Parmi les pertes incommensurables de 2021, celle du psychiatre et psychanalyste Daniel Widlöcher, disparu le 14 décembre à l’âge de 92 ans.

Daniel Widlöcher, qui nous a quittés il y a quelques jours, a traversé et marqué l’histoire de la psychanalyse et de la psychiatrie en France. Sa carrière hospitalière et universitaire est brillante. Entre 1972 et 1995, il est professeur de psychiatrie au CHU de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Avec un sens clinique aiguisé, il a formé plusieurs générations de psychiatres.

Sur le plan psychanalytique, il a joué un rôle très important. Dans la crise qui frappe le mouvement analytique français dès 1953, il est en quelque sorte le Mikati français. Il arrondit les angles, sans toutefois céder sur l’essentiel.

Analysé par Jacques Lacan, il ne le suit quand même pas lorsque ce dernier fonde l’École freudienne de Paris. En 1963, il suit Jean Laplanche, JB Pontalis et Wladimir Granoff pour fonder, un an après, l’Association psychanalytique de France. Il reste cependant marqué par l’enseignement de Lacan.

En 1973, le congrès de l’IPA (Association psychanalytique internationale) se tient à Paris. Élu président, Serge Lebovici le nomme secrétaire général. Il a réussi à maintenir harmonieusement ses fonctions hospitalo-universitaires avec ses nouvelles fonctions de secrétaire général de L’IPA et les multiples voyages qu’il se devait de faire. Il est souvent mandaté pour des missions scientifiques internationales dont une par François Mitterrand en 1986 sur les travaux consacrés à l’exploration du cerveau.

En mai-juin 2001, je l’invite à un grand colloque international que j’organise à Beyrouth sur l’Éthique en psychanalyse, en psychiatrie et en médecine où il côtoie Joyce Mc Dougall, Elisabeth Roudinesco, Patrick Guyomard, Alain Didier Weill, Aldo Naouri etc.

En septembre 2001, il réussit courageusement à " faire voter par le Conseil exécutif de l’IPA une déclaration de non-discrimination envers les psychanalystes homosexuels ".

Devant le danger actuel des anti-freudiens radicaux et des adversaires primaires de la psychanalyse, il réussit à entretenir de bons liens de solidarité entre les différents groupes psychanalytiques de par le monde.
Éclectique, il a toujours cherché à maintenir le discours analytique en interlocution avec les autres discours scientifiques.

En 2010, il publie Comment on devient psychanalyste et comment on le reste.

Son legs à la psychiatrie et la psychanalyse ne sera pas oublié.