Afin d’éclairer la suite de notre pérégrination sur l’amour, je vous propose de revenir au Banquet de Platon pour écouter Diotime, une philosophe présente parmi cette auguste assemblée, nous narrer la naissance d’Éros, le dieu de l’Amour.

Dans la Grèce antique, au mont Olympe, les dieux sont réunis autour d’un festin pour célébrer la naissance d’Aphrodite. Parmi les nombreux convives, se trouve Poros, dieu de l’Abondance. Enivré de nectar, alourdi par la bonne chère, il s’éclipse au jardin de Zeus pour y faire un somme. Se tenant près de la porte, escomptant profiter des restes du festin, Pénia, déesse de la Pauvreté et de l’Indigence, l’aperçoit et décide de mettre à profit l’occasion pour avoir un enfant de lui. C’est ainsi que naquit Éros, dieu de l’Amour, fils de la Pauvreté et de l’Abondance.

Ecoutons Diotime: "Étant fils de Poros et de Pénia, l’Amour en a reçu certains caractères en partage. D’abord il est toujours pauvre, et, loin d’être délicat et beau comme on se l’imagine généralement, il est dur, sec, sans souliers, sans domicile; sans avoir jamais d’autre lit que la terre, sans couverture, il dort en plein air, près des portes et dans les rues; il tient de sa mère, et l’indigence est son éternelle compagne. D’un autre côté, suivant le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles, amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier, magicien et sophiste. Il n’est par nature ni immortel ni mortel; mais dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie tant qu’il est dans l’abondance, tantôt il meurt puis renaît. Ce qu’il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu’il n’est jamais ni dans l’indigence ni dans l’opulence, et qu’il tient de même le milieu entre la science et l’ignorance ".

Ce beau mythe nous livre la clé de l’énigme du sentiment amoureux: l’amour est énigmatique, toujours fugitif. Il échappe à toute entreprise d’enfermement. Il est fondamentalement humble et modeste car il n’est jamais certain de ce qu’il détient, ni de ce qu’il sait. Son existence est précaire, toujours incertaine, jamais définitive. Bien qu’il soit doté de grandes ressources, celles-ci sont mouvantes, éphémères. Tantôt il se sent plein de richesses de toutes sortes, tantôt il se retrouve dans le dénuement le plus profond. Celui ou celle qui s’imagine être beau/belle, riche, séduisant(e), sûr(e) de soi un jour, se perçoit laid(e), démuni(e) et misérable le jour suivant. Pour peu que l’on accepte la condition d’un désir impossible à assouvir.

Ainsi en est-il du véritable amour.