Gaby Kamar et Nada Abdallah sont deux artistes spécialistes d’art miniature. Ici Beyrouth est partie à leur rencontre afin de découvrir leur univers singulier. Arcanes, leur boutique, se situe Rue du Liban dans le quartier de Monnot. Établie en 2013, la boutique regorge des créations des miniaturistes, exposées dans des vitrines. Ces univers en miniature sont composés dans des boîtes de tailles différentes et abordent les divers thèmes de la vie.

"Le minuscule, porte étroite s’il en est, ouvre un monde", écrit Bachelard.

"La miniature est une représentation à petite échelle qui inclut plusieurs genres, comme nous l’explique Gaby Kamar, le doll house ou maison de poupées, le diorama qui est la reproduction à l’identique d’une scène donnée en miniature. Un peu comme la maquette qu’on utilise en architecture et la sculpture miniature. Ce que nous faisons est une combinaison de ces genres, mais de manière artistique et recherchée. Chacune de nos créations transmet une histoire."

"Nous créons des atmosphères, des ambiances, poursuit Nada Abdallah. Nous procédons par thème, nous essayons de raconter une histoire à travers nos créations, des histoires susceptibles de toucher ou de parler à tout un chacun. Nous sommes finalement des créateurs d’ambiance."

Leurs créations à petite échelle sont ludiques et pleines de poésie. C’est un travail minutieux qui demande beaucoup de patience. Dans une ancienne horloge, la bibliothèque d’un érudit avec ses étagères remplies, son bureau en désordre. On pourrait presque sentir sa présence, notre regard arpente les murs et le sol, émerveillé par chaque détail fantaisiste. On retrouve ce plaisir enfantin à découvrir une boîte à trésor. Chaque coin recèle des détails inattendus et surprenants. Ces artistes réussissent à faire tenir tout un monde dans une boîte.

Toutes leurs boîtes sont recyclées. Ils utilisent d’anciennes radios et horloges, des tiroirs d’imprimeurs, des boîtes de pharmacie ou de cigares. Ces adeptes du marché aux puces vont chiner des boîtes et objets insolites susceptibles d’être transformés pour en faire de l’art miniature. Car oui, "la miniature est un art qui se vaut autant que la peinture ou la sculpture, affirme Gaby Kamar. Nous avons du mal à faire valoir notre travail comme de l’art, poursuit-il, malheureusement les gens ne réalisent pas tout le travail qu’il y a derrière". Chaque création prend environ six mois avant d’être achevée et tous les objets sont créés sur mesure. "Tout est fait main", précise-t-il.

Nada Abdallah est dotée d’une imagination extraordinaire. Elle visualise entièrement chaque boîte avant même d’entamer le travail. Gaby Kamar, architecte de formation, réalise le décor principal à l’échelle un douzième (1/12). Les deux artistes se complètent. Amis depuis plus de quinze ans, ils tiennent tous deux cette boutique depuis 2013.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire de l’art miniature?

Nada Abdallah (NA): Je n’avais jamais pensé à faire de l’art miniature. J’étais dans le domaine de la mode, je suis styliste de formation. Après la guerre de 2006, j’ai décidé de laisser tomber la mode et d’ouvrir un magasin d’upcycling avec Gaby qui est un ami de longue date. Tout a commencé par cette idée de recyclage d’accessoires décoratifs. C’est en chinant d’anciens objets que l’idée m’est venue. À la vue d’une ancienne radio, je m’exclame devant Gaby: "Racontons une histoire à travers cette radio!" Nous avons commencé par créer notre bibliothèque idéale qui rassemblerait tous nos auteurs préférés. Sa création nous a pris cinq mois. Cette bibliothèque a connu beaucoup de succès et les gens s’arrêtaient souvent devant la devanture pour la contempler. Plus tard, émerveillé par l’œuvre, un client qui l’avait vue la nuit est venu le lendemain pour l’acheter; cela nous a incités à continuer. D’ailleurs, la bibliothèque est un thème récurrent dans nos créations. Nous en avons créé plusieurs, mais chacune est unique. Toutes nos pièces sont uniques, nous ne répétons jamais le même contenu.

Gaby Kamar (GK): Arrivé à l’âge de la retraite, je voulais trouver une activité pour m’occuper. J’aime le travail manuel et la création de nouvelles choses. Je connaissais déjà le travail de certaines de nos amies qui faisaient de l’art miniature telles que Frida Debbané, mais c’est un peu par hasard que Nada et moi nous sommes lancés dans cette aventure. Finalement, je me suis découvert une véritable passion. Je ressens un plaisir, une satisfaction personnelle quand je crée du beau.

Comment se déroule cette création à deux?

NA: Je donne l’idée générale, et Gaby est le spécialiste des mesures. C’est lui qui sait fabriquer les meubles à la bonne taille. De mon côté je m’occupe des accessoires et je remplis là où il y a besoin à ma manière.

GK: Nada est folle artistiquement et j’aime sa folie. Elle a un sens incroyable de la visualisation.

Quelles sont vos inspirations?

NA: Je m’inspire essentiellement de la vie réelle. J’aime particulièrement les années 40 et 50, leur style et leurs meubles. Je m’inspire des films que je regarde, j’ai une affinité particulière pour les films d’époque, mais aussi des livres que je lis, des artistes que j’aime. Pour moi la création est surtout une thérapie. Il m’arrive de pleurer en finissant une pièce, j’y trouve une forme de catharsis. Ce travail, je le fais d’abord pour moi-même. Je ne cherche pas à plaire ou à vendre.

GK: J’aime le travail de Charles Matton quoique je trouve son art mélancolique. Peter Gabriëlse le sculpteur de boîtes fait des choses extraordinaires aussi. Mais notre art est différent. Ce qui caractérise nos œuvres c’est surtout le message que nous cherchons à faire passer et qui consiste à promouvoir la culture. Nous créons des œuvres qui attisent la curiosité et encouragent à la découverte de nouveaux mondes et cultures.

Quels sont vos projets futurs?

NA: Nous déménageons bientôt dans un nouvel espace plus grand qui va nous permettre d’expandre notre verve créative. Nous allons créer de nouvelles pièces, j’ai beaucoup d’idées à développer. Il y aura également un grand showroom pour exposer nos créations.

GK: Nous souhaiterions toucher un public plus large et faire connaître nos œuvres à l’internationale. Nous envisageons d’avoir recours aux réseaux sociaux afin d’accroître notre clientèle.

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