" Il n’est pire douleur que le souvenir du bonheur au temps de l’infortune " Dante Alighieri

C’est une histoire de douche écossaise, ou tout aussi bien celle de la carotte et du bâton, en alternance. La vie au Liban c’est ça. Surtout lorsqu’on s’est hasardée à voir du pays et à goûter aux joies simples et basiques d’une vie "normale". Le retour fait l’effet d’un électrochoc, même si vous comptiez sur l’effet papillon, petites causes grandes conséquences, beaucoup plus complaisant, moins brutal surtout. Quelle mauvaise idée de s’être octroyée une semaine de vacances couplée à une déconnexion de votre PC, resté pour sa part bien enfermé dans votre casa prison libanaise. Le bonheur est une drogue addictive. Il ne fallait pas s’y frotter. Sitôt arrivée en terre italienne, le miracle est, comme de coutume, survenu. La parenthèse achevée, alors que vous pensiez avoir rechargé vos batteries, vous faites face à une panne totale de tous vos sens. Littéralement prostrée. Il ne fallait pas tenter le diable, encore moins éprouver jusque dans vos tripes, et avec une rare complaisance, le syndrome de Stendhal à Florence. C’était suicidaire, mais ça, vous ne le sauriez qu’à votre retour, après avoir siroté la dolce vita sans jamais être assouvie.
Les premières 48 heures, vous êtes encore dans l’euphorie postséjour et mille aventures rocambolesques à raconter à votre entourage. Puis le vide s’installe avec le mécanisme de votre routine. Un remake des temps modernes, le génie de Charlie Chaplin en moins. Vous avez le mal de mer, et surtout le mal de terre, celle qui vous nourrit. Terre nourricière. Le sevrage a été trop abrupt. Le choc des civilisations aussi. Les jeux sont défaits. Rien, absolument rien ne va plus. Impossible de compenser le manque. Avec quoi et avec qui? Vos amies sont toutes à plat. Au Liban on ne fait que discuter électricité, dollar, taux de change, fuel, panne d’essence, pénuries à venir, médicaments et tutti.
Si partir c’est mourir un peu, revenir c’est mourir tout court. D’autant plus que vous avez réussi à fracasser le cercle vicieux du syndrome de Stockholm. Vos geôliers, vous les détestez. Votre prison, aussi "viable" soit-elle, vous voulez absolument la fuir. C’est là où le bât blesse. Comment partir sans regarder derrière soi, un peu comme l’homme qui était parti un jour acheter des cigarettes et qui n’est jamais revenu. Vous fantasmez à l’idée de prendre un aller simple, quelques effets, un efface-mémoire (cette dernière vous joue déjà de sales tours), et ne plus regarder derrière vous.
Faire le vide total pour refaire le plein. Sans comptabiliser les jours ni les mois. Sans culpabiliser surtout. Aucun report n’est plus possible. Vous êtes arrivée à bout de vous. De tout. De tous. Vous êtes épuisée de faire semblant. De vous contenter, de vous restreindre. Vous avez déjà tellement tardé à emprunter la voie d’une vie qui vous ressemble. Qui rassemble ces morceaux épars de vous qui ne forment un tout harmonieux qu’en épousant la plus belle botte du monde. Vous avez impérativement besoin d’un "ici et maintenant" et après vous le… Vésuve! Entre le syndrome de Stendhal et celui de Stockholm, il y a La Divine Comédie et la poésie de Dante…


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