2021 n’est heureusement pas faite que de blockbusters et de films à grand public. Un cinéma d’auteur continue de survivre malgré la crise planétaire, même si, confronté à de grosses difficultés, il se heurte parfois à des obstacles de distribution et met un certain temps à se faire débusquer pour pouvoir être apprécié à sa juste valeur.
Voici une sélection de quelques-uns de ces films:

Pig de Michael Sarnoski avec Nicolas Cage, Alex Wolff, Adam Arkin

Il s’agit bien d’une gemme, mais elle est vraiment toute poisseuse, recouverte de charbon et de poussière. L’histoire est toute simple : c’est celle d’un homme qui part à la recherche de son compagnon privilégié, son cochon bien aimé qui l’aide à dégotter des truffes dans les bois, kidnappé par des malfaiteurs. Comme quoi, symboliquement, surtout en temps de pandémie, l’amitié est une bénédiction, quelles que soient la nature, l’origine et l’identité de la présence. Très loin de l’univers fantasmatique et onirique de Bong Joon Ho, qui avait déjà abordé le kidnapping d’un cochon sous un tout autre angle plus allégorique et moraliste dans Okja (2017), le film de Sarnoski, glauque et minimaliste, rappelle quelque peu l’univers sombre, dépareillé et vicieux d’Abel Ferrara. L’occasion surtout pour Nicolas Cage de retrouver un peu le monde du cinéma et de rompre enfin un peu avec celui des navets et des nanars, compte tenu de sa prédilection à empiler les films indigestes depuis une décennie déjà.

The World to Come de Mona Fastvold avec Katherine Waterston, Vanessa Kirby, Casey Affleck, Christopher Abbott

Une histoire d’amitié et d’amour entre deux femmes, mal à l’aise dans leur couple respectif et confrontées à la rudesse de la frontière de la côte Est américaine au XIXe siècle. Un film simple, qui raconte une histoire simple, sans fioritures, avec beaucoup d’authenticité. Naturellement, Ammonite (2020) de Francis Lee vient spontanément à l’esprit, de même que le sublime Portrait de la jeune fille en feu (2019) de Céline Sciamma. Mais le film ne possède ni les ambitions du premier, ni la flamme incandescente du second. Le lien affectif entre les deux femmes, merveilleusement campées par l’évanescente Katherine Waterston et la flamboyante Vanessa Kirby, se transforme en amulette capable de conjurer la grande solitude de la vie de couple, l’ennui du quotidien, la brutalité de maris absents, insensibles et focalisés sur les difficultés de la vie, et son pendant extérieur, l’immensité d’une nature hostile et sans pitié. C’est ce qui place aussi le film dans la continuité de The Wind (1928) de Victor Sjöström, avec sans doute la plus grande actrice de tous les temps, Lillian Gish, où les éléments déchaînés de la nature ne sont en fait que le miroir de cette mer d’éléments-sentiments en furie au-dedans même des protagonistes.

Bergman Island de Mia Hansen-Løve avec Vicky Krieps, Tim Roth, Mia Wasikowska, Anders Danielsen Lie

Cette petite pépite de 2021 très bien servie par ces excellents acteurs est un vibrant message d’amour au réalisateur suédois Ingmar Bergman, ses films et son île, Fårö, où il vécut et tourna la plupart de ses films. L’histoire commence par la retraite d’un couple – lui, réalisateur célèbre, elle, scénariste en herbe – dans la maison de Bergman sur l’île, et s’aventure ensuite dans une multitude de directions avec les protagonistes, leurs désirs, leurs fantasmes et leurs angoisses, dans la tradition intimiste bergmanienne. Si vous n’avez aucune affinité avec l’univers de l’immense réalisateur suédois, le film ne vous interpellera sans doute pas. Sinon, vous vous laisserez sans doute entraîner, notamment grâce aux performances très convaincantes de Vicky Krieps et Mia Wasikowska, dont les choix cinématographiques deviennent de plus en plus intéressants.

Little Fish de Chad Hartigan avec Olivia Cooke, Jack O’Connell, Soko

Il y a dix ans, loin du réalisme effrayant et empirique de Contagion (2011) de Steven Soderbergh sorti la même année, le film de sciences-fiction Perfect Sense de David Mackenzie avec Ewan McGregor et Eva Green, offrait une préfiguration symbolique de l’irruption de la Covid-19 dans notre réalité quotidienne. À travers l’histoire d’un couple, le film retraçait la descente dans l’apocalypse d’une société où les hommes sont privés progressivement de leurs facultés sensorielles par un virus. L’amour est-il encore possible dans un tel monde en perte de sens, tant au plan littéral que figuratif ? Tel était le message du film. En 2021, Little Fish, sorti en pleine pandémie, reprend la même question de fond, sauf que cette fois le virus ne frappe plus les sens, mais la mémoire, de manière progressive et insidieuse, transformant les humains en de “petits poissons” coincés dans l’éphémère et prisonniers d’une identité fragmentée, oblitérée, qui s’efface lentement et sûrement. L’amour est-il vraiment plus fort que tout?

The Mauritanian  de Kevin Macdonald avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley, Benedict Cumberbatch

Sans doute la meilleure surprise de 2021. Dans la tradition des films sur l’injustice et les droits de l’homme, le film raconte l’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, un Mauritanien soupçonné sans aucune preuve de lien avec al-Qaëda, torturé par les manières les plus abjectes et incarcéré arbitrairement durant 14 ans – et longtemps au secret – par les États-Unis dans la prison de Guantanamo. Le sujet de la détention arbitraire et des tortures pratiquées par l’administration W. Bush avait déjà été abordé en 2007 par le film Rendition de Gavin Hood, avec Jake Gyllenhaal et Reese Witherspoon. Mais The Mauritanian vaut vraiment le détour, en raison surtout de la performance stellaire de Tahar Rahim, étrangement ignorée par les Oscars l’an dernier, ainsi que par la bonne performance de la très régulière Jodie Foster. Même si le film ne montre pas toute la violence et la crudité du traitement infligé à Slahi durant ses années au pénitencier de Guantanamo, il est cependant suffisamment suggestif pour rappeler l’importance de la règle de droit et de la nécessité du droit à la défense et aux procès équitables, quels que soient les cas de figure et les circonstances. En ce sens, le film est une leçon de démocratie à montrer dans les écoles – et qui se laisse voir, du reste, avec beaucoup de plaisir.

 

 

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