Une vaste opération de gesticulation et de communication politique, aux relents populistes on ne peut plus clair… C’est ainsi que l’on peut résumer la déplorable journée d’hier au plan judiciaire. Poursuivant sa cabale contre le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé, la Procureure du Mont Liban Ghada Aoun avait chargé mardi matin une unité du Service de sécurité de l’Etat d’exécuter un mandat d’amener qu’elle avait émis à l’encontre de M. Salamé. Sauf qu’un autre appareil sécuritaire, les Forces de Sécurité intérieure, s’est opposé avec succès à cette mesure.

Si les développements de mardi matin prouve une chose c’est que les pouvoirs étatiques sont frappés d’un dysfonctionnement total. Objectif longtemps recherché par le Hezbollah, soit dit en passant. L’action menée par la Procureure Ghada Aoun a en effet tout d’un coup d’éclat médiatique qui lui fait perdre à la base sa légitimité. D’abord parce que dans cette affaire, Mme Aoun est " arbitre et partie ", comme le reflètent les tweets à caractère clairement partisan et agressif qu’elle a postés pour s’attaquer directement au gouverneur de la BDL, ce qui est contraire au devoir de réserve d’un magistrat.

Ensuite, M. Salamé avait déposé le 14 janvier dernier un recours devant la cour d’appel pour que Mme Aoun soit dessaisie du dossier. Or la Procureure du Mont Liban a refusé de prendre acte de cette démarche et donc de suspendre son action dans ce dossier dans l’attente de la décision de la cour d’appel, comme le fait systématiquement le juge Tarek Bitar qui suspend sur le champ ses investigations dans l’affaire de l’explosion du 4 août 2020 à chaque recours déposé contre lui. Nous sommes ainsi face à une claire politique de deux poids, deux mesures : dans l’affaire de l’explosion du 4 Août, le juge suspend son action dès qu’un recours est déposé contre lui, mais dans l’affaire Riad Salamé, la Procureure fait fi des procédures légales et refuse de prendre acte d’un recours déposé contre elle. Si bien que les développements en rapport avec l’affaire du gouverneur de la BDL n’ont rien d’une action judiciaire saine et revêtent plutôt l’aspect d’une action partisane et politicienne commanditée par une faction politique bien déterminée afin d’aboutir à des objectifs purement partisans et de se livrer à des règlements de compte politiciens.

Comme par un pur hasard, quelques heures après la gesticulation médiatique autour de Riad Salamé, des informations faisaient état en fin de journée d’un vaste " marché " politique portant sur une série de nominations sécuritaires et autres réclamées avec insistance par le chef du CPL, Gebrane Bassil. L’action menée hier sous des prétextes judiciaires avait-elle donc pour but de forcer et d’accélérer la conclusion de ce " marché " sur les nominations et, du coup, de renforcer la position du camp présidentiel sur ce plan ? C’est ce qu’a insinué en tout état de cause mardi en fin de journée le Courant du futur qui a accusé, sur un ton très dur, la présidence de la République de commanditer la cabale contre Riad Salamé. Accusation aussitôt réfutée par la présidence. Affaire à suivre. Sans doute loin de l’exercice sain d’un pouvoir judiciaire réellement indépendant !