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Dans une nouveauté théâtrale saisissante présentée au Festival d’Avignon, le célèbre manuscrit récemment retrouvé de Louis-Ferdinand Céline, Guerre, a été porté à la scène pour la première fois, seulement un an après sa publication. Le texte, une dénonciation acérée de l’absurdité de la Grande Guerre, a été adapté en un monologue poignardant.

Le récit s’ouvre sur un paysage dantesque de 1915. Ferdinand, un brigadier de 20 ans, se réveille, gravement blessé, mais encore en vie, sur un champ de bataille des Flandres transformé en un tapis de cendres. Immédiatement, le public est plongé dans un tableau de carnage dévastateur: le sang, les obus, les rats, les tranchées remplies d’eau, et la douleur omniprésente.

Ferdinand, incarné avec brio par Benjamin Voisin, connu pour ses rôles dans Été 85 de François Ozon et Illusions perdues de Xavier Giannoli, déclare: " J’ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête. "

Le texte suit le récit, supposément écrit en 1934, du sauvetage de Ferdinand par un soldat anglais, de sa convalescence dans un hôpital près du front dans le nord de la France et de son départ pour l’Angleterre. C’est un voyage à la fois tragique et touchant.

Benoît Lavigne, le metteur en scène, a partagé son admiration pour la langue de Céline, louant sa " puissance ", son " oralité " et son humour " drolatique ".

Malgré le poids de l’horreur, la performance n’est pas dépourvue d’humour. Le comédien campe avec brio une variété de personnages hauts en couleur, souvent amusants, avec la verve caractéristique de Céline. Que ce soit le jeune brigadier, naïf, mais touchant, la prostituée Angèle, l’infirmière Mademoiselle L’Espinasse ou encore Cascade, l’acteur emprunte des intonations à Jean-Paul Belmondo, un choix délibéré.

Benjamin Voisin a également partagé son enthousiasme pour le texte, qualifiant l’écriture de Céline de " culte " et confessant qu’elle figure aux côtés de Dostoïevski et Molière sur sa table de chevet. Le texte présente un défi particulier pour l’acteur: " Comment faire pour ne pas alourdir la phrase, pour qu’elle puisse être entendue telle que l’auteur l’a souhaité? C’est ce qui m’amuse. "

Le metteur en scène a par ailleurs souligné la pertinence choquante du livre de Céline à l’actualité, évoquant la récente guerre en Ukraine de 2022 et le parallèle troublant avec les jeunes soldats précipités dans le carnage de la Première Guerre mondiale.

Il convient de noter que les termes d’argot " bicot " et " sidi ", de connotation raciste et présente dans le texte original de Céline, ont été omis dans l’adaptation théâtrale, sans pour autant constituer une censure du texte, selon M. Lavigne.

L’œuvre, présentée dans le " off " du festival, a été accueillie avec une ovation debout et sera jouée à Paris à l’automne pour plusieurs semaines. L’adaptation théâtrale de Guerre promet d’être un ajout incontournable au répertoire théâtral contemporain.

Avec AFP

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