nettement progressé dans le sud et semblent avancer dans l’est du pays. Selon l’ONG Human Rights Watch (HRW), les forces russes ont notamment utilisé des bombes à sous-munitions les 7, 11 et 13 mars, sur la ville de Mykolaïv, proche d’Odessa. Neuf personnes sont mortes le 13 mars, qui faisaient la queue à un distributeur, selon l’organisation.
Au nord de Kiev, à Tcherniguiv, dix personnes qui attendaient pour acheter du pain sont mortes lorsque des forces russes ont ouvert le feu, a affirmé mercredi le Parquet général ukrainien. Moscou a démenti, accusant là aussi des " nationalistes ukrainiens ". Les bombardements se poursuivent aussi sur Kharkiv, deuxième ville du pays, où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre.
A Kiev, une frappe sur un immeuble a tué une personne jeudi à l’aube. " J’ai entendu un sifflement et mon mari m’a appelée en criant. On habite au rez-de-chaussée, les fenêtres se brisaient. Le principal, c’est qu’on soit vivant ", a dit à l’AFP Iryna Voïnovska, 55 ans, en sanglots. " Malheureusement, une femme est morte au 16e étage, écrasée par une gazinière ". La capitale reprenait lentement vie jeudi après la levée d’un couvre-feu imposé depuis mardi soir. Mais les rues, ponctuées de points de contrôle et de sacs de sable, restaient quasiment désertes. La ville s’est vidée d’au moins la moitié de ses 3,5 millions habitants.
Aucun bilan global n’a jamais été fourni, même si le président Zelensky a mentionné le 12 mars la mort d' "environ 1.300″ militaires ukrainiens, tandis que Moscou n’a que rapporté près de 500 morts dans ses rangs le 2 mars. Cent-huit enfants ont été tués et 120 blessés dans le pays depuis l’invasion russe, a indiqué jeudi le Parquet général ukrainien. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) dénonce en particulier les nombreuses frappes sur des infrastructures de santé.
Plus de trois millions d’Ukrainiens ont déjà pris les routes de l’exil, en grande majorité vers la Pologne. Des milliers d’entre eux poursuivent leur voyage vers d’autres pays, comme la Suède: Stockholm estime qu’ils arrivent au rythme de près de 4.000 personnes par jour, et n’exclut pas d’en recevoir jusqu’à 200.000.
Vladimir Poutine a martelé mercredi dans un discours que l’offensive était " un succès ". Son porte-parole, Dmitri Peskov, a affirmé que la " majorité écrasante " des Russes soutenaient la ligne décidée par Vladimir Poutine. Les autres sont des " traîtres ", et le conflit les révèle, permettant une " purification " de la société, a-t-il ajouté, alors que nombre de Russes opposés au Kremlin ont quitté le pays depuis le début de l’offensive.
Malgré la détermination qu’affichent les deux camps, des pourparlers se poursuivent en parallèle par visioconférence au niveau de délégations. Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, en visite à Lviv dans l’ouest de l’Ukraine, a indiqué que Kiev avait " fait une offre sur l’accord de sécurité collective: P5 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, ndlr), plus Turquie et Allemagne ". " Lors de mes contacts à Moscou hier, j’ai vu que la Fédération de Russie (…) pouvait accepter une telle offre ", a précisé le ministre. La veille, l’Ukraine avait rejeté la proposition russe d’un simple statut de pays neutre, exigeant des " garanties de sécurité absolues ".
Frappée par de lourdes sanctions, la Russie a cependant apparemment échappé pour l’instant au défaut de paiement sur sa dette : selon une source proche du dossier, la banque JPMorgan a bien reçu le paiement d’une tranche d’intérêts de 117,2 millions de dollars qui arrivait à échéance.
Avec AFP