Cadeaux dispendieux à des ministres et députés, donations massives à des partis politiques, octroi d’un titre de Lord à un homme d’affaires russes : l’influence de l’argent russe a été remis sur le tapis ces dernières semaines, alors que Londres semble fermement motivé à mettre fin à un phénomène perçu comme de la corruption d’élus.  Si le Parti conservateur est davantage visé par les critiques, le Parti travailliste a aussi perçu de nombreuses donations venant de fortunes russes, qui s’est déversé dans la politique britannique et aurait joué un rôle clef dans le vote du Brexit.

Déjà en 2018, le premier ministre Boris Johnson était sous le feu des critiques pour l’influence présumée de l’argent russe sur les décisions de son cabinet. (AFP)

Donations massives, parties de tennis avec des ministres, titres de Lord… L’invasion russe de l’Ukraine a remis en lumière l’influence de l’argent russe sur la politique britannique, relançant les appels à assainir les finances des partis.

" L’influence de l’argent russe est très importante en politique et dans l’Establishment britannique (…) et a augmenté ces 20 dernières années ", estime l’homme d’affaires et activiste William Brodwder, interrogé par l’AFP. Un rapport parlementaire en 2020 relevait que " plusieurs membres de l’élite russe proches de Poutine ont été identifiés parmi les donateurs d’organisations caritatives et politiques au Royaume-Uni ".

Les conservateurs sont particulièrement pointés du doigt, accusés de complaisance après avoir reçu selon les travaillistes près de deux millions de livres de donations de la part de richissimes Russes depuis que Boris Johnson est devenu Premier ministre en 2019.

Ces donateurs comprennent Alexander Temerko, ancien haut cadre du ministère de la Défense de Russie et ex-haut dirigeant du géant pétrolier Ioukos, désormais critique du Kremlin, et Lubov Chernukhin, dont le mari Vladimir a servi dans le gouvernement du président russe Vladimir Poutine avant de tomber en disgrâce.

Le Labour appelle par ailleurs à la démission du coprésident des Tories, Ben Elliot, en charge notamment de lever des fonds pour le parti, accusant la société de concierges pour ultrariches qu’il a cofondée, Quintessentially, de liens avec des grandes fortunes russes.

Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, la nomination à vie en 2020 à la Chambre des Lords d’Evgeni Lebedev, ami de Boris Johnson et fils de l’oligarque et ex-espion russe Alexandre Lebedev, refait couler beaucoup d’encre.

D’après le Sunday Times, Boris Johnson a participé à des fêtes dans une luxueuse propriété de M. Lebedev en Italie. Ce dernier, comme Alexander Temerko et Lubov Chernukhin, s’est exprimé contre l’offensive russe en Ukraine et nie être à la solde du Kremlin.

Les Conservateurs affirment que toutes leurs donations sont enregistrées, légales et émanent de citoyens naturalisés britanniques.

Ils accusent de leur côté le Labour d’hypocrisie, lui reprochant d’avoir reçu 1 million de livres de donations de personnes d’origine russe.

Le membre conservateur de la chambre des Lords Greg Barker vient tout juste de démissionner de son poste de président de EN+, un géant minier dont l’oligarque Oleg Deripaska est le principal actionnaire.

" Il est notable que certains membres de la Chambre des Lords ont des intérêts d’affaires liés à la Russie ou travaillent directement pour des entreprises russes majeures liées " au Kremlin, insistait le rapport parlementaire de 2020.

Il évoquait aussi, sans la démontrer, une influence russe sur le vote du Brexit alors défendu par Boris Johnson, devenu depuis Premier ministre.

" Être donneur (ou donneuse) russe ne signifie pas qu’on soutient Vladimir Poutine, mais dans un pays comme la Russie où l’industrie est liée au gouvernement, on ne peut pas vraiment devenir un oligarque sans le soutien du Kremlin ", estime Daniel Weiner, directeur du centre d’études gouvernementales et électorales Brennan à NYU.

Encore plus catégorique, William Browder estime que la Russie étant " une menace pour la sécurité nationale ", les donations passées de Russes devraient être " considérées avec le plus grand scepticisme et il ne devrait plus y avoir de donation acceptée par aucun parti de quiconque connecté à un gouvernement étranger ".

Il estime que la guerre en Ukraine a servi de détonateur pour le gouvernement britannique qui semble avoir accéléré ses mesures anti-argent sale en politique et dans les affaires: " Vladimir Poutine a forcé tout le monde à réaliser que c’est une question de survie pour (notre) pays ".

Avec AFP