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Byblos, au nord du Liban, a ses remparts d’un autre temps, sa splendide église de l’époque des Croisés, son temple aux obélisques, ses allées romaines pavées, son amphithéâtre où le souffle marin s’est substitué aux tragédies millénaires. Byblos a parfois des citadins adoptifs d’exception, qui contribuent davantage à sa renommée que les natifs eux-mêmes. Il en est ainsi de cet artiste troubadour, Reynaldo Sayegh, qui a jeté l’ancre dans le plus vieux port phénicien du monde et dont les idées fusent pour catapulter des œuvres uniques, parlantes et insolites, aux quatre coins du globe. 

Reynaldo Sayegh, Rey ou Reynaldo pour les intimes, délaissa son domicile d’Achrafieh en 2000 et décida de s’installer dans cette petite ville du nord qui, à l’époque, ressemblait fortement à un bourg ensommeillé. Il fit de ses mains ce que bon lui semblait et ce que son imagination foisonnante lui intimait. Longtemps, on put trouver dans son impressionnante galerie où résonnaient les notes des opéras italiens tout ce qui servait à se vêtir et à orner les murs, les tables et les terrasses des maisons d’ici et d’ailleurs. Tricots en laine ou en coton aux couleurs chatoyantes, sous-verres en bois de toutes les couleurs avec des clins d’œil aux expressions typiquement libanaises, vases pointillés aux tons de l’arc-en-ciel, sculptures en pâte à papier, photographies surprenantes déclinant tout un camaïeu de bleus et greffant sur les rivages libanais des paysages évoquant la Méditerranée… Globe-trotter inlassable, il suffit que son regard effleure le grand bleu pour que l’inspiration se renouvelle. C’est sur la toile que sa personnalité décline cependant toutes ses facettes. L’homme, qui n’a pas sa langue dans sa poche, joue avec humour sur la traduction littérale de certains proverbes libanais qu’il trace en caractères latins sur des planches. Souvenirs parfaits d’un Liban savoureux et hilarant, ils font partie des trophées de plus d’un expatrié. Un autre best-seller est inspiré des figurines en bronze trouvées au temple aux obélisques, à Byblos, que Reynaldo a stylisées à souhait sur de hauts tableaux étroits. Des études précédentes de biologiste lui ont inspiré des sujets désormais historiques avec, pour toile de fond, une foison de détails qui révèlent un monde mystérieux, mystique à souhait. Mélangeant pâturages et Voie lactée, rois mages et fakirs, reines mères et odalisques, drapeau libanais et drapeau arc-en-ciel, Europe et Ahiram, mythes et réalité, il a été avant-gardiste en osant être ce qu’il est et dire ce qu’il pense, en pionnier. Le rire au bout des lèvres, la vie à bout de bras, il savoure les secondes en osant tout et son contraire sur des toiles au style inimitable. L’artiste a renoncé à un lieu d’exposition unique et distribue ses œuvres dans plusieurs boutiques de Byblos et de Beyrouth, dont la plus représentative est celle d’Alice Eddé: Gibran’s Library (La librairie de Gibran), au cœur du vieux souk. Peintre, photographe, artisan, tisseur, créateur génial de mille objets singuliers et craquants, Reynaldo Sayegh expose jusqu’au 20 août à Eddé Yard dans la rue des bougainvillées, au cœur du vieux souk. L’exposition a pour but de renouer les liens après la pandémie avec les amis de longue date et les clients, collectionneurs passionnés depuis l’an 2000. Il faut rendre aux villes antiques l’importance qui leur revient et aux artistes l’hommage qui leur est dû pour les remercier de surfer en conquérants sur la noirceur des événements sans sombrer.

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