Un pianiste exubérant, le visage dissimulé sous un voile de résille étincelant, deux drag-queens flamboyantes… Jadis sur le point de s’évanouir dans l’oubli, Madame Arthur, le premier cabaret travesti parisien, connaît un regain de popularité auprès d’un public jeune, sans pour autant se départir de ses principes fondateurs.

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Inauguré en 1946, ce bijou de cabaret de Pigalle, qui a servi de tremplin à d’éminentes figures transgenres françaises telles que Bambi et Coccinelle et qui a même accueilli des performances de l’inimitable Serge Gainsbourg, préserve depuis 77 ans une tradition d’extravagance et d’audace. Ici, chez Madame Arthur, on ne fait pas dans le playback, contrairement au voisin, le fameux Michou. On privilégie plutôt les talents dotés de voix captivantes et d’un esprit vif, qui enchantent le public en chantant en français.

Photo : Bertrand Guay/AFP

"Madame Arthur a toujours incarné un espace de liberté", témoigne Bambi, 87 ans, marraine du renouveau de ce haut lieu du spectacle où elle a fait ses débuts avant d’en devenir la vedette. "C’est le cabaret où je me suis épanouie, le point d’ancrage de ma vie. La troupe actuelle porte la flamme de cette tradition, ce qui est extraordinaire! J’espère que de nombreux artistes pourront y percer comme j’ai eu la chance de le faire", déclare celle qui, née garçon, a fait le récit de sa transition dans son livre Marie parce que c’est joli (Éditions Bonobo).

L’actuel propriétaire et directeur de Madame Arthur, Fabrice Laffon, admet que la résurrection du cabaret a été une entreprise périlleuse, réalisée à la dernière minute. "Le cabaret est resté longtemps fermé (de 2010 à 2015). Nous sommes repartis de zéro, mais toujours avec l’objectif de perpétuer l’histoire du lieu", affirme-t-il.

"Nous avons eu le privilège de rencontrer ces jeunes artistes étonnants, qui véhiculent l’ADN de Madame Arthur basé sur la formule chant-piano. Qu’ils soient travestis ou non, hommes ou femmes, mais jamais transformistes (se métamorphosant en personnalités connues), comme c’est le cas ailleurs. Nous ne sommes pas du tout dans l’imitation!"

Photo : Bertrand Guay/AFP

"En 2015, lors de la réouverture, nous étions plus nombreux sur scène que dans la salle!", se remémore le pianiste et compositeur Charly Voodoo, l’un des pionniers de cette renaissance, qui prend place à son instrument en slip et baskets pour le second spectacle de la soirée. "On a misé sur un retour aux sources avec un cabaret “queer” dans l’esprit, peuplé de créatures singulières, comme Diamanda Callas, Odile de Mainville ou encore Lola Dragoness Von Flame, revisitant les classiques français. Le bouche-à-oreille a fait le reste", ajoute-t-il.

Avec une dérision jubilatoire et une extravagance assumée, une troupe d’une quinzaine d’artistes burlesques, parés de costumes audacieux, s’approprient tour à tour le patrimoine de la chanson francophone, mais pas uniquement. De Stromae à Céline Dion, en passant par Barbara, Björk et même Michael Jackson – adroitement traduits – tous trouvent leur place sur la scène de Madame Arthur.

La soirée s’étire jusqu’aux petites heures: après les deux spectacles quotidiens, programmés à 21h00 et à 23h00, le cabaret, après avoir démoli la barrière le séparant du Divan du Monde, ancienne salle de concerts, se mue en discothèque animée, du jeudi soir au dimanche matin.

Photo : Bertrand Guay/AFP

Sous la baguette inspirée de Charly Voodoo, un ex-professeur du conservatoire dans la trentaine qui signe arrangements et improvisations, Madame Arthur parvient à réaliser l’exploit de proposer un spectacle différent chaque semaine.

Récemment, le cabaret club a rendu un hommage vibrant à la "reine des nuits parisiennes", Régine. Peu de temps avant son décès en mai 2022, cette dernière avait offert son boa à la troupe, qui se produit annuellement au Festival Off d’Avignon.

Le mois dernier, le Centre Pompidou a convié les flamboyantes créatures de Madame Arthur pour un hommage à Serge Gainsbourg. Ce dernier, comme son père Joseph avant lui, avait été pianiste du premier cabaret travesti de Montmartre.

Photo : Bertrand Guay/AFP

Et, preuve de son succès grandissant, Madame Arthur s’aventure régulièrement en tournée, tout en proposant la diffusion en direct de ses spectacles parisiens sur Internet. Le cabaret Madame Arthur continue ainsi de réinventer l’héritage culturel français, l’habillant de paillettes et de plumes, en l’inscrivant dans un mouvement d’ouverture et d’acceptation de la diversité et en le portant avec fierté sur la scène mondiale.

Avec AFP

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