Poursuivant sa cabale contre les banques, suivant une procédure qui relève du règlement de comptes, voire du harcèlement arbitraire, la procureure générale près la cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun, a frappé cinq banques d’une nouvelle décision en vertu de laquelle celles-ci sont interdites de disposer de leurs biens meubles et immeubles. Il s’agit de la banque Audi, de la BLOM, de la Bank of Beirut, de la banque Med et de la SGBL, dont le PDG Antoun Sehanoui avait récemment présenté à la cour d’appel du Mont-Liban un recours en dessaisissement du dossier contre Ghada Aoun. Celle-ci avait cependant refusé d’en être notifiée pour ne pas avoir à suspendre sa procédure très contestée, tout comme elle avait refusé, tout aussi arbitrairement, d’être notifiée d’autres recours mettant en cause la crédibilité et le bienfondé de son action contre la Banque du Liban et certaines institutions financières.

L’Association des banques du Liban (ABL) n’a pas tardé d’ailleurs à réagir à la décision de la magistrate, en dénonçant dans un communiqué "un abus de pouvoir".

"L’Association des banques condamne ces décisions illégales qui risquent d’ébranler davantage le système bancaire, dans la mesure où les banques correspondantes risquent de réagir par des démarches négatives qui auront des répercussions néfastes non seulement sur les établissements bancaires libanais, mais également sur les déposants, l’ensemble du peuple libanais, ainsi que sur l’économie nationale", met en garde le communiqué qui accuse sans ambages Ghada Aoun d’"abus de pouvoir", parce que ses décisions "ne reposent sur aucun fondement légal".

L’ABL a aussi fait part de sa "solidarité" avec les banques ciblées, précisant que celles-ci sont "en voie de prendre les mesures légales nécessaires afin de défendre leurs droits légitimes", mais sans préciser lesquelles.

Que l’Association des banques accuse un magistrat d’abus de pouvoir n’est pas une mince affaire. Non pas que cet organisme essaie coûte que coûte de protéger les établissements qui se trouvent aujourd’hui dans la ligne de mire de Mme Aoun, mais parce que l’ensemble du secteur bancaire libanais est menacé à cause d’une véritable chasse aux sorcières qui sert surtout un objectif politique que nul n’ignore.

Proche du camp présidentiel, qui s’est surtout caractérisé par l’échec retentissant de l’ensemble de sa politique, Ghada Aoun se retrouve être aujourd’hui l’instrument d’un pouvoir en mal de réalisations, décrié par une grande partie de la population et qui pense pouvoir échapper au naufrage en offrant aux Libanais un bouc émissaire à qui l’on tente de faire porter le chapeau de la corruption. Car pour le camp présidentiel, l’acharnement contre les banques sert deux objectifs : contrôler ce secteur en se débarrassant, pour commencer, du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé pour le remplacer par un autre, proche du Courant patriotique libre (CPL), fondé par le président Michel Aoun ; et détourner l’attention de la véritable source de corruption dans les sphères politico-administratives, sous la houlette du chef d’orchestre de cette corruption, en l’occurrence le Hezbollah.

À ce jour, aucune enquête n’a été menée dans les administrations où des affaires de corruption ont été pointées du doigt, dont certaines ont été détaillées dans les médias. Des affaires qui font qu’aujourd’hui aucun pays étranger n’accepte de venir en aide au Liban via les organismes officiels et qu’une aide internationale est conditionnée par des réformes structurelles sérieuses.

Pour Ghada Aoun, il a cependant suffi qu’un collectif douteux d’avocats dépose une plainte contre la BDL ou certains établissements bancaires pour qu’elle lance sa machine de guerre, au risque de porter le coup de grâce à un secteur ébranlé par le défaut de paiement de l’État, décidé en mars 2020, mais qui reste le poumon du pays, en dépit de toutes les difficultés auxquelles il est confronté.

Aucune réaction de sa part, cependant, contre al-Qard al-Hassan, par exemple, le réseau financier parallèle et illégal établi par le Hezbollah, et dont l’activité met en péril la réputation du Liban et de son système bancaire. Une délégation du Trésor américain, en visite à Beyrouth en février dernier, avait mis en garde les autorités libanaises contre les activités de ce réseau, sans que la justice ne bouge pour autant.

Mais c’est avec un acharnement d’une agressivité particulière que Ghada Aoun poursuit sa cabale haineuse contre les banques, sachant qu’elle fait l’objet d’une série de mesures disciplinaires, en plus des recours en dessaisissement pour parti pris déposés contre elle, sachant que le procureur de la République, Ghassan Oueidate, avait tenté de l’écarter de ce dossier hautement politisé.

Quoi qu’il en soit, l’Association des banques du Liban n’a pas l’intention de rester les bras croisés. Des concertations sont prévues incessamment pour décider des démarches à suivre.