Incendie ou missile, les raisons de la perte du Moskva, l’unique croiseur russe stationné en Mer Noire, sont encore obscures. Envoyé par le fond jeudi, l’épave représente dans tous les cas une amère défaite opérationnelle pour les Russes dans la guerre en Ukraine, rompant l’image de la domination russe de cette mer chaude. Et un indice sur l’importance du soutien matériel apporté à Kiev.

Victoire symbolique

Le vaisseau amiral de la marine russe en mer Noire, en service depuis le début des années 80, a coulé en quelques heures et avec lui une partie de la fierté des forces armées du président Vladimir Poutine, déjà éprouvées depuis le début de son invasion de l’Ukraine fin février.

Selon Moscou, il a été touché par un incendie qui a fait exploser des munitions. Pour Kiev, il a été victime d’une attaque de missiles. Une version accréditée vendredi par le Pentagone. Dans les deux cas, " c’est une perte symbolique très forte ", estime l’ex-amiral Pascal Ausseur, directeur général de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES).

Un navire comme celui-là est en principe entraîné à continuer à combattre après un ou plusieurs impacts et sait maîtriser un incendie, le cauchemar du vaisseau de guerre. " C’est un bateau de 12.000 tonnes, qui a coulé en 12 heures (…). C’est pas comme ça que c’est prévu ", ajoute-t-il à l’AFP.

Pas de mer chaude pour Moscou

Il protégeait l’intégralité d’un diamètre de 150 kilomètres autour de sa position, explique à l’AFP Nick Brown, expert à l’institut de renseignement britannique privé Janes. " Avec les détroits du Bosphore et des Dardanelles fermés par la Turquie aux navires russes, il sera difficile pour la Russie de remplacer ses capacités de défense aérienne ", fait-il valoir.

Mais " le reste de la flotte de la mer Noire demeure une force puissante ", tempère-t-il, avec notamment des frégates modernes de type Amiral Grigorovitch équipées de défenses aériennes plus moderne que le Moskva, quoique de portée plus réduite, et de missiles d’attaque terrestre Kalibr. " La flotte russe n’a pas été mise hors de combat ".

" La perte du vaisseau lui-même ne fera pas reculer Moscou techniquement, car l’implication de la marine russe dans la guerre était assez limitée ", relève Maia Otarashvili, de l’Institut de recherche de la politique étrangère (FPRI) à Washington. Mais Moscou pourrait en tenir compte si elle envisageait " d’impliquer la marine plus directement dans le conflit ".

Effet du soutien occidental ?

Si le Moskva a bien été frappée par des missiles Neptune, peut-être combinés à l’utilisation d’un drone à fin de marquage ou leurre, comme l’affirment les forces ukrainiennes, la question de la réalité de leur équipement se pose. " Est-ce que l’Ukraine dispose de capacités de défense navale que Moscou n’a pas évalué ? ", s’interroge Maia Otarashvili. Elle souligne également que le gouvernement du président Volodymyr Zelensky a constamment réclamé des missiles côtiers pour combler ses lacunes. " De quel genre de missile anti-navires nouvellement obtenus dispose l’Ukraine ? Quels types de dégâts sur la marine russe pourrait-elle provoquer ? ".

Les détails de l’attaque subie par le navire ne seront pas connus tout de suite. L’observation de la coque est essentielle pour les établir, mais celle-ci est désormais au fond de la mer Noire. Reste l’image d’un bâtiment prestigieux, qui s’était illustré en Géorgie en 2008 et en Syrie en 2015-2016, avec un équipage réputé expérimenté qui a jugé indispensable d’évacuer le navire faute de pouvoir le sauver.

Avec AFP