C’est un citron vert. Peut-être plus que d’autres, certainement moins que certains. Or peu de gens aiment le citron vert à l’état brut.

Pour relever un plat lors d’une soirée, oui, elle passe très bien, avec son acidité. Mais dans la vie de tous les jours, celui qui la supporte à longueur de temps a trop plein de sucre dans sa vie. Ce qui d’ailleurs est quelque chose de bien. Elle aussi aime beaucoup les douceurs.

C’est pour cela que les gens normaux ne l’aiment pas. Ils l’apprécient, certes, mais ils ne l’aiment pas. Elle est trop "acidulée", et les gens stables ont besoin de garniture pour embellir leur petite vie. Pas d’un acide qui en dissout les fondations. Pas d’un citron vert qui les regarde de travers. Qui les voit à l’envers.

La tête dans l’oreiller, elle sent quelques larmes qui coulent, comme pour laver son existence. Mais l’existence, parlons-en. Elle ne l’a jamais autant sentie que dans ces moment-là, à vider ses tripes, à sentir tous les fantômes de son passé passer à travers ses spasmes.

À travers sa bouche qui s’ouvre, elle essaie de cracher toute la crainte et tous les points d’interrogation. La nuit passée, elle avait rêvé de jolies phrases, elle en avait brodé. Elle en avait vomi aussi. Elle rentre se rafraîchir des fantômes de la nuit, et lorsqu’elle se regarde dans le miroir cette fois-ci, elle ne fait que se voir. Aucun point d’interrogation ne lui saute à la figure. Elle sourit. Un nouveau bonheur l’envahit. Du coup chaque chose est à sa place, là où elle devrait être. Elle est seule physiquement, mais elle ne l’est plus comme avant.

Plénitude intérieure. Elle se sent imperméable. Un magnifique pot de fleur, là où on a bien voulu qu’elle pousse. Elle est tout ce que ses fantômes ne sont pas. Elle est son papa. Elle est sa maman. Elle est les 365 histoires qu’on lui a lues toute sa vie, d’année en année. Elle est le grain de sable qu’on lui a montré en pointant du doigt vers l’immensité de la vie, un jour où le soleil lui brûlait la rétine.

Elle est chacun de ses amis. Elle est "celui qui la supporte à longueur de temps parce qu’il a trop plein de sucre dans sa vie". Elle a le cœur plein de musique et de livres.

Elle n’a plus les mots sur elle. Ils se sont envolés, par ses oreilles, par sa bouche, par tous les pores de sa peau. Elle les a chantés, scandés, elle a jonglé avec. Un mot qui va ici, puis là, comme une symphonie, chaque note à sa place, chaque mot bien ordonné. Et puis elle a pris une douche froide. Les souvenirs vaporeux et les fantômes de minuit se sont échappés à travers la fenêtre qui ne ferme jamais assez, avec le vent de février.

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