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Chrystelle porte ses sourires dans la profondeur de sa voix. C’est cette voix, riche et mélodieuse, qui l’a guidée dans la formation de son premier groupe musical professionnel, Hushh, avec son meilleur ami guitariste en 2009. Le groupe a sorti un premier album intitulé Jamais perdus et a enchaîné les concerts à Paris. Sa voix rare et puissante a valu à Chrystelle le rôle illustre de Marie-Madeleine dans la comédie musicale Jésus de Pascal Obispo, où Mike Massy incarnait le rôle de Jésus. Cette comédie musicale a fait le tour de la France entre 2017 et 2018. Pour Chrystelle, le chant a toujours été un rêve d’enfant, et le vœu ultime qu’elle formulait lorsqu’elle soufflait ses bougies d’anniversaire. En ce 4 août 2023, Chrystelle partage avec Ici Beyrouth, en avant-première, sa chanson Alors je reste, qui sortira le 30 août.

Chrystelle , aux racines libanaises, françaises et ivoiriennes, est profondément attachée à son héritage culturel et aspire constamment à être en harmonie avec son identité et ses actions. " Je suis en apparence très joyeuse, mais d’une nature très mélancolique que j’ai tendance à masquer pour ne pas dévoiler ma vulnérabilité. Dans mes chansons, c’est l’inverse. Je laisse tomber le masque et révèle mes sentiments les plus profonds, sans crainte d’être jugée. La musique est mon plus bel espace de liberté ", affirme-t-elle. Après avoir connu bonheur et déceptions, elle se trouve aujourd’hui à un moment clé de son parcours. Lors de la pandémie du Covid-19, elle quitte son travail pour suivre une formation en music business en Espagne et obtient son master en 2021. Elle établit un programme de formation pour les jeunes artistes au sein d’une entreprise, Groover.

Comment se déroule le processus créatif pour vos chansons ?

Il n’existe pas de thématique prédéfinie pour moi. Derrière mon piano, je me laisse aller ; je crée une mélodie en laissant danser mes doigts sur les touches, puis les mots émergent. La chanson vient à moi en toute fluidité. Je lui laisse simplement l’espace pour naître. Parfois, les objets abandonnés dans la rue, comme une chaise solitaire, m’inspirent. Je suis libre dans la création mélodique. Pour l’arrangement, je me suis formée sur un logiciel de musique assisté par ordinateur. Une fois les premiers mots clés établis, j’esquisse le texte. J’enregistre les idées sur mon téléphone, puis je passe rapidement à l’ordinateur. Je concrétise la première idée, rédige, puis explore des textures, une rythmique, et crée des reliefs. Enfin, je retravaille les arrangements avec mon directeur artistique, Joseph.

Est-ce un défi ou une évidence de chanter a capella ?

C’est naturel pour moi. Pour Alors je reste en particulier, le processus de création est différent. Comme beaucoup de Libanais, je vis la situation du pays à distance depuis trois ans, mais la douleur qui noue mon ventre est toujours palpable. Le Liban a été le lieu de toutes mes premières fois. J’ai peur de rentrer et de ne plus retrouver mes repères, d’affronter une nouvelle réalité. J’avais du mal à exprimer cela. Cet été, face au même blocage, j’ai reporté mon voyage en me disant : " Alors je reste " … Un cri du cœur.

Quel est ce déchirement que l’on ressent dans votre chanson Alors je reste ?

Cet héritage m’a été légué par la génération de mon père. Tout d’abord, j’ai été nourrie par la douleur des exilés pendant la guerre. Puis, j’ai ressenti moi-même l’angoisse de la diaspora libanaise lorsque, à l’âge de 18 ans, j’ai dû quitter mon Liban natal en guerre en 2006 pour poursuivre mes études à Paris. Enfin, mon troisième traumatisme est le plus poignant : l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. J’étais au téléphone avec mon père à ce moment-là. Paralysée par le choc, je n’ai pas réussi à revenir au Liban depuis trois ans. Je peine à trouver les mots pour décrire l’horreur et le traumatisme de cette catastrophe… c’était comme la fin du monde. Mon esprit et mon cœur peinent toujours à accepter cette réalité. Le seul mot qui me vient à l’esprit est " Trop ". D’autant plus qu’à ce jour, aucune personne responsable n’a été dénoncée ou jugée. Le tourment des Libanais de la diaspora est unique. C’est une boule que nous portons constamment au ventre. Dans ma chanson, je ne cherche pas à raviver ces moments atroces, mais plutôt à exprimer mes sentiments pour mon pays et ma maison.

À part le bruit qui accompagne vos mots et les quelques notes timides à la fin de votre chanson Alors je reste, qu’aimeriez-vous retrouver à Beyrouth ?

J’ai en effet intégré le bruit des klaxons, ceux du vendeur de galettes, des bagarres de chats et le son des cloches des églises d’Achrafieh, là où j’habite. Tous ces bruits me ramènent à Beyrouth. J’aimerais retrouver la vie nocturne et ces petits matins après une soirée, où l’on se retrouve autour d’une man’ouché.

Quel est le point commun entre Paris " blessé " que vous avez chanté et les trois ans passés loin de Beyrouth qui n’est plus " chez moi " ?

J’ai couché sur le papier Paris se relève suite aux tragiques événements survenus au Bataclan, le 13 novembre 2015. Cette nécessité d’expression était tout aussi impérieuse que celle qui m’a poussée à écrire Alors je reste. Si la première chanson a émergé d’un besoin collectif de réaction et de résilience, la seconde est née d’un appel urgent de ma conscience personnelle.

Alors je reste est dédiée à Beyrouth. Ma dévotion se concentre sur Beyrouth, ma source inépuisable d’inspiration, même si je ne suis pas sur le point de m’y rendre. C’est toujours à cette ville que je reviens en pensée, la considérant comme mon point d’ancrage et mon commencement. De là est né un projet de chanson française alternative, fruit de mon attachement à la chanson française, une certitude qui s’est affirmée malgré mes craintes d’apparaître désuète. Mon œuvre est un torrent de confessions, une exploration en profondeur de sujets souvent ardus : l’aliénation mentale, la finitude de la vie, l’auto-répudiation. Cependant, chaque adversité dévoile une splendeur qui, selon moi, s’apparente à une " poésie mélancolique de l’isolement ". La production de ce projet est dépouillée et contemporaine, dépourvue de toute prétention. C’est un miroir dans lequel je me confronte, sans détour ni illusion.

À une époque où l’intelligence artificielle envahit nos vies et où tout peut être recréé, perfectionné, pourquoi chanter ? Pourquoi continuer à créer ?

Pour moi, le chant est une catharsis émotionnelle, une exigence vitale. C’est le moment privilégié où je laisse mes émotions prendre la parole. Ce qui émeut, c’est quand l’âme s’exprime avec tout son bagage émotionnel, ses failles, ses blessures, sa pudeur, son vécu, ses regrets et sa colère… L’IA n’aura jamais d’âme. Elle pourrait exceller dans la pop grand public, mais mon registre est bien plus confidentiel.

" L’ambition ", est-ce un mot qui trouve écho en vous ?

Non, si l’ambition signifie devenir multimilliardaire et accumuler des possessions. Ma plus grande ambition est de " toucher " les gens et d’éveiller en eux des émotions.

Qu’est-ce que le talent pour vous ?

Jacques Brel disait que le talent n’est autre que le travail. Pour moi, c’est ne jamais arrêter d’essayer.

Un voyage dans le temps : Jésus, de Pascal Obispo. Parlez-nous du commencement.

Confrontée à une incertitude déroutante concernant la musique, je me suis réfugiée dans ma foi. En tant que croyante, j’ai cherché refuge dans une petite chapelle. J’ai adressé une prière, sollicitant un signe. En revenant au bureau, j’ai ouvert ma boîte de réception pour y découvrir un email signé " Jésus ". Intriguée, j’ai ouvert le message qui contenait les mots : comédie musicale, Jésus de Pascal Obispo, Christophe Baratier et casting. Pour la première fois, un casting s’annonçait favorable pour moi !

Que vous reste-t-il de Marie-Madeleine ?

Il me reste l’expérience de la comédie musicale, le silence d’une salle comble lors de ma vocalise en solo, et surtout, l’amour inconditionnel. Marie-Madeleine a été la pionnière qui a compris qu’aimer c’est exister. Elle a aimé Jésus comme personne – à part Marie – ne l’a aimé, et a été transformée par cet amour. C’est un témoignage de la force de l’amour et la preuve qu’il peut bouleverser toute une existence.

Pour garder le lien :

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Marie-Christine Tayah
Instagram : @mariechristine.tayah

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